Duel économique

Pas une priorité !

Certains prétendent que subventionner l’achat de voitures électriques est une mauvaise idée puisque, à quelque 300 $ par tonne de gaz à effet de serre (GES) économisée, les coûts de ce type de mesure sont trop élevés.

C’est pourtant vrai de toutes les mesures qui pourraient aujourd’hui être implantées afin de réduire notre empreinte écologique. En effet, la très vaste majorité des programmes à faible coût qui ont un effet à la baisse sur les émissions ont déjà été mis en place. En analysant cet enjeu uniquement sous l’angle financier, nous risquons ainsi de maintenir un statu quo indésirable. Cela dit, on peut se demander si la subvention à l’automobile électrique est la politique la plus efficace à l’heure où d’importants efforts doivent être faits pour atteindre les objectifs environnementaux du Québec.

Pas la solution miracle

Rappelons d’abord qu’afin d’ajouter 1,2 million de véhicules électriques sur les routes du Québec d’ici 2030, le gouvernement du Québec offre une subvention pouvant aller jusqu’à 8000 $ à l’achat d’une voiture électrique neuve, jusqu’à 4000 $ pour les véhicules usagés et de 600 $ pour l’installation d’une borne électrique. Or, au 31 décembre 2017, on ne comptait qu’environ 21 800 véhicules électriques immatriculés au Québec. Nous sommes donc bien loin des objectifs que s’est fixés le premier ministre Couillard. Et c’est sans compter que la voiture électrique, bien que présentant de réels avantages par rapport à la voiture à essence, pose néanmoins de nombreux problèmes.

D’une part, elle continue de participer à l’étalement urbain et à la congestion des voies routières. D’autre part, son empreinte environnementale est elle aussi très élevée. De nombreuses études sont en cours pour calculer à partir de quand dans son cycle de vie la voiture électrique devient moins polluante que la voiture à essence. Ceci dit, on sait déjà que les matériaux nécessaires à la construction des batteries sont limités sur la planète et que le caractère éthique des pratiques pour les extraire a été mis en doute.

Finalement, non seulement les subventions accordées par l’État à travers l’impôt des Québécois profitent à des constructeurs automobiles étrangers, mais elles bénéficient surtout à des particuliers relativement aisés capables d’acheter des voitures dont la valeur oscille généralement entre 35 000 $ et 95 000 $. 

En ce sens, la subvention semble défavoriser le Québec et ses contribuables.

Cela ne veut pas dire que nous devons arrêter de faire la promotion de la voiture électrique, mais il faut concevoir ce véhicule comme faisant partie d’un cocktail de transports plutôt que comme le fer de lance de la politique écologique du gouvernement. Ce faisant, il serait pertinent de, minimalement, réviser à la baisse les subventions accordées pour ce type de véhicules.

D’autres avenues

Si l’on veut au contraire diminuer le nombre de voitures sur les routes et faciliter la mobilité, le gouvernement devrait se tourner vers le développement des transports en commun. Depuis quelques années se développe de plus en plus au Québec une industrie qui fabrique des autobus et des tramways fonctionnant à l’électricité. Il apparaît logique de financer le développement de ce type de réseau pour l’ensemble du Québec, à la fois pour les grands centres, les petites villes et pour le transport intermunicipal. 

En plus d’avoir un potentiel plus écologique que la voiture électrique, cela aurait un effet plus intéressant sur l’économie québécoise que de subventionner des constructeurs établis à l’extérieur du pays.

Duel économique

Le temps de « tirer la plogue »

Les subventions aux voitures électriques ont toujours été coûteuses et inefficaces. Elles sont maintenant inutiles.

Au Québec, les subventions aux véhicules électriques (VÉ) peuvent grimper jusqu’à 8000 $ par véhicule vendu, sans compter 600 $ pour l’installation d’une borne de recharge. Si le gouvernement du Québec parvient à son objectif très ambitieux d’un million de VÉ sur les routes en 2030, cela pourrait contribuer tout au plus à réduire les émissions de GES de 3,6 % par rapport au niveau de 1990, en plus de coûter des centaines de millions, voire des milliards aux contribuables. La mesure aurait aussi peu d’effet sur les émissions globales du Québec, puisque l’objectif du gouvernement est de les réduire de 37,5 % d’ici 2030.

L’IEDM s’est d’ailleurs penché sur la question et a publié l’an dernier une étude dans laquelle il quantifiait, de façon très prudente, le coût des subventions québécoises aux voitures électriques par tonne de gaz à effet de serre (GES) non émis. Quand on sait qu’un VÉ peut éviter l’émission de 29,9 tonnes de GES au cours de sa vie utile, on peut établir à 288 $ le coût de la subvention pour chaque tonne de GES éliminée.

Ce chiffre de 288 $, ainsi que les conclusions de l’étude, a été repris maintes fois par les médias, sans que personne remette ce calcul en question. D’autres études sont même arrivées à des montants bien plus élevés.

L’inefficacité de ce programme est encore plus importante. En effet, de nombreux VÉ seraient sans doute achetés sans subvention. Une étude a évalué qu’au Québec, c’est le cas pour la moitié des voitures électriques vendues. Le coût réel par tonne de GES effectivement réduite grâce au programme est donc vraisemblablement deux fois plus élevé que les 288 $ mentionnés plus haut.

Le coût de réduction d’une tonne de GES à la bourse du carbone est de moins de 20 $. Par ailleurs, la taxe carbone fédérale, qui vise les mêmes objectifs, est présentement à 10 $ la tonne et ne dépassera pas 50 $ par tonne dans cinq ans. 

Pourquoi le Québec devrait-il s’entêter à tenter de réduire les émissions de GES avec un outil aussi coûteux, alors que d’autres existent ?

De plus, les VÉ sont encore, en raison de leur prix élevé malgré les subventions, achetés surtout par les citoyens les plus fortunés des grands centres urbains. Comment justifier la taxation de l’ensemble de la population pour effectuer un transfert de milliers de dollars vers nos citoyens qui sont parmi les plus aisés ?

L’argument le plus fort pour mettre fin à ces subventions est probablement que l’industrie automobile est de toute façon en train de basculer vers de nouvelles technologies, l’électrique au premier plan. La semaine dernière, le groupe Volkswagen, le plus important constructeur automobile au monde, a annoncé qu’il achèterait pour 25 milliards US de batteries au cours des prochaines années, ce qui fait suite à une série d’annonces par différents fabricants, qui vont toutes dans le même sens. L’État ne devrait jamais choisir les gagnants, mais c’est encore plus stupide de le faire si la partie est terminée !

En somme, les subventions aux voitures électriques partent sans doute de bonnes intentions, mais n’aident que très peu à atteindre les objectifs officiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), en plus d’être coûteuses et régressives, et finalement inutiles. C’est un mauvais programme qui devrait être abandonné avant qu’il n’entraîne plus de gaspillage. En bon québécois, c’est le temps de « tirer la plogue ».

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