Maternité

À la rescousse des parents ordinaires

Tous les nouveaux parents vous le diront : l’arrivée d’un enfant, aussi extraordinaire soit-elle, n’est pas sans défis. Les nuits trop courtes, les coliques, les difficultés à donner le sein, la vaisselle qui s’empile, la poussière qui s’accumule… Dépassés, plusieurs donneraient cher pour avoir une paire de bras supplémentaire. Mais voilà, leurs propres parents n’ont pas encore pris leur retraite et leurs amis sont au boulot. C’est là qu’entrent en jeu les relevailles, un service de soutien à domicile pour les pères et les mères qui ont besoin de répit.

C’est tout simple : une assistante périnatale s’insère dans le quotidien familial quelques heures par semaine. Elle peut s’occuper du nouveau-né, faire des tâches ménagères légères, aider à préparer les repas, jouer avec les enfants plus vieux et prêter une oreille attentive aux inquiétudes des parents. Souvent, l’assistante est une maman qui souhaite épauler une autre maman. Elle possède des connaissances de base en périnatalité.

« Le fait que ces services soient donnés par des personnes n’ayant pas un statut professionnel favorise le rapprochement avec les familles. Les assistantes cherchent plutôt à réconforter et à encourager les jeunes parents, car plusieurs se sentent maladroits et ne savent plus trop où donner de la tête. Notre mission est en une d’empowerment », explique Louise Boucher, directrice du Réseau des Centres de ressources périnatales du Québec.

Les CRP, comme on les appelle, sont un peu les dépositaires des services de relevailles qui, autrefois, étaient assurés par la famille et le voisinage. Avant les années 50, les nouvelles mères gardaient le lit pendant les neuf jours suivant l’accouchement. « Elles avaient donc besoin de “releveuses” pour les aider avec la maisonnée, explique la professeure Denyse Baillargeon de l’Université de Montréal, spécialiste de l’histoire des femmes, de la famille et de la santé au Québec. La tradition s’est perdue quand les femmes ont commencé à accoucher à l’hôpital. »

Les relevailles ont été remises au goût du jour dans les années 80 quand sont apparus les premiers CRP. Aujourd’hui, ces entreprises d’économie sociale offrent des services de soutien à domicile à raison de trois heures par semaine, parfois plus. Certains CRP donnent un coup de pouce pendant quelques mois, d’autres pendant plus d’une année. Les frais sont calculés à partir du revenu familial actuel des clients. Les prix varient selon les organismes, mais demeurent modiques.

UN SERVICE PRÉCIEUX, MAIS PEU CONNU

« Plusieurs personnes ne savent pas que les relevailles existent. C’est un service qui gagne à être connu », affirme Geneviève Roch. La professeure à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval et chercheuse au CHU de Québec mène actuellement un projet de recherche en collaboration avec le Réseau des CRP pour évaluer l’utilisation des relevailles.

Des résultats très préliminaires indiquent que ce service vient combler un besoin important chez les familles, peu importe leur situation socioéconomique. Car c’est là, la beauté des relevailles : elles sont offertes à tous et pas seulement aux familles étant considérées comme « à risque ». « Tous les nouveaux parents vivent, à divers degrés, une période de déséquilibre après la naissance de leur enfant », remarque Geneviève Roch. Malheureusement, la vulnérabilité des parents « ordinaires » tombe souvent dans l’oubli. Le Commissaire à la santé et au bien-être l’a lui-même souligné dans un rapport de 2011 portant sur la performance des soins et services en périnatalité et en petite enfance : « […] la clientèle dite universelle ne se voit offrir qu’une gamme limitée de services, dont l’accès demeure difficile et fort variable. »

Les relevailles n’échappent pas à cette tendance. Certaines régions, comme la Côte-Nord et la Gaspésie, ne sont pas couvertes. Les 10 CRP financés en partie par le ministère de la Santé et des Services sociaux n’ont pas suffisamment d’argent pour étendre leur offre ou même pour la publiciser. « Les budgets des CRP n’ont pas été augmentés depuis 2003, à l’exception d’une indexation au coût de la vie d’environ 1 à 2 % », se désole Louise Boucher.

Les CRP qui ne sont pas officiellement reconnus par le gouvernement sont obligés d’aller chercher des sources de revenus ailleurs, entre autres auprès du fédéral et d’organisations philanthropiques. Résultat : ils ne peuvent répondre aux besoins de tous les parents, car leurs subventions les conditionnent souvent à desservir une clientèle présentant des critères de vulnérabilité précis.

Pourtant, la demande est là. « Plusieurs parents qui participent à notre étude ont signalé qu’ils auraient voulu plus d’heures de relevailles », observe Geneviève Roch. Sur le terrain, les commentaires des familles sont éloquents. « Je ne sais pas combien de fois des parents m’ont dit qu’on leur avait littéralement sauvé la vie », affirme avec émotion Gaël Magrini, directeur général du CRP Espace famille Villeray. Une phrase qu’a souvent entendue Marie-Hélène Perron, formatrice des professionnelles en intervention périnatale au CRP Les Relevailles de Montréal. « Je pense que c’est parce qu’on n’impose pas une façon de faire aux familles, dit-elle. On n’est pas là pour critiquer le parent, mais davantage pour favoriser ses compétences en fonction de ses acquis, de ses valeurs et de sa culture. Si une mère veut utiliser ses trois heures de relevailles pour magasiner, on la laissera faire – même si on pense qu’elle aurait plutôt besoin de dormir. C’est le parent qui décide ce dont il a besoin, pas nous. »

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