Chronique

Et soudain,
un doute...

BOSTON — Dans le TD Garden, l’ambiance est fiévreuse. Les Bruins, énergiques comme jamais, viennent de créer l’égalité 3-3. Debout, la foule hurle ses encouragements à ses favoris. Cette lame de fond est irrésistible. Venant à la fois de la patinoire et des gradins, elle enveloppe le Canadien.

Deux minutes plus tard, l’inévitable se produit : Reilly Smith déjoue Carey Price et donne les devants aux Bruins. Le beau rêve du Canadien, rentrer à Montréal avec deux victoires en poche, s’est éteint.

Contre les Bruins, peut-être la meilleure équipe de la LNH, il faut toujours se méfier. Ces gars-là ne se tiennent jamais pour battus. Ils sont bons et orgueilleux. Et ils l’ont durement rappelé aux joueurs de Michel Therrien hier.

Ce n’est pas tant la défaite qui fait mal au Canadien. Mais plutôt la manière. L’équipe s’est effondrée dans les dix dernières minutes de jeu, comme un ballon perdant rapidement son air. Pour obtenir du succès en séries, il faut pourtant préserver une avance de deux buts avec une demi-période à jouer.

« On a extrêmement bien joué durant 50 minutes, a dit Michel Therrien. Mais ce sont des choses qui arrivent dans le hockey… »

« Ç’aurait été bien de remporter les deux matchs à Boston, mais il faut rendre hommage aux Bruins. Ils n’ont jamais lâché. »

— L'entraîneur-chef Michel Therrien

L’entraîneur du Canadien semblait songeur. Le coup a fait mal. Mais pleurer les occasions perdues n’a jamais été la recette des équipes championnes et il le sait très bien. Voilà pourquoi il a vite mis le cap sur la prochaine rencontre. « On retourne à la maison. Et si on joue de la bonne façon, on aura nos chances. »

***

Dans le vestiaire des siens, malgré le revers, P.K. Subban affichait son optimisme. Le défenseur a disputé une autre excellente rencontre, préparant les deux buts de Thomas Vanek.

« Nous sommes arrivés à Boston en voulant remporter un match, a rappelé Subban. Nous aurions évidemment souhaité gagner les deux, mais nous détenons maintenant l’avantage de la glace. Nous ne sommes pas en état de panique. Les Bruins sont tenaces et alignent de bons joueurs. À nous de retrouver notre concentration et de jouer 60 minutes en entier. »

Subban était au centre de toute l’attention, hier. Dans leurs éditions du jour, les deux quotidiens de Boston, le Globe et le Herald, ont dénoncé les insultes racistes proférées à son endroit dans les médias sociaux après le match de jeudi. Comme à Montréal, l’histoire a fait la manchette.

Sur le coup de midi, présent au TD Garden, le commissaire Gary Bettman a aussi manifesté sa déception à propos de cette histoire. « La haine et les préjugés n’ont pas leur place dans notre ligue. Nous prônons la diversité et l’inclusion. »

Après la rencontre, Subban a réagi publiquement à l’affaire. Pour la première fois, « et sans doute la dernière », a-t-il précisé. Manifestement bien préparé, il a d’abord pris soin de dissocier ces messages haineux de l’organisation des Bruins ou des partisans de l’équipe.

« Les fans ici sont passionnés, a-t-il dit. Je suis souvent venu à Boston, ma famille aussi, et ç’a toujours été formidable. »

« Ce que les gens ont pu dire sur Twitter ou les médias sociaux n’est pas le reflet de la ligue ou des Bruins. »

— P.K. Subban

Subban, un athlète toujours intéressant à écouter, a ensuite noté que ce triste incident avait eu le bienfait de rassembler le monde du hockey, unanime dans sa dénonciation.

« C’est cela qui est fantastique. Ça rend la ligue plus forte. La LNH a des tonnes de joueurs venant d’endroits différents partout dans le monde. C’est ce qui la rend si spéciale. »

***

Au printemps 2011, le Canadien a surpris les Bruins en gagnant les deux premiers matchs à Boston. Ceux-ci n’ont pas baissé les bras, arrachant la victoire en sept rencontres.

Tout indique que la série de cette année sera aussi très longue. Les deux rivaux ont des ambitions et du cran. Ils batailleront jusqu’au bout.

Cela dit, la marge de manœuvre du Canadien est moindre. Les Bruins composent à l’évidence une équipe supérieure. Leur rendement en saison en fait foi. Il ne faut pas leur permettre de se relever lorsqu’ils ont un genou au plancher, comme le Canadien l’a fait hier.

Voilà pourquoi ce revers est douloureux. Les Bruins étaient en mauvaise position avec dix minutes à jouer. Grâce à ce retour spectaculaire, ils n’ont pas seulement gagné le match, mais aussi envoyé un puissant message. Lorsqu’ils ont passé en cinquième vitesse, l’affaire a été vite entendue. Beaucoup trop vite.

Même si Michel Therrien et ses joueurs ont répété qu’il n’était pas question de paniquer, c’est à leur tour d’éprouver soudain un doute. Ils ont été secoués, comme les Bruins l’étaient eux-mêmes après le premier match.

Le Canadien devra absolument tirer profit des deux rencontres à Montréal pour s’imposer. Permettre aux Bruins de reprendre l’avantage de la glace serait une mauvaise idée. Gagner au TD Garden est une tâche colossale. Le Canadien a accompli sa mission en obtenant une victoire à Boston. Il doit maintenant saisir les occasions à domicile.

Pour cela, il faudra tenir le coup lorsque les Bruins rugiront. Carey Price devra être solide et le jeu en territoire défensif, plus serré.

Et, bien sûr, si Ginette accepte de donner un coup de main avant la rencontre, ça ne nuira pas.

QUINTAL, SEUL MAÎTRE À BORD

Stéphane Quintal a le dernier mot sur les mesures disciplinaires imposées aux joueurs durant les séries éliminatoires, a assuré Gary Bettman, hier.

Le commissaire de la LNH a fourni cette précision lors d’un point de presse avant l’affrontement Canadien–Bruins. Je tenais à lui poser la question, car un certain flou a existé autour du réel pouvoir décisionnel de Quintal après sa nomination, le mois dernier. On ignorait jusqu’à quel point Bill Daly, l’adjoint de Bettman, était maintenant impliqué dans le processus.

« Lorsque Brendan Shanahan était aux commandes, il sollicitait l’avis de ses collaborateurs, dont Stéphane, a expliqué Bettman. Mais Stéphane n’était pas chargé de réunir le matériel, procéder à l’enquête et mener les auditions.

« Bill s’est simplement assuré que Stéphane soit à l’aise avec toutes les étapes des procédures. En analyse finale, toutes les décisions dont Stéphane a été responsable ont été les siennes. Il a le dernier mot. »

Vu sous cet angle, l’apport de Daly est utile. Le préfet de discipline a pour mission de rendre la justice. Il doit respecter les processus prévus. Daly, qui est avocat, donne un coup de main à Quintal, qui connaît moins cet aspect du métier.

SEATTLE, LA CLÉ

Gary Bettman s’est aussi exprimé sur d’autres enjeux. Mon collègue Marc Antoine Godin en rend compte ailleurs dans ce numéro. Je retiens notamment les propos du commissaire sur une éventuelle expansion. Il a répété que la LNH n’entretient aucun plan en ce sens. En revanche, il ne ferme jamais complètement la porte non plus.

À force d’entendre Bettman et Daly vanter les mérites de Seattle – ce fut encore le cas hier –, j’en viens de plus en plus à croire qu’une décision sur l’expansion est liée à la construction d’un nouvel amphithéâtre dans cette ville.

Le jour où ce dossier débloquera, la LNH pourrait aller de l’avant. Il s’agirait de l’élément déclencheur. Reste à savoir quelle ville obtiendrait alors la deuxième équipe. Le circuit choisira le marché le plus prometteur et la géographie ne sera pas un élément décisif.

Mais on n’en est manifestement pas encore là. Aucun nouvel aréna ne sera construit à Seattle tant et aussi longtemps que la ville n’obtiendra pas une concession de la NBA.

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