France

Condamnés à râler, les Français ?

« Peut-on être heureux en France, qui plus est sous François Hollande ? » L’entrée en matière du modérateur a beau être humoristique, la question était assez sérieuse pour en faire le débat central du premier Printemps de l’optimisme, qui s’est tenu le week-end dernier à Paris et dans une trentaine de villes de France. 

PARIS — Réputés pour leur esprit critique et leur tempérament râleur, les Français peuvent-ils aspirer au bonheur ? Philippe Gabilliet, président de la Ligue des optimistes de France et professeur en comportement organisationnel à l’Université ESCP Europe à Paris, croit que oui. À condition de « s’émerveiller » un peu plus. Entretien avec le Français le plus optimiste de l’Hexagone.

Pourquoi les Français sont-ils aussi pessimistes ?

Les Français ont un complexe d’ancienne grande puissance. Au siècle dernier, on incarnait l’universalisme, mais c’est terminé, et les Français s’en rendent compte. Il y a un malaise qui n’est pas lié à un sentiment de déclin, mais bien d’après-déclin. On n’est plus ce qu’on a été.

Les Français ont-ils raison d’être aussi pessimistes ?

Il y a un tas d’autres domaines qui sont formidables en France : nous offrons des ingénieurs et des diplômés partout dans le monde, la démographie est extrêmement florissante par rapport au reste de l’Europe, nous avons une cinématographie et une création littéraire. Ça va mal. C’est vrai que nous avons des difficultés structurelles, le droit du travail est très lourd, la réglementation bureaucratique est handicapante, mais il y a des garçons et des filles qui créent des entreprises tous les jours en France. L’objectif de la Ligue des optimistes, c’est de fédérer ces gens avec des initiatives positives de façon à en retirer des règles de fonctionnement.

Que doivent faire les Français
pour être plus optimistes ?

Les psychologues disent que plus les gens sont arrogants, plus ça veut dire qu’ils ne s’aiment pas. Les Français devraient réapprendre à s’aimer un peu plus, à voir ce qui va bien chez eux. Ils doivent développer un réflexe d’émerveillement. L’esprit critique, ça va cinq minutes, mais on ne peut pas bâtir sa vie avec ça. Il faut pouvoir admirer le monde dans lequel on est, ne serait-ce que pour se donner l’énergie de le changer.

Les Parisiens méritent-ils leur mauvaise réputation ?

Nous sommes dans un pays de culture très centralisée. Depuis le Moyen-Âge, Paris a toujours incarné l’autorité de l’État central, une autorité qui a longtemps empêché les autres zones de France de se développer. Vient se greffer à ça l’image du Parisien râleur. Ce qu’on reproche aux Parisiens en France, c’est ce que les étrangers reprochent aux Français. Le Parisien, c’est une espèce d’huile essentielle du Français, avec à la fois les bons côtés
– les arts, la culture – et les mauvais côtés – râler en permanence, manquer de courtoisie. Il y a 10 ou
20 ans, c’était particulièrement frappant dans les transports en commun, mais ceux-ci sont devenus cosmopolites, comme la ville, d’ailleurs. Les mauvais comportements du Parisien, vous les retrouvez aujourd’hui dans certains bistros, chez certains chauffeurs de taxi, chez certains grands magasins comme les Galeries Lafayette, où on est mal accueilli. Mais la situation est nettement meilleure qu’il y a 10 ans.

Les Québécois sont-ils optimistes ?

Les Français sont fascinés par les Québécois, des gens pour qui tout est possible. Sauf pour le climat qui les rebute, tous nos enfants voudraient partir au Canada. Quand nous pensons au Québec, nous avons l’image d’un pays où les choses sont possibles, où on peut se développer. Il est plus facile d’être entrepreneur au Québec.

Dans quels pays les gens sont-ils les plus heureux ?

Les études nous disent que ce sont dans les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède). Comme par hasard, ce sont des pays où il y a une très grande égalité entre les personnes.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.