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Il y a 137 hivers naissait l’inventeur de la souffleuse

Sa renommée est bien loin d’atteindre celle de Joseph-Armand Bombardier. Mais n’en déplaise aux amateurs de motoneige, son invention est infiniment plus utile. Le 17 décembre 1876, dans une ferme laitière de ce qui allait devenir Saint-Léonard, est né Arthur Sicard, l’inventeur du chasse-neige. Ce mécanicien amateur de génie, conseiller municipal et maçon à ses heures, est aujourd’hui presque tombé dans l’oubli. La Presse est allée sur ses traces.

Illumination et chômeurs

C’est en 1895, à l’âge de 19 ans, que le jeune Arthur a une révélation en voyant la moissonneuse-batteuse d’un voisin. Excédé de ne pouvoir livrer le lait de la ferme familiale à cause de la neige, il cherche une façon efficace d’ouvrir les routes et d’évacuer la neige. En bricolant un véhicule de ferme, il arrive à souffler la neige à quelques mètres de distance. À l’époque, on ne connaissait qu’une méthode : la neige était tassée sur les côtés par un chariot, souvent tiré par un cheval. Le chargement de la neige se faisait à la pelle, ce qui permettait l’embauche de centaines de chômeurs.

Le chasse-neige enfin prêt

Il faudra 30 ans à Arthur Sicard pour mettre son invention au point, grâce à l’arrivée de moteurs à explosion plus puissants. Entre-temps, il est élu échevin de la ville de Maisonneuve. C’est à ce titre, et non grâce à son invention, qu’il donne son nom en 1922 à une artère de l’est de Montréal. En 1925, il essaie son prototype dans les rues de la ville : il s’agit essentiellement d’une camionnette à quatre roues motrices, équipée de deux grandes vis rotatives à l’avant et d’un long tuyau sur le côté. L’appareil intriguant souffle maintenant la neige à plus de 25 mètres. Il lui a coûté 30 000 $ à construire, une fortune à l’époque.

Controverse au conseil

En 1927, il vend son premier modèle à la ville d’Outremont, qu’il baptise la déneigeuse et souffleuse à neige Sicard. Le 6 décembre 1928, Montréal adopte une résolution pour acheter « deux machines pour l’enlèvement de la neige dans les quartiers excentriques, au prix de $13 000 chacune ». En 1929, le gouvernement du Québec en achète un modèle pour déblayer la route entre Québec et Montréal. Au total, de 1927 à sa mort, en 1946, Arthur Sicard vendra 250 chasse-neige au Québec. Les historiens rapportent qu’au milieu des années 30, en pleine crise économique, les échevins montréalais étaient divisés en deux clans : ceux qui souhaitaient acquérir d’autres souffleuses Sicard et ceux qui y voyaient une menace pour les emplois.

Souffleuses internationales

À sa mort, en 1946, Arthur Sicard laisse une entreprise en pleine expansion qui a fait sa fortune – il lègue six maisons à ses héritiers. Ses souffleuses sont vendues dans une vingtaine de pays, et ont même servi à déblayer les routes après des tempêtes de sable au Liban et en Égypte. Après bien des restructurations, son entreprise, devenue le Groupe Sicard SSI, est aujourd’hui basée à Saint-Hyacinthe. L’inventeur, par contre, a laissé peu de traces dans les mémoires. Son usine, rue Bennett, est devenue un immeuble de copropriétés. Sa première machine rouille doucement dans un entrepôt au Musée des sciences et de la technologie d’Ottawa. En 1995, Postes Canada a lancé un timbre à son effigie. Et en 2003, Manuel Barbeau Lavalette lui a consacré un documentaire, Souffleur de neige, disponible sur YouTube.

Le déneigement à Montréal en chiffres

2200

Appareils (chenillettes de trottoir, niveleuses, chasse-neige et tracteurs-chargeurs) utilisés pour le déblaiement, qui consiste à pousser la neige en bordure de la chaussée et des trottoirs.

3000

Employés affectés aux grandes opérations de déneigement.

28

Sites d’élimination de la neige

13 millions

En mètres cubes, neige éliminée chaque année, soit 300 000 voyages de camion.

17 millions

Coût moyen d’une tempête de neige avec accumulation d’au moins 20 cm. Le budget total consacré au déneigement est de 160 millions.

Sources : Archives de la Ville de Montréal, Ville de Montréal, Souffleur de neige, Une histoire du Québec en photos

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