Tunisie

Une cible de choix pour les djihadistes

PARIS — Avec des maquis djihadistes qu’elle ne parvient pas à réduire, une frontière incontrôlable avec la Libye en proie au chaos et des milliers de jeunes partis – et pour certains revenus – combattre en Syrie, la Tunisie est une cible de choix pour les islamistes armés.

Même si l’attaque menée contre le musée du Bardo, en plein centre de Tunis, n’a pas encore été revendiquée, elle porte en tous points la marque des islamistes armés qui ont, ces derniers mois, multiplié les menaces contre les autorités tunisiennes et une de ses premières sources de devises, le tourisme.

Des militants se réclamant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou du groupe État islamique (EI) sont depuis la révolution de 2011, qui a donné le coup d’envoi de ce qui a été appelé le « Printemps arabe », retranchés dans des maquis situés dans les massifs montagneux proches de la frontière algérienne. Malgré plusieurs offensives d’envergure, l’armée tunisienne n’est jamais parvenue à les en déloger, perdant dans ces combats des dizaines de soldats, notamment dans la région du mont Chaambi, le point culminant du pays.

La détérioration de la situation dans la Libye voisine, où l’État central a disparu au profit de milices qui se disputent le pouvoir, certaines ouvertement ralliées à l’EI, pèse également sur la Tunisie, d’autant que la longue frontière entre les deux pays, dans des régions désertiques, est virtuellement impossible à contrôler. Dans des régions où la contrebande avec la Libye est souvent la seule source de revenus, une fermeture de la frontière n’est pas envisageable et pourrait provoquer des soulèvements locaux.

« La proximité géographique augmente évidemment les risques », estimait début mars Jamil Sayah, président de l’Observatoire tunisien de la sécurité globale, estimant nécessaire que les pays de la région définissent « une stratégie commune pour étouffer l’EI dans les frontières libyennes ».

FORMATION EN SYRIE

Avec 2000 à 3000 jeunes hommes partis, au cours des quatre dernières années, grossir les rangs des groupes djihadistes luttant contre le régime de Bachar al-Assad en Syrie et contre le gouvernement central en Irak, la Tunisie a fourni le plus fort contingent de combattants étrangers. Ils seraient au moins 500 à être revenus au pays, estiment les autorités tunisiennes, qui tentent de les maintenir sous étroite surveillance et affirment avoir empêché le départ d’au moins 9000 autres volontaires.

« Ces groupes salafistes djihadistes ont fait le choix stratégique d’envoyer des jeunes en Syrie pour les préparer et former ainsi des cadres qui seront prêts pour un éventuel combat en Tunisie. »

— Slaheddine Jourchi, analyste tunisien

Les groupes armés islamistes tunisiens mènent dans le pays de constantes opérations de harcèlement contre les forces de l’ordre. En février, ils étaient une vingtaine à tendre une embuscade à une patrouille de gendarmerie près de la frontière algérienne, tuant quatre gendarmes et s’emparant de leurs armes.

Et en octobre, cinq femmes et deux hommes, membres de ce qui a été présenté comme une cellule djihadiste, se sont retranchés dans une maison des abords de Tunis pour éviter leur arrestation. Dans l’assaut, cinq femmes et un homme ont été tués. Selon le gouvernement tunisien, un des hommes blessé et arrêté était membre d’Ansar Asharia, une organisation classée comme terroriste par Tunis et Washington.

En décembre, un Franco-Tunisien, Boubaker El Hakim, a revendiqué dans une vidéo tournée en Syrie l’assassinat de deux opposants anti-islamistes tunisiens, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. « Nous allons revenir et tuer plusieurs d’entre vous », a-t-il menacé. « Vous ne vivrez pas en paix tant que la Tunisie n’appliquera pas la loi islamique ! »

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