OPINION

Le devoir moral d’Ottawa

Les politiciens ne peuvent rester les bras croisés devant toute la douleur, tout le désarroi qui a déferlé sur Lac-Mégantic

Aujourd’hui, le Québec en entier se souvient de l’endroit où il se trouvait, il y a un an, quand les premières nouvelles d’une tragédie ferroviaire à Lac-Mégantic ont commencé à être diffusées et que l’ampleur du drame s’est revélée.

Si les souvenirs des Québécois en général ne sont en rien aussi vifs et douloureux que ceux des résidants de Lac-Mégantic, ils restent tout de même gravés à tout jamais dans nos mémoires. Dans mon cas, c’est le souvenir d’une petite fille qui me hante toujours, douze mois plus tard.

Je suis arrivé à Lac-Mégantic le lendemain des évènements tragiques pour apporter tout le soutien que je pouvais aux gens éprouvés. Comme tout le monde, j’avais été horrifié de voir à la télévision les images du centre-ville dévasté, mais rien ne pouvait me préparer au drame humain dont j’allais être témoin. À peine mon hélicoptère s’est-il posé dans une ferme de Nantes, tout près de Lac-Mégantic, qu’une petite fille est accourue et a sauté dans mes bras. La fillette était désespérée. Elle cherchait son père depuis la veille. Sa mère, qui la suivait de près, a laissé tomber un verdict qui semblait d’ores et déjà sans appel : il se trouvait dans le Musicafé au moment du drame.

Quand un désastre d’une telle ampleur déferle sur une communauté, on a tendance à soutenir que les politiciens devraient se tenir loin, mais la tragédie de Lac-Mégantic a démontré le contraire.

En quelques secondes à peine, j’ai pu mieux comprendre l’ampleur du désarroi qui régnait sur cette communauté en ce triste jour. Tout au long de mon séjour, j’ai entendu de nombreuses histoires déchirantes, de nombreuses personnes à la recherche de leurs parents, de leurs enfants, de leurs proches… Des familles déchirées par un train fantôme venu changer leur vie à jamais. Mais de toutes ces histoires, c’est cette petite fille, qui cherchait le peu de réconfort qu’elle pouvait obtenir dans les bras d’un inconnu, qui m’a le plus profondément marqué.

Quand un désastre d’une telle ampleur déferle sur une communauté, quand le sort semble s’acharner sur une petite ville, on a tendance à soutenir que les politiciens devraient se tenir loin, qu’ils ne peuvent rien faire outre se mettre en valeur.

La tragédie de Lac-Mégantic a démontré le contraire, en mettant en opposition la bassesse du propriétaire de la MMA et le courage, la résilience, le travail acharné et la grande classe de la mairesse locale, Mme Colette Roy-Laroche. Si tout le Québec en a tiré une inspiration profonde, ce n’est pas seulement pour l’immense brio avec lequel elle a su naviguer dans cette crise, mais aussi parce qu’elle a su incarner un idéal noble et admirable de la politique, celui de gens qui n’hésitent pas à se retrousser les manches et à redoubler d’ardeur quand un drame frappe leur région.

Il est plus que temps que nous aussi, politiciens fédéraux, suivions cet exemple et nous attelions à améliorer la sécurité ferroviaire au Québec et partout ailleurs au pays, histoire de tirer les leçons de cette tragédie. Le train meurtrier de la MMA a démontré hors de tout doute que l’autorégulation ne peut suffire et qu’Ottawa a un devoir moral de s’impliquer davantage dans la vérification et l’inspection des compagnies de chemin de fer.

Déjà, nos efforts soutenus ont permis d’obtenir le retrait graduel des wagons DOT-111, ces dangereux wagons-citernes impliqués dans l’accident. Cela ne suffit pas toutefois. Il faut non seulement davantage d’inspecteurs pour vérifier si les entreprises ferroviaires suivent véritablement les règles, mais également des normes plus serrées d’entretien des voies et des trains, une meilleure communication avec les communautés qui voient des matières dangereuses transiter sur leurs territoires et, surtout, il faut que la sécurité ferroviaire soit une des priorités du gouvernement fédéral, pour que plus jamais une de nos villes ne doive se relever d’un tel épisode.

Un an après Mégantic, soyez assurés que le souvenir de cette petite fille dans mes bras reste bien ancré au fond de moi-même et motive chacune de mes actions dans ce dossier. Les politiciens ne peuvent rester les bras croisés devant toute la douleur, tout le désarroi qui a déferlé sur Lac-Mégantic. J’espère sincèrement que mes collègues conservateurs et libéraux seront du même avis, et qu’ensemble, nous pourrons changer les choses.

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