LA PÉDIATRE RÉPOND

Le langage, étape par étape

Tout d’abord, le langage englobe l’interaction et la communication. Quand Benjamin vous tend les bras ou qu’il pique une crise au supermarché, c’est aussi du langage. Pas toujours de la forme souhaitée, mais il communique. Ses acquis langagiers ne se limitent donc pas aux mots correctement prononcés ou à la liste de mots de vocabulaire. 

Afin de vous aider à suivre un peu mieux les étapes attendues dans l’apprentissage du langage de Benjamin, je vous mets en situation : c’est exactement comme si vous visitiez un pays dont vous ne connaissez pas la langue...

À 2 mois, j'observe

Vous débarquez. D’abord, vous êtes en état d’observation : vous tentez de comprendre les expressions faciales, les intonations, les gestes... Si on vous sourit, vous répondez par un sourire. Si on vous fait de gros yeux, vous comprenez assez vite que vous n’avez pas intérêt à rester là trop longtemps... Et vous finissez finalement par risquer maladroitement de baragouiner un mot ou deux. 

Même chose pour Benjamin : on parle ici de la période de pré-langage. Elle englobe sa première année de vie. Initialement, votre petit bonhomme vous observe quand vous lui parlez, puis vous sourit volontairement (2 mois), gazouille (3 mois), crie, imite vos intonations. Il comprend assez rapidement les stratégies à adopter pour attirer votre attention et vous faire accourir. Il saisit de mieux en mieux l’intonation que vous utilisez dans certains contextes, par exemple lorsqu’il vient de vous mordre et que vous lui lancez un « non » bien ferme. Dès le très jeune âge de 4 mois, les principes de la conversation et du « chacun son tour » s’installent lorsque vous répondez à ses gazouillis par des vocalises semblables.

Vers 8 mois, je gesticule 

Revenons à vous, voyageur. Vos efforts de communication se poursuivent dans la gestuelle... pas toujours discrète, mais bon, vous finissez par obtenir ce dont vous avez besoin en insistant un peu. 

Benjamin utilisera les mêmes moyens. Vers 8 ou 9 mois, il vous tend les bras quand il veut être porté, montre du doigt ce qui l’intéresse, fait « bye-bye » avec la main et « non » de la tête. 

Ça y est, vous vous lancez. Vous avez repéré quelques mots de cette langue étrangère qui semblent récidiver souvent dans des situations précises... et vous tentez votre chance. Lorsque vous écoutez les conversations autour de vous, vous en saisissez des bribes : vous vous faites la remarque que c’est bien plus facile de comprendre que de parler une nouvelle langue ! La gentille dame qui vous a servi le petit-déjeuner a pris le temps de vous faire répéter quelques mots couramment utilisés, et vous avez joué au perroquet pour mieux les intégrer... 

Mon premier mot à 1 an

C’est en général autour de 1 an que les premiers mots apparaissent. « Papa » vient souvent avant « maman »... parce qu’il est tout simplement plus facile à prononcer. Il y a parfois confusion sur la personne appelée papa ou maman, et c’est tout à fait normal. 

Benjamin reconnaît son prénom et comprend plus de choses qu’il n’est capable d’en dire, surtout les mots qui reviennent fréquemment dans son quotidien : manger, dodo, bain, promenade, etc. Il apprend beaucoup en répétant ce qu’il entend, d’où l’importance de lui adresser la parole sans utiliser un « langage de bébé ». Entre 10 et 50 mots devraient s’ajouter à son vocabulaire dans les 6 mois suivant ses premiers mots, soit jusqu’à environ 18 mois. Et on n’est pas en train de jouer au Scrabble ici : miam-miam ou wouf-wouf comptent pour des mots. Pas de panique : à cet âge, le nombre de mots et leur utilisation peuvent varier énormément d’un enfant à l’autre. 

Jusqu'à 6 ans

Vous arrivez tout doucement à vous faire comprendre et prenez confiance, ce qui vous donne envie de continuer votre apprentissage... Vous parvenez à faire de courtes phrases qui, par la suite, deviennent de plus en plus complexes. Votre prononciation s’améliore également... 

À 2 ans : l’association de deux mots apparaît (« où maman ? », « veux lait » ). Ce sont les fondations de la structure de la phrase. Les ordres simples sont facilement compris, sans être nécessairement écoutés. On atteint de 200 à 300 mots à 2 ans, et entre 600 et 800 mots à 3 ans (vous n’êtes pas obligés de compter). La prononciation laisse encore à désirer. 

À 3 ans : la phrase devient plus complexe, avec l’apparition du « moi », puis du « je », des adjectifs et des adverbes (beaucoup, avant, après, etc.) Les consignes comprises sont plus complexes : « va dans ta chambre, prends ton chapeau et tes chaussures ». Benjamin commence à vouloir raconter des histoires et apprend de courtes chansons. On doit presque parfaitement le comprendre. 

À 4 ans : la phase du « pourquoi ». Un conseil : répondez-lui, même si cela peut vous paraître épuisant par moment. La prononciation des sons R, J et CH est encore difficile.

De 5 à 6 ans : de 2000 à 10 000 mots et beaucoup d’imagination ! Benjamin commence à saisir le non-dit et les notions plus abstraites.

À suivre la semaine prochaine : Mythes et réalités sur le langage : quand s’inquiéter ?

Pédiatre, Gaëlle Vekemans a suivi sa formation à l’hôpital Sainte-Justine en 1998 et s’est ensuite jointe à l’équipe de la Cité-de-la-Santé de Laval. Depuis 2001, elle pratique la pédiatrie générale à la clinique Plexo Médiclub du Sanctuaire, à Montréal. Elle est l’auteure de L’ABC de la santé des enfants, publié en 2013 aux éditions La Presse. Son rôle principal reste cependant celui d’être une maman comblée de trois filles.

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