LA PÉDIATRE RÉPOND
Le langage, étape par étape
COLLABORATION SPÉCIALE
Tout d’abord, le langage englobe l’interaction et la communication. Quand Benjamin vous tend les bras ou qu’il pique une crise au supermarché, c’est aussi du langage. Pas toujours de la forme souhaitée, mais il communique. Ses acquis langagiers ne se limitent donc pas aux mots correctement prononcés ou à la liste de mots de vocabulaire.
Afin de vous aider à suivre un peu mieux les étapes attendues dans l’apprentissage du langage de Benjamin, je vous mets en situation : c’est exactement comme si vous visitiez un pays dont vous ne connaissez pas la langue...
Même chose pour Benjamin : on parle ici de la période de pré-langage. Elle englobe sa première année de vie. Initialement, votre petit bonhomme vous observe quand vous lui parlez, puis vous sourit volontairement (2 mois), gazouille (3 mois), crie, imite vos intonations. Il comprend assez rapidement les stratégies à adopter pour attirer votre attention et vous faire accourir. Il saisit de mieux en mieux l’intonation que vous utilisez dans certains contextes, par exemple lorsqu’il vient de vous mordre et que vous lui lancez un « non » bien ferme. Dès le très jeune âge de 4 mois, les principes de la conversation et du « chacun son tour » s’installent lorsque vous répondez à ses gazouillis par des vocalises semblables.
Benjamin utilisera les mêmes moyens. Vers 8 ou 9 mois, il vous tend les bras quand il veut être porté, montre du doigt ce qui l’intéresse, fait « bye-bye » avec la main et « non » de la tête.
C’est en général autour de 1 an que les premiers mots apparaissent. « Papa » vient souvent avant « maman »... parce qu’il est tout simplement plus facile à prononcer. Il y a parfois confusion sur la personne appelée papa ou maman, et c’est tout à fait normal.
Benjamin reconnaît son prénom et comprend plus de choses qu’il n’est capable d’en dire, surtout les mots qui reviennent fréquemment dans son quotidien : manger, dodo, bain, promenade, etc. Il apprend beaucoup en répétant ce qu’il entend, d’où l’importance de lui adresser la parole sans utiliser un « langage de bébé ». Entre 10 et 50 mots devraient s’ajouter à son vocabulaire dans les 6 mois suivant ses premiers mots, soit jusqu’à environ 18 mois. Et on n’est pas en train de jouer au Scrabble ici : miam-miam ou wouf-wouf comptent pour des mots. Pas de panique : à cet âge, le nombre de mots et leur utilisation peuvent varier énormément d’un enfant à l’autre.
À 2 ans : l’association de deux mots apparaît (« où maman ? », « veux lait » ). Ce sont les fondations de la structure de la phrase. Les ordres simples sont facilement compris, sans être nécessairement écoutés. On atteint de 200 à 300 mots à 2 ans, et entre 600 et 800 mots à 3 ans (vous n’êtes pas obligés de compter). La prononciation laisse encore à désirer.
À 3 ans : la phrase devient plus complexe, avec l’apparition du « moi », puis du « je », des adjectifs et des adverbes (beaucoup, avant, après, etc.) Les consignes comprises sont plus complexes : « va dans ta chambre, prends ton chapeau et tes chaussures ». Benjamin commence à vouloir raconter des histoires et apprend de courtes chansons. On doit presque parfaitement le comprendre.
À 4 ans : la phase du « pourquoi ». Un conseil : répondez-lui, même si cela peut vous paraître épuisant par moment. La prononciation des sons R, J et CH est encore difficile.
De 5 à 6 ans : de 2000 à 10 000 mots et beaucoup d’imagination ! Benjamin commence à saisir le non-dit et les notions plus abstraites.
Pédiatre, Gaëlle Vekemans a suivi sa formation à l’hôpital Sainte-Justine en 1998 et s’est ensuite jointe à l’équipe de la Cité-de-la-Santé de Laval. Depuis 2001, elle pratique la pédiatrie générale à la clinique Plexo Médiclub du Sanctuaire, à Montréal. Elle est l’auteure de
, publié en 2013 aux éditions La Presse. Son rôle principal reste cependant celui d’être une maman comblée de trois filles.