Les règles sont respectées, affirment les transporteurs

Malgré l’insatisfaction de nombreux voyageurs, les transporteurs aériens soutiennent qu’ils respectent les droits des passagers.

« Air Transat respecte les différentes réglementations en vigueur dans les pays qu’elle dessert, affirme le porte-parole de l’entreprise, Pierre Tessier. Pour les vols partant de l’Europe, des affiches et copies de la réglementation européenne sont disponibles à nos comptoirs. Il existe des réglementations variées régissant les opérations des compagnies aériennes, qui peuvent être plus ou moins strictes que nos propres engagements en matière de services aux passagers. Dans tous les cas, nous nous efforçons d’appliquer les dispositions les plus avantageuses pour nos passagers. »

« Nous respectons la réglementation de tous les pays où nous exploitons des vols, réglementation qui a des exceptions et exclusions, indique aussi la porte-parole d’Air Canada, Isabelle Arthur. Nous prenons le temps nécessaire pour étudier toute réclamation avec soin selon les circonstances et la réglementation applicable. »

Retards de vols

Ténacité payante

Après un séjour à Londres, en septembre dernier, Pierre Vanier et sa conjointe ont attendu huit heures à l’aéroport avant le décollage de leur vol. Le voyageur s’est plaint auprès du transporteur Air Transat, qui lui a offert 100 $ de crédit sur un prochain billet.

Or, Pierre Vanier a appris la semaine dernière, dans un reportage de La Presse, qu’il avait droit à une compensation de 600 euros (860 $), selon le règlement 261/2004 de l’Union européenne (UE), méconnu chez nous.

Furieux, il a rappelé le service à la clientèle d’Air Transat, le 20 juillet, pour exiger l’indemnisation prévue par la loi. Il l’a obtenue six jours plus tard. « Bonne nouvelle : Air Transat a confirmé ma réclamation à la vitesse supersonique ! Une compensation de 600 euros par personne, ou 750 euros de crédit sur un prochain vol d’ici 18 mois », a-t-il écrit dans un courriel.

Pourquoi Air Transat n’a-t-elle pas offert dès le départ l’indemnisation à laquelle son client avait droit ? Une responsable du service à la clientèle lui avait plutôt écrit, le 15 octobre 2015 : « Nous ne pouvons accepter la responsabilité résultant d’un retard et ne dispensons aucune compensation. Or, après révision du délai en question, la haute direction a décidé d’offrir à tous les passagers un crédit voyage de 100 $. Aucune compensation supplémentaire ne sera octroyée. »

Pourtant, le transporteur aérien ne pouvait ignorer le règlement adopté en 2005 par l’UE, qui prévoit une indemnisation de 600 euros par passager lors d’un vol annulé ou en retard de plus de trois heures, pour les trajets de plus de 3500 km, au départ d’un aéroport européen.

Le règlement exige aussi qu’un document écrit, expliquant les montants des compensations, soit remis aux voyageurs en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard de plus de deux heures, ce qui est rarement respecté.

2 % DE RÉCLAMATIONS

Des milliers de dollars échappent aux voyageurs, en raison de ce manque d’information.

« Moins de 2 % des passagers connaissent leurs droits et font des réclamations. »

— Cecilia Minges, porte-parole d’AirHelp, une entreprise américaine qui propose aux passagers retardés de faire pour eux les démarches d’indemnisation

Quand un vol d’Air Transat entre Glasgow et Toronto a été annulé, la semaine dernière, parce que les pilotes étaient soupçonnés d’être en état d’ébriété, La Presse a fait état des compensations que le transporteur devait payer à ses clients retardés, en vertu des lois européennes. Les passagers du vol en question se sont d’abord fait offrir un crédit de 200 $ sur un prochain voyage, avant que le transporteur déclare, deux jours plus tard, qu’il allait respecter les règlements de l’UE.

Plusieurs voyageurs nous ont raconté qu’ils n’avaient pas été informés de leurs droits, après un retard au départ de l’Europe, sur les ailes de différentes compagnies.

Comme Gérald Gauthier, dont le vol d’Air Canada entre Bruxelles et Montréal a été repoussé de huit heures, en mai dernier. Chaque passager a reçu un coupon de 20 euros pour manger à l’aéroport, mais aucune information sur l’indemnisation prévue.

« On voyageait avec un ami, qui est notre agent de voyage. Il va faire la réclamation pour les deux couples. On va les faire payer, on a tellement souvent des retards, c’est un service pourri ! »

— Gérald Gauthier, passager d'un vol d'Air Canada repoussé de huit heures

MÉCONNAISSANCE DE LA LOI

« Les compagnies essaient d’y échapper en offrant un chèque-cadeau ou un coupon repas, en espérant que les passagers ne demanderont pas plus parce qu’ils ne connaissent pas la loi », déplore Jacob Charbonneau, qui vient tout juste de lancer volenretard.ca, premier service québécois d’aide aux voyageurs qui veulent être indemnisés.

Récemment, WestJet a fait preuve d’une plus grande transparence : les passagers d’un vol entre Londres et Vancouver, en mai (le premier sur cet itinéraire), annulé en raison de problèmes mécaniques, ont reçu un courriel leur offrant 600 euros de compensation, ou un crédit de 1800 euros à l’achat d’un billet dans les 12 mois suivants.

« Je n’ai eu qu’à donner ma réponse par courriel, avec mes coordonnées, et j’ai reçu mon chèque », raconte Darryl Wilson, un résidant de Victoria qui tient un blogue de voyage. 

PATIENCE ET PERSÉVÉRANCE

Toucher son dû n’est pas toujours si facile, même pour les voyageurs informés. Certains ont dû faire de longues et fastidieuses démarches, et ont même menacé de poursuites Air Canada, Air France ou TAP (ligne aérienne portugaise) pour être indemnisés.

C’est tout de même mieux qu’en cas de retard au départ du Canada : ici, rien n’oblige les transporteurs à dédommager les passagers. Et, devinez quoi : ils ne le font généralement pas. Ils se contentent d’offrir un coupon repas aux passagers – mais la somme est souvent insuffisante pour couvrir la facture dans un restaurant d’aéroport – et paient l’hôtel si l’attente dépasse huit heures.

« Ça prendrait une loi comme en Europe. Les compagnies aériennes feraient des efforts pour mieux entretenir leurs avions et auraient moins de retards dus à des bris mécaniques», avance Gérald Gauthier.

« Malheureusement, les voyageurs canadiens sont moins bien protégés. La seule chose qu’on peut faire, c’est se plaindre pour demander des changements. »

— Gábor Lukács, mathématicien et défenseur des droits des passagers aériens

Gábor Lukács, de Nouvelle-Écosse a déposé ces dernières années une trentaine de plaintes à l’Office des transports du Canada (OTC) contre les pratiques de différentes compagnies qui, selon lui, bafouent les droits des consommateurs, comme la survente de sièges, le versement d’indemnités insuffisantes en cas de pépin et des politiques incompréhensibles. Mais sans une loi qui s’applique à tous les transporteurs, chaque problème est traité au cas par cas.

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