COUPLE

Mes (vieux)
parents divorcent

Depuis 2006, il y a davantage de divorcés que de veufs parmi les Québécois de 50 ans et plus, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La tendance s’est confirmée lors du recensement de 2011, qui a compté 529 000 divorcés et 403 000 veufs parmi les Québécois d’âge mûr. Un phénomène qui s’explique à la fois par la bonne santé des aînés et… par le mauvais état des unions des plus jeunes d’entre eux.

« Le taux de divorce est effarant, témoigne Bella Lola, pseudonyme choisi par une femme divorcée de 63 ans de la Mauricie. C’est surprenant, on le constate même chez des couples qui ont 30, 40 et 50 ans de vie commune. »

Au Canada, le Québec se distingue par ses nombreux divorcés âgés : 17,4 % des 50 ans et plus y sont divorcés, contre à peine 11,7 % dans le reste du pays. Mais ce n’est pas seulement parce que le taux de divorce est plus élevé dans la Belle Province. C’est aussi parce qu’au Québec, une plus grande proportion des divorcés décident ensuite de vivre en union libre plutôt que la bague au doigt. Résultat : leur état matrimonial demeure « divorcé », même s’ils
ne sont plus seuls.

« Ailleurs au Canada, les personnes divorcées qui vivent en couple sont plus enclines à se remarier », observe Céline Le Bourdais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en statistiques sociales et changement familial, à l’Université McGill. Elles ne sont donc plus officiellement divorcées. Ce n’est toutefois pas garant de stabilité, puisque le taux de divorce est 2,5 fois plus élevé lors de remariages, selon une étude de la Bowling Green State University, en Ohio.

BOOM DU DIVORCE GRIS
AUX ÉTATS-UNIS

Aux États-Unis, le taux de divorce chez les 50 ans et plus a carrément doublé en 20 ans, alors qu’il est resté stable dans l’ensemble de la population. « Moins d’une personne sur dix qui divorçait en 1990 était âgée de 50 ans et plus, comparativement à une sur quatre aujourd’hui », résument les chercheurs de la Bowling Green State University dans The Gray Divorce Revolution (la révolution du divorce gris), paru dans Journals of Gerontology en 2012.

Pourquoi ? Probablement en raison de ce que ces sociologues appellent « les biographies maritales complexes » des 50 ans et plus, qui ont souvent déjà vécu un mariage, un divorce et un remariage. Et qui sont donc plus à risque de « redivorcer ». À cela s’ajoutent l’autonomie économique accrue des femmes, l’allongement de la durée de vie, le nouveau désir d’épanouissement de chacun dans le couple, le syndrome du nid vide, l’arrivée du Viagra, etc.

En France, le nombre d’hommes de 60 ans et plus qui divorcent a plus que doublé entre 2000 et 2011, rapportait récemment Le Monde. On y assiste « à un déplacement de la crise de la quarantaine vers la soixantaine », selon une psychothérapeute interrogée par le journal.

DIVORCE DE 400 QUÉBÉCOIS
DE 70 ANS ET PLUS EN 2008

Chez nous, Statistique Canada « a pris la décision de cesser la collecte et la diffusion des données de mariages et divorces au niveau national » après 2008, a indiqué Marie-Pier Desaulniers, relationniste de l’agence de statistiques. Il est, en conséquence, impossible de connaître les taux de divorce récents.

On sait tout de même qu’à peine 409 Québécois âgés de 70 ans et plus ont divorcé en 2008, contre 3808 chez les 50 à 54 ans. « Les couples de 75 ans, s’ils avaient à divorcer, la plupart l’auraient fait avant », note Mme Le Bourdais.

Au Québec, chez les 70 ans et plus, les veufs sont toujours plus nombreux que les divorcés ; c’est chez les 50 à 69 ans que la donne change. C’est-à-dire parmi les vieux de demain, et d’après-demain.

Prenez Marcel et Thérèse, nés respectivement en 1923 et en 1932 : à l’âge de 65 ans, ils avaient vu seulement 20 % des unions des gens de leur génération se solder par une séparation ou un divorce. Michel et Sylvie, nés en 1953 et en 1962, avaient déjà vu la moitié des couples de leur génération se briser à l’âge de 45 ans, selon des données tirées des Cahiers québécois de démographie. D’autres ménages de leur entourage auront éclaté au cours de leur cinquantaine, soixantaine et soixante-dizaine.

« DES OBSTACLES EN MOINS »

Est-ce plus simple de divorcer après avoir franchi le cap du demi-siècle ? « Il y a des obstacles en moins, reconnaît Marie Josèphe Pigeon, directrice générale du service d’entraide Passerelle, de Montréal, qui offre du soutien aux femmes lors de ruptures. Les enfants sont encore une grande raison de rester en couple. »

« Il n’y a pas de divorce facile ni de gagnant dans un divorce, et ce, quel que soit l’âge ou le statut social », nuance Théveste, pseudonyme choisi par un Montréalais de 62 ans, divorcé depuis 8 ans. « Divorcer, rompre un couple, c’est toujours trancher en soi, à vif, ajoute-t-il en citant Le livre de la vie, de Martin Gray. Il faut être sûr que le bien qu’on en tire est plus grand que le mal dont on va souffrir. Parfois, des arbres dont on coupe trop de branches meurent. Et il faut aussi penser à l’autre, aux autres. À tous ceux que ces branches protégeaient. »

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