PotLoc
Pour des quartiers intelligents
La Presse
Prenez deux jeunes entrepreneurs dans l’âme désireux de revitaliser leur quartier, des locaux vides et des citoyens qui ont leur mot à dire. Mélangez bien, couvrez quelque temps et vous obtenez PotLoc !
L’idée peut sembler simple, mais il fallait y penser : et si, pour éviter la valse des locaux commerciaux qui ouvrent et ferment, on demandait aux résidants d’un quartier quel type de commerces ils aimeraient fréquenter ? Et, du même coup, créer un lien intelligent entre les propriétaires d’immeubles, les commerçants et les citoyens.
C’est ce concept pas bête du tout qu’ont imaginé Rodolphe Barrere et Louis Delaoustre – deux jeunes Français arrivés au Québec en 2009 et ayant étudié en administration à HEC – lorsqu’ils ont emménagé au cœur du Plateau Mont-Royal il y a un peu plus de trois ans.
« On remarquait tous ces locaux vides et on trouvait dommage que le citoyen n’ait jamais la parole pour exprimer ses besoins », relate M. Delaoustre.
Il n’en fallait pas plus pour que les deux acolytes se mettent à la tâche et démarrent leur petite entreprise, PotLoc. Leur but est simple : donner la parole aux citoyens afin qu’ils puissent voter pour le prochain commerce qu’ils aimeraient voir s’installer près de chez eux.
Au-delà des raisons politiques et économiques qui peuvent expliquer les locaux vides dans un quartier, les jeunes entrepreneurs – qui se décrivent comme apolitiques – veulent surtout faire cesser le cycle des commerces qui ne survivent que quelques mois parce qu’ils n’offrent pas un service demandé dans le quartier où ils s’installent.
Ce sont les artères commerciales, les commerçants et les propriétaires lassés de voir leurs locaux sans cesse vides que PotLoc veut aider en faisant appel aux citoyens.
« Au propriétaire qui nous accueille dans son commerce vide, on offre une visibilité, en occupant son local quelques jours, et des résultats. Ça permet de créer un buzz et d’augmenter la chance de le louer à court terme et, à long terme, c’est presque inestimable : on lui offre un commerce qui va fonctionner, puisque ce sont les citoyens qui le demandent », résume M. Barrere.
Leur modèle d’affaires vise également un partenariat financier avec les Société de développement commercial (SDC) des arrondissements, puisque PotLoc permettra à terme de redynamiser des artères commerciales.
Entre le 14 et 20 décembre dernier, l’équipe de PotLoc a investi son premier local vide à louer, situé au 1846, avenue du Mont-Royal Est. Grâce à une entente avec le propriétaire, ils ont donné leur couleur à l’endroit et ont ouvert les portes du local de 10 h à 18 h chaque jour.
« Nous invitions les passants à entrer, nous leur offrions le café et ils pouvaient voter sur les iPad que nous mettions à leur disposition. Du même coup, nous avons créé un lieu de vie et de rencontre dans une boutique qui était auparavant vide. Le dénominateur commun des habitants d’un quartier, ce sont les commerces ! », constate M. Barrere.
En plus d’indiquer son choix, chaque citoyen devait donner son nom, son code postal et pouvait laisser des commentaires. « Le code postal nous a permis de sortir des statistiques vraiment intéressantes. Nous avons pu ainsi géolocaliser les gens et constater que 79 % des votants demeuraient dans un rayon de 1 km. C’est donc vraiment la communauté du Plateau qui s’est prononcée », ajoute ce dernier.
Malgré la vaste étendue de choix possibles, soulignent les deux jeunes hommes, les 20 premiers types de commerces les plus choisis concentraient 90 % des votes, et le 5, 50 %. « De manière indépendante et non dirigée, les habitants du quartier arrivent tous à montrer du doigt les mêmes besoins. Ils sont d’accord sur ce qui manque vraiment dans le quartier », ajoute M. Delaoustre.
Un des avantages de la méthode PotLoc – en plus de faire connaître les besoins des citoyens – est d’amasser des données sur les résidants qui peuvent ensuite être analysées selon plusieurs critères (sexe, distance du lieu de résidence, etc.). « Cela nous permet de recueillir des renseignements très précis, contrairement à une étude de marché, par exemple, qui se concentre seulement sur des données démographiques classiques comme le salaire ou le nombre d’enfants par habitant », soulève Louis Delaoustre.
Une méthode qui pourrait s’exporter, selon eux, à d’autres artères commerciales de la ville. Selon leurs données, il y aurait 25 locaux vides sur le boulevard Saint-Laurent et 39 dans la rue Saint-Denis, sans compter la rue Sainte-Catherine, où les locaux vides sont légion.
« Nous avons commencé sur le Plateau, mais maintenant que le concept fonctionne, notre but est non seulement de réitérer l’expérience ici, mais également de nous étendre ailleurs à Montréal et même à l’extérieur de l’île », rêve le duo, qui dit être en discussion avec plusieurs mairies, dont celle de la ville de Longueuil, qui s’intéresse de près au projet.
Comment s’assurer que cette voix citoyenne soit écoutée et mène à des réalisations concrètes ? PotLoc veut devenir ce lien entre les divers intervenants : entre le citoyen, qui est au cœur de leur démarche, et les propriétaires immobiliers, les commerçants, les SDC, les arrondissements ou les agences de courtage. « Nous désirons optimiser le lien entre tous ces acteurs », résume Rodolphe Barrere, qui croit avec son partenaire que PotLoc peut devenir ce « chaînon manquant ».