Chronique

2014 en sept idées

L’année qui se termine aura été costaude pour Montréal. Nouveau maire et nombreux nouveaux élus. Nouveau sentiment de propreté grâce au ménage que la commission Charbonneau est en train de faire dans le vaste et sombre univers de l’octroi des contrats publics dans l’industrie de la construction. Nouveau pont en vue, nouvelle cuisine de rue un peu partout…

Le changement s’était déjà amorcé en 2012, mais on est passés, en 2013, vers un nouvel esprit un peu moins casanier, un peu moins craintif de tout, un peu moins déprimé, moins découragé, vers un Zeitgeist plus enjoué, plus optimiste. On dirait que les réponses automatiques « c’est trop cher », « on ne peut pas à cause de l’hiver » et « on l’a déjà essayé et ça ne marche pas » ont laissé la place à « oui peut-être », voire « pourquoi pas ? » et « je ne suis pas contre ». Ce n’est pas la révolution, mais c’est en franche rupture avec la morosité qui semblait avoir engourdi la ville pendant des années, voire des décennies. Je dirais même pratiquement depuis les Jeux olympiques.

Le temps est donc plus que jamais propice, en 2014, pour lancer de nouvelles idées, en répéter d'anciennes, petites et grandes, parce qu’une ville ne change pas uniquement à coups de réformes fiscales – même si c’est nécessaire – ou administratives, ou avec des projets valant des milliards. Il y a aussi les petites initiatives qui peuvent donner un coup d’énergie à l’expérience urbaine au quotidien.

1- L’itinérance : et si on bougeait, nous aussi ? Qui n’a pas été choqué par ce policier incapable d’intervenir convenablement auprès d’un sans-abri et qui l’a menacé de l’attacher à un poteau ? Qui n’est pas découragé de savoir que chaque fois que le mercure plonge, des itinérants font face à la mort ? Et si le temps était venu de faire quelques calculs au sujet de la désinstitutionnalisation et de voir si parfois notre argent ne serait pas mieux investi en prenant mieux soin des gens souffrant de troubles psychiatriques et en prévenant les problèmes coûteux liés à l’itinérance, notamment les soins de santé avancés ?

2- De la grande architecture pas juste pour les ponts. Le débat sur le pont Champlain est bien engagé. On ne parle plus uniquement de financement, mais aussi de son style et de ses fonctions (le type de transporteur collectif qu’il devra porter, l’aménagement ou non d’une piste cyclable, d’une voie pour les piétons, etc.). Maintenant, peut-on étendre notre nouvelle préoccupation architecturale ailleurs, notamment du côté du privé et du résidentiel ? Peut-on arrêter de construire des immeubles à moitié intéressants ou carrément nuls et exiger, comme consommateurs, de l’architecture de grande qualité, donc non pas superficiellement belle, mais aussi innovante et intelligente ? Et pas besoin pour cela d’aller chercher de grands noms à l’autre bout du monde. Il y a d’excellents architectes ici.

3- Allô, le canal de Lachine. Pourquoi ne pas souhaiter que 2014 soit l’année où Montréal essaie de dégourdir le canal de Lachine, soit en le rapatriant d’Ottawa, soit en convainquant le gouvernement fédéral, qui en est propriétaire, de faire plus avec cet espace ? Plus de location de bateaux l’été, une patinoire et des pistes de ski de fond l’hiver, et aussi le déneigement de la piste cyclable, plus de camions de cuisine de rue pour de la soupe chaude quand on gèle, pour des pique-niques en été.

4- Attention, ça glisse. Je ne dis pas que je sais comment faire, mais je suis sûre que des gens pourraient trouver une solution pour permettre aux Montréalais de se déplacer en skis de fond en ville l’hiver. On est une ville de froid et de neige, profitons-en ! On commence petit. On teste. On se dit que ça n’a pas besoin d’être parfait du premier coup, on accepte d’être tributaire de la météo… On demeure réaliste, mais on avance ? (Sur certaines portions de piste cyclable non déneigée, par exemple ?)

5- Le chalet du mont Royal. Ça y est, 2014 est l’année où l’on arrête de dire « il faudrait » faire quelque chose de mieux et celle où l’on bouge. Enfin.

6- Je rêve probablement en technicolor ici, mais si on changeait le parcours du Marathon de Montréal pour qu’il soit plus plat, avec des vues plus spectaculaires – on est quand même une île avec plein de rives et quelques perspectives ! Il y aurait peut-être encore plus de visiteurs qui en profiteraient pour venir encourager nos artisans d’ici.

7- Vous savez ce que je pense des poules urbaines – je suis pour – , même si la présence grandissante de ratons laveurs dans certains quartiers complexifie le dossier. Toutefois, côté agriculture urbaine, je dirais que la réelle priorité est plutôt d’encourager la désasphaltisation – je viens d’inventer ce mot – afin de permettre à la verdure de pousser. Cours d’école, cours d’immeubles à logements protégées, terrains municipaux vacants, terrains inutiles et inutilisés… On a tous et tout à gagner en rendant les sols cultivables et perméables. Montréal devrait lancer un concours : le potager le plus improbable. Je m’offre tout de suite pour faire partie du jury.

Voici donc mon début de programme. Si vous voulez d’autres idées, j’en ai. Sur ce, bonne et heureuse année à tout le monde !

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