« Combien d’enfants doivent tomber sous les balles ? »
Une semaine après la tuerie de Floride, des élèves et des parents se sont adressés à Donald Trump lors d’une « séance d’écoute » à la Maison-Blanche
New York — « Je ne comprends pas pourquoi je peux encore aller dans un magasin et acheter une arme de guerre. Je lisais ce matin qu’une personne est entrée dans un magasin et a acheté un AR-15 en cinq minutes avec une pièce d’identité expirée. Comment est-ce si facile d’acheter ce type d’arme ? Comment cela n’a-t-il pas pris fin après Columbine, après Sandy Hook ? »
Micro à la main, la voix étranglée par l’émotion, Samuel Zeif, 18 ans, a adressé ces paroles à Donald Trump hier après-midi à la Maison-Blanche. Il avait été convié par le président à une « séance d’écoute » avec d’autres survivants de la tuerie qui a fait 17 morts et 15 blessés la semaine dernière dans une école secondaire de Parkland, en Floride. Son cri du cœur a constitué un des moments les plus émouvants de cette rencontre de 70 minutes qui a été diffusée en direct par les chaînes d’information continue.
Des parents éprouvés par la fusillade de Floride et d’autres tueries de masse ont également pris la parole au cours de cette rencontre organisée après un week-end où des élèves ont fortement critiqué Donald Trump et les autres alliés politiques de la National Rifle Association (NRA), l’influent lobby des armes à feu.
La plupart des intervenants se sont montrés plus respectueux envers le président que certains des élèves qui se sont exprimés depuis la tuerie. Mais leurs propos ont rompu avec le ronron qui accompagne souvent le débat sur les armes aux États-Unis.
« Nous avons, en tant que pays, manqué à notre devoir envers nos enfants. Je ne peux pas monter à bord d’un avion avec une bouteille d’eau. Mais un quelconque animal peut entrer dans une école et tuer nos enfants. »
— Andrew Pollack, père de Meadow Pollack, une des victimes de la tuerie de Floride
« Je suis très en colère que cela soit arrivé, parce que cela ne cesse d’arriver, a-t-il ajouté. Le 11-Septembre est arrivé une fois, et ils ont réglé tous les problèmes. Combien d’écoles, combien d’enfants doivent tomber sous les balles ? »
Tout au long de la séance, Donald Trump a écouté poliment les intervenants, opinant parfois du bonnet. Mais il a semblé écarter d’emblée certaines idées, dont l’interdiction des fusils semi-automatiques et des chargeurs à haute capacité. Sans offrir de détails, il s’est cependant engagé à adopter des mesures pour renforcer le système de vérification des antécédents criminels et de santé mentale.
« Nous allons y aller très fort sur les vérifications d’antécédents », a-t-il promis. « Nous allons y aller fort sur l’âge pour acheter [des armes] et l’aspect mental. »
« C’était une personne qui était malade, très malade, a-t-il ajouté en faisant référence au tireur de Parkland. Et les gens savaient qu’il était malade. »
Le président s’est par ailleurs dit ouvert à l’idée d’armer les enseignants et d’autres responsables scolaires.
« Une attaque dure en moyenne trois minutes. Il en faut cinq à la police pour arriver sur place. L’attaque est terminée. Si vous avez un enseignant qui est apte à manier des armes à feu, il pourrait très bien mettre fin à l’attaque rapidement. »
— Donald Trump, président des États-Unis
Cette suggestion n’a pas fait l’unanimité parmi les personnes conviées à la séance d’écoute. Mark Barden, qui a perdu son fils Daniel dans la tuerie de l’école primaire Sandy Hook et dont la femme, Jackie, est enseignante, fait partie des intervenants qui s’y sont opposés.
« Jackie vous dira que les enseignants ont déjà assez de responsabilités sans avoir celle d’utiliser la force létale pour mettre fin à une vie », a-t-il dit en s’adressant au président.
« Personne ne veut voir une fusillade dans une école, et un sociopathe qui a l’intention de commettre des meurtres dans une école, sachant que le résultat sera un suicide, ne se souciera pas de savoir qu’un enseignant a une arme. Cela fait partie de son plan. »
Il est encore trop tôt pour savoir si la séance d’écoute produira des résultats concrets. La NRA a déjà signalé hier son opposition à l’idée de faire passer de 18 à 21 ans l’âge minimal pour acheter certaines armes. Une telle mesure priverait les jeunes adultes de « leur droit constitutionnel à l’autoprotection », a affirmé l’organisation.
Des élèves de l’école secondaire de Parkland trouveront pour leur part insatisfaisantes les autres propositions du président. Ils réclament notamment l’interdiction des fusils d’assaut comme l’AR-15.
Plusieurs d’entre eux se sont mêlés hier aux milliers d’élèves du secondaire qui ont participé à une manifestation devant le Capitole de Tallahassee, capitale de la Floride.
« Les pensées et les prières n’empêcheront pas mes frères et mes sœurs de mourir – il faut de l’action », a déclaré Sheryl Acquarolli, une élève de la Marjory Stoneman Douglas High School, à Parkland, en s’adressant à la foule.
Plus tard, des centaines d’élèves ont envahi les corridors du Capitole et exprimé leur frustration à l’égard des élus de leur État en scandant : « Honte à vous ! Honte à vous ! »