À ma manière

Une huile qui aurait pu causer la faillite

Dans la rubrique À ma manière, une personnalité d’affaires raconte dans ses mots une expérience vécue. 

Je n’aurais jamais pensé être obligée de faire une enquête digne de Sherlock Holmes. L’événement, qui s’est produit au printemps 2017, aurait pu nous mettre sur la paille…

Tout a commencé quand on a reçu des plaintes de clients qui achetaient nos produits régulièrement. Nos mélanges de granolas étaient pourtant frais, mais le goût n’était pas comme d’habitude.

On n’avait jamais eu ce type de problème auparavant. Il fallait au plus vite en trouver la source et vérifier si plusieurs saveurs étaient touchées.

L'enquête

On a donc analysé les ingrédients qui étaient bien répartis dans le mélange. Une petite graine de sésame ne pouvait pas être la principale responsable ! On a pensé aux céréales, à l’huile, aux farines, parce que ce sont des ingrédients qui sont sensibles, qui peuvent rancir. On a contacté certains fournisseurs et on leur a demandé les dates de fabrication.

Pendant ce temps, un laboratoire nous a prêté main-forte. À l’aide de plusieurs échantillons de nos produits, les spécialistes ont déterminé que l’odeur était probablement due à l’huile. Mais quelle huile pouvait bien causer ce rancissement extrêmement prématuré ?

Quand les fournisseurs nous vendent leurs produits, ils nous donnent des fiches techniques. Afin de pousser notre investigation plus loin, on leur a demandé de nous fournir aussi les certificats d’analyse de chacun des lots.

Ça a pris du temps à les recevoir.

Lorsqu’enfin on a eu les documents en main, on s’est aperçu que l’huile ne correspondait pas à nos critères et fiches techniques préalablement définis. Puis, on l’a envoyée en laboratoire pour avoir la confirmation que c’était bel et bien la mauvaise huile.

Le résultat

C’est un fournisseur québécois qui nous a vendu une huile de tournesol de qualité inférieure, mais au même prix, sous la même présentation et avec les mêmes fiches techniques. Sans nous le dire. Ai-je besoin de préciser qu’on ne travaillera plus avec lui ?

On a dû paralyser la production. Trouver un autre fournisseur, et vite. Une tâche ardue, parce que les autres fournisseurs avaient aussi cette huile de moins bonne qualité.

Il fallait également répondre à un tas de questions. Depuis combien de temps fabrique-t-on nos produits avec la mauvaise huile ? Réponse : trois mois, ce qui signifie 50 jours de production. Qu’est-ce qu’on fait avec tous les produits sur les tablettes ? Plus d’un mois s’était alors écoulé depuis les premières plaintes.

Aux yeux de Santé Canada, il ne s’agissait pas d’un rappel selon les normes. Ce n’était pas mauvais pour la santé, juste mauvais au goût. Un problème de qualité. J’avais le fardeau de prendre la terrible décision de retirer ou non les produits.

C’était un moment extrêmement difficile. La réputation de l’entreprise était en jeu. Si je n’allais pas de l’avant, je risquais de tuer mon marché.

En juin, j’ai décidé de retirer des milliers de produits sur tous nos marchés au Québec et en Ontario. Heureusement qu’à travers ce cauchemar, j’ai eu la collaboration de nos distributeurs. Parce que quand tu retires des milliers de produits, il faut que tu les remplaces. Or, on avait interrompu notre production et une fois celle-ci relancée, on peinait à combler les énormes commandes. Et les plaintes continuaient de rentrer. Pendant ce temps, j’étais enceinte et on rénovait nos installations. Quel stress intense !

L’assureur à la rescousse

Pour ajouter à la pression, ma courtière en assurances m’a dit que le problème auquel je faisais face n’était pas couvert. J’ai alors décidé de parler directement à mon assureur. Lorsqu’il m’a finalement dit : « C’est couvert », oh mon Dieu qu’il venait de m’enlever tout un poids sur les épaules !

Sincèrement, si l’assureur ne nous avait pas appuyés, on aurait subi des pertes financières irréversibles. En août, on a fait un deuxième rappel. En décembre 2017, on a enfin repris le dessus.

On s’en est sorti. On a perdu quelques plumes au passage. On ne peut pas en rire encore… mais on a beaucoup appris de cette situation-là. Nos produits répondent maintenant aux normes les plus strictes : nous sommes certifiés HACCP et nous répondons aux exigences de la norme SQF (Safe Quality Food). D’ailleurs, nous devrions être certifiés GFSI, norme SQF prochainement. Notre contrôle de la qualité est encore plus serré.

Malgré nos preuves, le fournisseur, lui, n’a jamais reconnu sa responsabilité et on ne lui a jamais tapé sur les doigts…

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.