Opinion Sylvain Charlebois

Les Canadiens craquent pour les œufs

Plusieurs disent que l’œuf constitue l’aliment parfait. Naturel, simple, rempli de nutriments pour un bon régime santé, il fournit une importante source de protéines, et tout se retrouve à l’intérieur d’une coquille. Depuis un an ou deux, il semblerait que les Canadiens craquent pour le coco.

Au cours des 12 derniers mois, la demande pour les œufs au Canada a bondi de 6,6 %, ce qui se traduit par 35 millions d’œufs par an. Il faudrait donc près de 90 000 poules pondeuses supplémentaires pour suffire à cette demande qui explose. Chaque année, nous produisons près de neuf milliards d’œufs. La demande augmente depuis 11 ans, et rien n’indique que cette tendance se renversera sous peu.

L’une des raisons principales pour cette hausse provient des grandes chaînes alimentaires comme McDonald’s et A & W, qui ont décidé l’an dernier de servir les déjeuners à toute heure du jour. Tim Hortons vient d’annoncer qu’elle emboîtera le pas. Pour la restauration rapide, l’œuf se prête bien aux solutions de repas simples et rapides pour les gens pressés. Sa préparation n’exige que quelques minutes et hop ! dans l’assiette.

Un nombre grandissant de consommateurs adhère à un régime alimentaire flexible, sans être esclave des repas traditionnels qui séparent la journée en trois.

Milléniaux, mode de vie en transition, travail mobile, toutes ces tendances font de l’œuf le complément idéal aux horaires chargés.

Vu sa haute teneur en protéine, l’œuf remplace progressivement la viande pour les mets sur le pouce et pour son prix avantageusement plus bas que cette dernière.

Depuis quelque temps, la science encourage les consommateurs à choisir l’œuf au lieu de la viande. Cet appui soudain et la décision des grandes chaînes d’offrir l’œuf sur tout au long de la journée ne surprennent pas.

En effet, les œufs ont la cote au Canada plus que jamais, mais cela n’a pas toujours été le cas. Avec le temps, la science nous aide à mieux comprendre et apprivoiser certains produits. Il y a à peine 15 ou 20 ans, les nutritionnistes et diététistes boudaient l’œuf pour une raison ou une autre.

Les choses ont bien changé, mais dans les faits, le Canada est loin d’être le plus grand consommateur d’œufs au monde. Il ne fait qu’entrer en mode rattrapage.

Selon le World’s Poultry Science Association, les plus grands consommateurs d’œufs par personne se trouvent au Japon, à Taïwan, au Mexique, au Paraguay et en Chine. Tout comme les Canadiens, les Américains consomment de plus en plus d’œufs, mais la consommation par personne en Amérique du Nord se situe loin derrière l’Asie et certains pays d’Europe, comme la France et l’Italie. Le consommateur canadien moyen mange à peine la moitié de ce qu’un Japonais consomme, soit environ 20 douzaines d’œufs par année. Cet écart de consommation tend cependant à diminuer de façon significative depuis quelques années.

Par contre, les choses risquent de se compliquer quelque peu pour nos producteurs. Plusieurs grandes chaînes comme McDonald’s ont annoncé leur volonté, d’ici 2025, d’opter pour les œufs de poules élevées en liberté. L’Europe a adopté une loi semblable il y a quelques années. Le bien-être animal envahit tranquillement nos menus. Cara Foods, qui regroupe notamment les restaurants St-Hubert, Harvey’s, Starbucks, Subway et Tim Hortons, ont aussi fait des annonces semblables. Cette conversion notable poussera les producteurs à devoir changer leurs pratiques et réinvestir dans leurs installations afin d’adopter de nouveaux cahiers de charge. Tout cela viendra à coûter plus cher pour les producteurs et bien sûr, pour nous tous.

Au supermarché, une douzaine d’œufs de poules élevées en liberté coûte parfois 40 % plus cher que les gros œufs ordinaires, une différence non négligeable !

De plus, les ruptures de stock risquent de se multiplier, puisque la production d’œufs de poules élevées en liberté manque de constance. Ce phénomène s’observe en Europe, surtout lorsque la demande saisonnière pour l’œuf augmente, comme à Pâques et pendant d’autres fêtes.

En somme, l’engouement pour l’œuf arrive à point pour nos producteurs puisque le cheminement vers la poule élevée en liberté s’avérera difficile au cours des prochaines années.

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