Le bonheur au travail

Huit Québécois sur dix sont heureux au travail

En cette période plus difficile économiquement, mais aussi plus ouverte à la conciliation travail-famille, les Québécois affirment être heureux au travail.

Plus de 80 % des travailleurs québécois disent être plutôt heureux ou très heureux, selon un sondage CROP-La Presse. « Le travail est un milieu de vie où on passe beaucoup de temps, dit Jacques Forest, professeur, chercheur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et psychologue. C’est un environnement fantastique qui nous permet de nous forger et d’avoir un impact sur notre monde. Normal donc que quatre travailleurs sur cinq se disent heureux. »

« On est dans un environnement assez réglementé, ajoute Florent Francoeur, PDG de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Les sources de frustrations potentielles, liées au salaire par exemple, sont encadrées. Les lois sur la santé et la sécurité sont bien implantées. Il y a toutes sortes de normes qui font en sorte qu’on peut travailler dans un milieu sans violence et encaisser notre chèque rapidement. Par ailleurs, au Québec, on est dans une économie du savoir qui, avec le temps, a contribué à réduire le travail routinier, à la chaîne. Comme le taux de chômage est assez minime [environ 8 %], ça crée aussi une pression sur les patrons. Les employés ont du choix. »

Confiance et flexibilité

Parmi les gens heureux, le quart attribue d'abord son bonheur à la confiance des patrons ; le cinquième, à la flexibilité de leur horaire ; 15 %, aux bonnes relations avec leurs collègues et 12 %, à leur salaire. « Les augmentations de salaire ne vont généralement pas au-delà de 2 % ou 3 %, note Florent Francoeur. Donc, ce qui fait la différence, c’est la possibilité de se réaliser au travail et les opportunités de promotion. »

À l’opposé, le tiers des gens qui se disent malheureux au travail attribue d'abord cet état au salaire ; le cinquième, à son horaire non flexible ; 11 %, à la lourdeur de la charge de travail et 9 %, aux relations avec les collègues.

Fait surprenant, plus de 40 % des répondants malheureux ont de 25 à 34 ans. « C’est beaucoup ! Est-ce que les attentes des gens de cette tranche d’âge sont trop élevées ? s’interroge Janylène Turcotte, directrice principale, ressources humaines de la firme comptable Deloitte. Ils ont peut-être vu le monde du travail comme une possibilité de se réaliser. C’est aussi une génération qui n’a pas un parcours classique. Elle a eu des expériences de vie, a voyagé. Alors, peut-être qu’au travail, elle stagne. »

Parmi les répondants malheureux, 43 % ne comptent pas changer d’emploi au cours de la prochaine année. « Pour certains, le fait de chercher du travail ou de recommencer à zéro, surtout chez ceux qui ont un certain âge, est encore plus difficile », analyse Luc Brunet, professeur au programme Psychologie du travail et des organisations, de l’Université de Montréal.

Plus de la moitié sont mariés, probablement car le profil des répondants est constitué notamment de gens issus d’un milieu plus traditionnel donc davantage portés à s’engager, analyse Youri Rivest, vice-président de CROP. Et les trois quarts des répondants malheureux sont des hommes. « Ils sont plus malheureux, car l’image que la société leur envoie en est une d’impossibilité d’échec », juge Luc Brunet.

En termes de bien-être au travail, le Québec serait au diapason avec la France, malgré le climat économique gris. Un sondage de TNS Sofres de 2010 révèle que 80 % des Français vont travailler avec plaisir, dont 52 % tous les jours ou presque.

Capacité au bonheur

Le bonheur doit-il absolument émaner de l’ambiance de travail ou plutôt de notre faculté naturelle à être heureux dans la vie ? « Certains ne seront jamais heureux au travail, répond Florent Francoeur. Mais il en tient à soi sur certains aspects. Si on est incapable de vivre avec le fait que ça prenne une heure pour se rendre au travail le matin et qu’on a de bonnes chances d’arriver en maudit au bureau, il faut changer de poste ! Est-ce que, pour 10 000 $ de plus par an, ça vaut la peine de se faire suer ? »

« Le bonheur au travail, c’est complexe, ajoute le psychologue et formateur Michel Grisé. À la base, il y a le choix de carrière, ensuite, le milieu de travail et l’entraînement du cerveau au bonheur. »

Un test prisé de 120 questions (qu’on peut faire gratuitement sur l'internet à viame.org) sur l’identification individuelle des forces permettrait de nourrir l’état de bien-être au travail. « Celui-ci permet d’identifier nos cinq forces principales, explique Jacques Forest. Le fait de les identifier et les utiliser augmente les épisodes de concentration, la performance au travail et notre bien-être. »

« Il faut aussi nourrir les trois grands besoins fondamentaux des travailleurs : la compétence, l’autonomie et le sentiment d’appartenance, ajoute Michel Grisé, psychologue, formateur et président de PsyGym. Quand ils sont bien mis en place par le gestionnaire, le niveau de motivation et de bonheur intrinsèque augmentent. »

Le sondage CROP-La Presse s’est déroulé par l'internet du 15 au 18 août 2013 ; 536 questionnaires ont été remplis par des travailleurs salariés québécois.

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