Mariage gai

Hausse
des mariages féminins

Le mariage gagne en popularité chez les couples de femmes, au Québec. Alors qu’à peine
186 mariages lesbiens ont été célébrés en 2008, ce nombre a grimpé chaque année depuis pour atteindre 269 en 2012, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Dix ans après les premiers mariages gais, ces cérémonies unissent désormais plus de femmes que d’hommes.

« Le mariage, c’est la tendance en ce moment chez les lesbiennes, confirme Diane Heffernan, militante et directrice du site Wow LGBT. Dans les rencontres sociales, on entend beaucoup de femmes dire qu’elles viennent de se marier ou qu’elles ont l’intention de le faire. »

Jusqu’en 2011, le mariage gai était plutôt un bastion masculin. « Ce sont surtout les hommes gais qui ont milité pour le mariage des conjoints de même sexe au Canada, rappelle
Sylvain Larocque, auteur de Mariage gai, les coulisses d’une révolution sociale, paru chez Flammarion, et journaliste à La Presse. On pense notamment à Michael Hendricks et à
René Leboeuf, au Québec. Il faut dire qu’en général, les lesbiennes sont beaucoup plus discrètes que les hommes gais sur la place publique. »

S’UNIR POUR AVOIR DES ENFANTS

Tandis que les hommes se battaient pour obtenir le droit au mariage, « les femmes étaient plus motivées par l’obtention de droits parentaux », fait valoir Line Chamberland, titulaire de la chaire de recherche sur l’homophobie à l’UQAM. Or, deux femmes n’ont pas besoin d’être mariées, au Québec, pour être reconnues comme mères d’un même enfant. Près de 1000 enfants nés au Québec entre 2002 et 2012 ont deux mères inscrites à leur acte de naissance, ce qui prouve leur filiation.

Sophie* a épousé son amoureuse en 2009 après un an de vie commune. « Nous avons décidé de nous marier pour l’adoption de notre premier enfant », témoigne-t-elle. Cinq ans plus tard, les deux femmes sont les heureuses mères de trois garçons. « Au Québec, nous pouvons avoir la même vie que les hétérosexuels, souligne Sophie. Nous n’avons plus besoin de nous cacher. Je crois que plusieurs femmes rêvent au mariage, à la maison, aux enfants et au chien ! »

PROCRÉATION ASSISTÉE

Depuis 2010, toutes les femmes du Québec en âge d’enfanter – peu importe leur orientation sexuelle – ont accès aux traitements de procréation assistée, ce qui a pu inciter des lesbiennes à se marier. « Il y a une grande tendance au désir d’enfant, qui est facilitée par l’insémination artificielle gratuite, estime Mme Heffernan. Il y a juste quelques années, les lesbiennes n’avaient pas droit à ces traitements. »

Pour des raisons biologiques évidentes, les couples d’hommes sont moins nombreux à devenir pères – et, peut-être, à se marier dans le but de fonder une famille. Quoique le recours à une mère porteuse par l’animateur Joël Legendre et son conjoint prouve que cette voie est empruntée et désirée par des couples masculins.

« Quand on interroge les jeunes gais et lesbiennes sur leurs aspirations, ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter se marier et avoir des enfants, note Mme Chamberland. C’est intériorisé, plus banalisé, alors qu’avant, l’homosexualité était associée à un style de vie conjugale et familiale différent. Il faut dire que ceux qui ont 20 ans aujourd’hui avaient 10 ans quand le mariage gai a été autorisé. Ça va donc un peu de soi pour eux. »

« ON EST PROTÉGÉES AVEC LE MARIAGE »

Il n’y a pas que de jeunes homosexuels qui s’unissent pour le meilleur et pour le pire. L’âge moyen des femmes qui ont épousé d’autres femmes était de 41 ans en 2012, selon l’ISQ. « Les plus vieilles lesbiennes qui se marient le font pour consolider leurs acquis, indique Mme Heffernan. On est protégées avec le mariage. Beaucoup de lesbiennes que je connais sont mortes sans testament. Même si leurs parents, leurs sœurs, leurs frères les avaient reniées, elles n’étaient pas encore froides que la famille arrivait et réclamait tout. »

Un nombre non négligeable d’unions est motivé par la volonté pragmatique de permettre à une conjointe immigrante de rester au Québec. Ainsi, « 30 % des couples féminins qui se sont mariés en 2012 comptent au moins une conjointe née à l’étranger », selon le Bilan démographique du Québec 2013.

D’autres veulent simplement officialiser leur union. « Les couples de même sexe ont souvent un déficit de reconnaissance sociale, observe Mme Chamberland. On les prend moins au sérieux que les couples hétérosexuels. Se marier, c’est signifier qu’on veut que ça dure. »

* Prénom fictif.

BEAUCOUP DE GAIS
EN UNION LIBRE

Même s’il est plus populaire qu’avant chez les lesbiennes, le mariage gai reste relativement marginal. « Les couples de même sexe représentent à peine 2 % de tous les mariages au Québec, depuis 2004, observe Sylvain Larocque, auteur de Mariage gai, les coulisses d’une révolution sociale, paru chez Flammarion. Alors que, selon les études, entre 5 % et 10 % de la population est homosexuelle. »

La militante lesbienne Diane Heffernan n’a jamais voulu porter une alliance. « J’ai 71 ans et quand nous étions jeunes, nous ne rêvions pas de nous marier, se souvient-elle. Je n’aurais jamais pensé, de mon vécu, voir ça ! Je n’ai jamais rêvé à la robe blanche, à avoir des enfants. Mais je suis très contente que celles qui le désirent puissent l’obtenir. Pour nous, la victoire, c’est le fait qu’on soit égales. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.