Opinion Marijuana thérapeutique

L’écran de fumée du Collège des médecins

Dans sa déclaration du 1er avril sur l’usage de la marijuana à des fins thérapeutiques, le Collège des médecins du Québec (CMQ) tient à diffuser de la désinformation patente, dont le seul but est de dissuader les médecins de prescrire le cannabis à des patients qui pourraient pourtant en bénéficier.

En tant que médecin affecté aux soins palliatifs, je suis spécialisée dans le soulagement des symptômes chez les patients qui vivent des cancers incurables ; à ce titre, j’ai souvent prescrit du cannabis avec de très bons résultats.

Dans certains cas, le traitement aura permis à mes patients de prendre moins d’opiacés, diminuant ainsi les effets secondaires, potentiellement sérieux, des narcotiques. En plus de calmer la douleur, la marijuana à usage médical a contribué à atténuer d’autres symptômes inquiétants, notamment l’anxiété, l’insomnie, la nausée et la perte d’appétit.

Permettez-moi de reprendre ici quelques objections soulevées par le Dr Yves Robert, du CMQ : 

« L’USAGE DU CANNABIS N’EST
PAS UN TRAITEMENT RECONNU. »

Peut-être n’est-il pas « officiellement » reconnu, mais affirmer qu’il n’existe pas de preuves quant à sa valeur thérapeutique revient à ignorer des milliers d’études publiées au cours des dernières décennies, qui constituent aujourd’hui un corpus tout à fait respectable, attestant d’usages thérapeutiques fort prometteurs et mettant en évidence le profil de sécurité élevé et la très faible toxicité du cannabis.

« IL N’Y A PAS D’INDICATIONS PRÉCISES POUR LE CANNABIS THÉRAPEUTIQUE. »

Faux. Les écrits médicaux (et l’expérience des patients) confirment toute une gamme d’indications pour une grande variété de maux : la spasticité dans la sclérose en plaques, la réduction des convulsions épileptiques, la réduction des douleurs dans un large éventail d’affections, le traitement de la nausée et des vomissements induits par la chimiothérapie, la réduction de l’anxiété chronique et la gestion du syndrome de stress post-traumatique, pour n’en nommer que quelques-uns.

« LE CANNABIS PRESCRIT
À DES FINS MÉDICALES
PROVOQUE LA DÉPENDANCE. »

C’est là une déclaration exagérée et trompeuse. Comme l’indiquait un rapport publié en 1999 par l’Institut de médecine, environ 9 % des consommateurs de cannabis sont susceptibles de développer une dépendance. Comparons ce facteur à celui de diverses toxicomanies, comme la dépendance à la nicotine (32 %), à l’héroïne (23 %), à la cocaïne (17 %) et à l’alcool (15 %). En réalité, la vaste majorité des patients peuvent cesser de prendre leur cannabis sans aucune séquelle autre que le retour des symptômes pour lesquels ils étaient traités.

« LES EFFETS SECONDAIRES
DE LA FUMÉE (DE LA MARIJUANA) DEMEURENT, TOUT COMME
CEUX DE LA NICOTINE
ET DES CIGARETTES. »

Une fois de plus, le CMQ n’a pas fait ses devoirs. Les patients n’ont pas besoin de fumer leur cannabis. D’autres modes d’administration existent, comme la vaporisation, ou encore l’ingestion des extraits de cannabis sous forme d’huiles, de teintures ou d’aliments.

« PLUSIEURS INTERROGATIONS SUBSISTENT, NOTAMMENT
À QUANT À L’INNOCUITÉ. »

Les textes scientifiques et médicaux montrent que, à de rares exceptions près, le cannabis est une substance très sûre ayant une toxicité remarquablement faible — bien plus sûre, en fait, que l’aspirine ou les anti-inflammatoires. Hormis pour les patients qui présentent des antécédents de schizophrénie ou de cardiopathie instable, le cannabis peut être prescrit en toute sécurité.

***

Je suis profondément attristée et frustrée de voir que le CMQ s’obstine à mettre en place des obstacles à un traitement médical sûr, efficace et assez peu coûteux, malgré les directives de Santé Canada visant à faciliter aux Canadiens l’accès au cannabis à des fins thérapeutiques. Au moment où l’on s’apprête à mettre en place le Règlement sur la marihuana à des fins médicales, publié par Santé Canada, le CMQ adopte une position fumeuse, position qui semble mal informée et rétrograde. Et, qui ressemble un peu à un écran de fumée.

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