Petite enfance

À la garderie de soir, de nuit ou de week-end

Le programme ressemble en tous points à la garde de jour, sauf qu’après les jeux et le repas, les enfants enfilent leur pyjama, écoutent une histoire et se mettent au lit pour la nuit. La progression des horaires de travail atypiques pousse les parents à faire des pieds et des mains pour la garde de leurs jeunes enfants. Or, l’offre de services de garde à horaires non usuels demeure marginale au Québec.

Il est conseiller financier à domicile et elle est infirmière. Tous deux travaillent de soir. « Quel soulagement lorsque nous avons découvert une garderie qui pouvait veiller sur notre fils de 15 h à minuit ! », s’exclame Mélanie Mantha, dont le bambin de 23 mois va à la garderie Les Petites Coccinelles de Terrebonne. « Mon horaire de soir me plaît beaucoup, ajoute-t-elle. Il me permet de passer mes matinées entières avec mon fils, de déjeuner et de dîner en famille. Il facilite la prise de rendez-vous et les activités. Je n’ai pas l’impression de passer à côté de quelque chose dans la vie de mon enfant. »

Un service rare 

Selon le Rapport d’activités 2010-2011 du ministère de la Famille, le Québec comptait 67 centres de la petite enfance (CPE) et garderies offrant des modes de garde particuliers, soit de soir, de nuit, de fin de semaine, sur appel ou à temps partiel. En tout, 307 responsables d’un service de garde en milieu familial (RSG) offraient aussi l’un de ces services en 2010-2011. « Les besoins sont bien présents, mais pas au point d’ouvrir un service particulier dans chaque village, observe Sylvie Guay, directrice générale du CPE Le Petit Train, qui offre la garde de soir et de week-end. Il faut dire que cette clientèle bouge énormément. Ces parents sont souvent les derniers rentrés dans leur milieu. Ils doivent travailler les jours fériés, les fins de semaine. Cela se reflète dans le service de garde. » 

Le CPE de Lévis comptait parmi les 10 projets-pilotes de garde à horaire non usuel soumis à une évaluation par le ministère de la Famille et l’Enfance en 2000. « Pour toutes sortes de raisons, la plupart des participants n’ont pas continué à offrir leurs services. Force est de constater que le personnel qualifié est difficile à recruter et à retenir et que ces services exigent énormément de souplesse », explique Mme Guay, qui a renoncé à offrir la garde de nuit, faute de demandes, mais dont la clientèle de soir augmente constamment depuis 1997.

Routine du dodo 

« Il arrive souvent que mon garçon se réveille vers 11 h 55, quelques minutes avant que je le récupère à la garderie. Il se rendort aussitôt dans la voiture », raconte Mme Mantha. 

Se faire réveiller pour retrouver leur lit au beau milieu de la nuit peut-il nuire à leur sommeil ? Evelyne Martello, infirmière clinicienne, responsable de la Clinique du sommeil au CHU Sainte-Justine, croit que non. « Si la garderie maintient la routine d’endormissement, comme maman à la maison, et que l’enfant réussit à se rendormir, il n’y a pas de problème. C’est un réveil nocturne comme un autre », indique-t-elle. « Par contre, cette habitude est moins intéressante pour l’attachement et le sentiment de sécurité, la routine pré-coucher étant un moment privilégié entre le parent et l’enfant », note Mme Martello. 

La psychologue Marie-Josée Mercier estime pour sa part que la qualité du temps passé avec l’enfant l’emporte sur la quantité. « Si le parent est sensible à cette réalité, il va aménager son horaire pour compenser le temps perdu avec son enfant. Il va essayer de se lever plus tôt, de couper le sommeil en deux, quitte à se recoucher avant d’aller travailler. C’est une gymnastique assez exigeante », convient-elle. 

Heureusement, les enfants ont une extraordinaire capacité d’adaptation à ce type d’horaire, du moment qu’il est stable et sûr, s’entendent les deux expertes. « J’ai tenté de trouver des personnes de confiance pour garder mon fils les soirs de semaine, mais la garderie offrait un cadre sûr, bien structuré, qui lui permet de socialiser. À recommencer, je prendrais la même décision », confirme Mélanie Mantha, qui admet que ses nuits sont parfois courtes. 

L’entrée à l’école force toutefois certains parents à revoir leur horaire. C’est le cas de Martin Isabelle et de sa conjointe, des infirmiers parents de fillettes de 3 ans et 15 mois. « Dans deux semaines, nous changerons pour des postes de jour. On devra s’adapter à la routine devoirs-souper-dodo et lève-tôt. Nous travaillons de soir par choix, mais nous voyons l’école arriver rapidement. Qui sait dans combien d’années l’occasion se serait représentée ? », constate le père de famille.

Encourager la garde atypique ? 

Pour ces parents aux horaires atypiques, l’un des enjeux majeurs demeure l’irrégularité des horaires, constate Diane-Gabrielle Tremblay, professeure spécialisée en gestion des ressources humaines à la TÉLUQ-Université du Québec à Montréal. « Dans les commerces de détail, ils connaissent parfois leur horaire à une semaine d’avis. Comment s’organiser alors ? Il s’agit de l’irritant numéro un des infirmières qui se tournent de plus en plus vers le privé. Je n’arrive pas à comprendre qu’il n’y ait pas de solutions pour une meilleure prédictibilité des horaires », affirme-t-elle. 

Les secteurs non essentiels, comme le commerce de détail, devraient limiter l’amplitude des horaires, ajoute Mme Tremblay. « Si l’on doit augmenter l’offre de service de garde à horaire atypique, c’est dans les milieux où c’est obligatoire, comme près des centres hospitaliers, qu’on doit le faire », conclut-elle.

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