POINT DE VUE CHRIS ARSENAULT, COFONDATEUR ET ASSOCIÉ DIRECTEUR CHEZ INOVIA CAPITAL

Une question d'attitude

Même dans le secteur des technologies de l’avenir, il est fascinant de jeter un coup d’œil au passé. On mesure ainsi le chemin parcouru et on constate dans quelle direction pointe la trajectoire.

À mes débuts comme entrepreneur en technologie internet dans les années 90, j’ai conclu des ententes de collaboration et de partenariat avec des entreprises phares de la Silicon Valley, comme Netscape, Silicon Graphics, Intel et Eudora. Le concept me semblait simple : j’irais évidemment plus vite en m’assoyant sur les épaules d’un géant qu’en marchant seul. J’ai donc trouvé quelques géants et je m’en suis servi comme d’un socle pour grandir aussi vite que possible !

Je ne comprenais pas pourquoi si peu de mes pairs faisaient de même. J’ai fini par saisir que la plupart des entrepreneurs ne se sentaient tout simplement pas à l’aise à l’extérieur de leur environnement local : il y avait sans doute trop d’éléments inconnus à gérer.

Ces relations avec les grands m’ont ouvert les yeux sur un tout nouveau monde. C’était un univers dans lequel la technologie ne visait pas seulement à répondre à un besoin précis du marché, mais surtout transformait le comportement humain et contribuait à façonner l’avenir. Et d’avoir un impact mondial à partir de Sainte-Foy, c’est possible ! Deux décennies plus tard, je renforce encore ces relations d’origine, avec plus d’intensité encore que je l’avais imaginé.

TRAJECTOIRE MOUVEMENTÉE

Pendant ces 20 ans, l’entrepreneuriat québécois en haute technologie a connu des phases d’euphorie, de dépression et de lent regain d’entrain. Entre 1995 et 1999, une première génération de jeunes entrepreneurs technologiques québécois a montré au monde ce dont elle était capable.

Durant les cinq années suivantes, toutefois, l’éclatement de la bulle techno a fait imploser notre entrepreneuriat technologique.

Il faudra attendre une réorganisation du capital de risque, entre 2005 et 2009, pour que commence à poindre un nouveau dynamisme entrepreneurial. Depuis 2010, un écosystème financier plus varié et polyvalent a poussé l’entrepreneuriat technologique québécois à un nouveau sommet (voir prochain onglet). 

LES CINQ PROCHAINES ANNÉES

Reportons maintenant notre regard vers l’avenir. Que nous réserve-t-il ?

Alors que s’ouvre un nouveau cycle d’innovation au Québec, il est évident que les entrepreneurs technologiques locaux devront affronter une concurrence internationale plus féroce. Des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil forment plus d’ingénieurs et de développeurs de logiciels que le Canada et les États-Unis réunis. Les gouvernements de partout fournissent des capitaux et du soutien à leurs communautés d’entrepreneurs pour permettre à de nouvelles générations d’arriver jusqu’au marché. En même temps, la révolution des appareils mobiles apporte à des milliards de personnes à travers le monde la connectivité sans fil. L’internet est en position de tripler ou de quadrupler sa taille et sa portée. Que d’opportunités !

QUELLE PART LE QUÉBEC Y PRENDRA-T-IL ?

Même si nous sortons d’une période très positive, il n’est pas encore clair que les capitaux locaux demeureront disponibles pour aider nos entrepreneurs à relever ces défis. De nombreuses institutions et agences gouvernementales (pas seulement au Québec) réévaluent l’impact net de leur soutien au capital de risque et à l’innovation technologique.

Un grand nombre des nouvelles entreprises qui ont vu le jour au cours des dernières années seront en outre victimes des lois de l’évolution. Celles qui survivent doivent croître plus rapidement que jamais pour être concurrentielles sur la scène internationale. Celles qui restent sur le carreau devront être fusionnées, acquises ou trouver rapidement d’autres occasions.

UNE QUESTION D’ATTITUDE

L’avenir du secteur de l’innovation et de l’entrepreneuriat dépendra en bonne partie de l’attitude des intervenants dans cet extraordinaire univers. À cet égard, quelques principes doivent être bien compris.

> Faire partie d’une communauté signifie qu’on devra y contribuer de son temps, de son argent et de son énergie. Les entrepreneurs en émergence tout autant que les sociétés établies doivent s’y engager.

> Le capital de risque est une entreprise à long terme qui exige de la patience pour produire les meilleurs rendements et créer le plus grand impact possible. Les institutions doivent soutenir l’industrie dans une perspective de réussite à long terme.

> Établir des partenariats exige du temps, des efforts et beaucoup de voyages. Cela peut rapporter gros quand on adopte la bonne perspective.

> Collaborer signifie accepter des opinions différentes, mais obtenir des résultats convergents.

> Nous devons encourager et soutenir nos jeunes entrepreneurs dans la vingtaine et nous assurer que du capital soit disponible pour les entrepreneurs récurrents qui en sont à leur deuxième ou même à leur troisième initiative.

Nous sommes au début d’une nouvelle phase de révolutions technologiques. L’avenir sera d’autant plus brillant que nous contribuerons à le bâtir.

Le Québec doit prendre sa place !

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