Chronique
Ça coûte cher jouer dans le
La Presse
Mise en situation : vous êtes une talentueuse jeune artiste de variétés, et le producteur du
vous propose de remplacer nulle autre que Véronique Cloutier dans l’émission la plus prestigieuse et la plus regardée de Radio-Canada. Vous faites quoi ?Vous a) sautez de joie et b) demandez immédiatement : je signe où ? C’est ce qui est arrivé à Véronique Claveau, diplômée de
en 2004 et tête d’affiche du populaire spectacle du Théâtre du Rideau Vert depuis sept ans.Normalement, l’occasion aurait dû galvaniser Véronique Claveau, une protégée de la metteure en scène Denise Filiatrault. Cette occasion en or a plutôt dégénéré en une coûteuse guéguerre, qui a plongé la chanteuse et imitatrice dans le rouge.
Voyez-vous, Véronique Claveau a paraphé en avril un contrat pour jouer dans
avec la troupe habituelle, un spectacle que TVA retransmet depuis deux ans. L’appel du est arrivé un mois après la signature des papiers, et Véronique Claveau se sentait prête pour le grand saut à la télévision. « Je ne pouvais pas refuser l’offre du », confie Véronique Claveau, 32 ans.Mais, voilà, pour la libérer de ses obligations et lui permettre de rejoindre Joël Legendre et compagnie à la SRC, le Théâtre du Rideau Vert a exigé que Véronique Claveau paie 16 000 $ de sa poche, soit le salaire qu’elle aurait engrangé cet automne pour toutes les répétitions et les représentations de
. On s’entend, c’est excessif et abusif comme demande de dédommagement. Même l’Union des artistes (UDA) trouve que le Rideau Vert y « va fort ».Véronique Claveau, qui n’a pas d’agent pour gérer sa carrière, remplace peut-être officiellement Véronique Cloutier au
, mais elle n’engrange pas du tout le même salaire que la reine de Radio-Canada. Et 16 000 $, c’est une somme colossale.Au Rideau Vert, la direction se réfugie derrière la convention collective pour justifier cette décision matraque. « Ça ne se fait pas, briser un contrat sans pénalité. Véronique Claveau s’était engagée avec nous », tranche le directrice générale du Théâtre du Rideau Vert, Céline Marcotte.
N’y avait-il pas moyen de négocier une indemnité de séparation moins gourmande, comme cela se fait régulièrement ? Non. « C’est une clause écrite noir sur blanc. Véronique est émotive et n’en revient pas qu’il faut qu’elle paie tout ça », répond Céline Marcotte, du Rideau Vert.
Le producteur du
, Louis Morissette, trouve le Rideau Vert bien vorace et rigide dans ses négociations. « Ce n’est pas parce que c’est légal que c’est éthique. À six mois du premier spectacle, la norme, dans l’industrie, c’est que tu ne demandes jamais 100 % de la valeur du contrat. Tu paies un dédommagement, mais ce n’est jamais 100 % du contrat », explique Louis-Morissette.« Ce n’est pas comme si Véronique Claveau les mettait dans le trouble. Ils ont amplement le temps de se revirer de bord. Nous allons vivre avec, mais je me prends une petite note. »
— Louis Morissette
Ce que réclame le Théâtre du Rideau Vert n’est pas illégal, confirme la présidente de l’UDA, Sophie Prégent. « C’est dans l’entente collective, même si ça n’a jamais été fait. Ils sont allés fort. C’est une des premières fois que j’entends que cette clause est appliquée à la lettre comme ça », constate Sophie Prégent.
La directrice artistique du Rideau Vert, Denise Filiatrault, note que « si les gens du
la veulent tant que ça, Véronique Claveau, qu’ils paient ».« C’est une décision administrative. Il faut suivre la loi. Sinon, ça serait trop facile pour une personne de lâcher des contrats. J’aimerais ça la garder, Véronique, elle est excessivement talentueuse. Ne me demandez pas en plus de leur envoyer des timbres primes », poursuit Denise Filiatrault, qui a également dirigé Véronique Claveau dans la comédie musicale
.« S’ils ne se sont pas gênés pour venir la chercher, qu’ils soient gentlemen, maintenant. »
— Denise Filiatrault
On peut deviner la frustration du Rideau Vert de perdre Véronique Claveau, la vedette incontestée de
. Mais de là à assommer une chanteuse qui ne roule pas sur l’or avec une facture aussi salée, il y a quelque chose d’inélégant, de gênant.De ce que je comprends, ce n’est pas Véronique Claveau personnellement que le Théâtre du Rideau Vert veut « punir », mais bien ceux qui lui ont volé l’artiste : Radio-Canada et les concepteurs du
. Le montant exact n’a pas été précisé hier, mais KOTV, la société cofondée par Louis Morissette, épongera effectivement une grosse partie des 16 000 $ que doit Véronique Claveau, selon mes informations.En entrevue, Véronique Claveau admet que son départ du Rideau Vert a été houleux. « J’ai fait un choix. Je ne pensais jamais que c’était possible pour moi de faire partie du
. Je dois beaucoup à Denise Filiatrault, elle m’a toujours fait travailler », reconnaît- t-elle.