Chronique

« Il n’y a pas de cours pour devenir mairesse »

J’ai proposé au cabinet de la mairesse un marché un peu casse-cou : annoncer à Valérie Plante les résultats de notre sondage sur ses premiers mois au pouvoir lors d’une entrevue pour cette chronique.

Elle pourrait donc prendre connaissance des résultats la veille de leur publication de ce matin. Mais elle devrait réagir à chaud aux réponses…

J’étais sûr qu’elle dirait non.

Elle a dit oui.

« Voulez-vous le pot ou les fleurs en premier, Madame la Mairesse ?

— Comme vous voulez », a-t-elle répondu du tac au tac, avant de commencer à rire de ce rire enjoué qui en est venu à la caractériser.

J’ai commencé par les fleurs : les Montréalais ont adoré l’annonce de l’achat de 300 autobus hybrides. Cette promesse de campagne a fait mouche, car 74 % des Montréalais en sont satisfaits.

Réaction de la mairesse : « C’est un bon score. C’est notre premier vrai engagement. Je suis contente que les gens s’en rappellent… »

Elle est « contente », car l’annonce des 300 autobus a en effet été éclipsée par le budget du lendemain, un budget fort mal accueilli, comme on le sait…

Autre fleur à lui présenter, gracieuseté de notre sondage : 66 % des Montréalais sont satisfaits qu’elle ait tiré la plogue sur la Formule E.

« Ça n’avait pas de sens de garder cette course en vie. Tant mieux si les gens nous ont suivis. »

C’était le temps de sortir les pots…

« On a demandé aux Montréalais pour qui ils voteraient, si c’était à refaire…

— Oh my God », répond-elle, en retenant son souffle…

Verdict : 40,2 % des Montréalais voteraient pour Denis Coderre, contre 37,1 % pour la mairesse (elle a gagné avec 51,4 % des voix contre 45,6 % pour M. Coderre).

« OK. Ce n’est pas si pire. On vient juste d’arriver, on est en rodage, on met les morceaux en place. J’entends. Ça m’affecte un peu, mais je sais que janvier a été difficile pour nous, avec la question des taxes. »

La « question des taxes », justement. On y arrive…

La tempête politique a été terrible pour Projet Montréal après le budget qui a avalisé des hausses de taxes supérieures à l’inflation, contrairement à la promesse de la candidate Plante. Le ressac a été impitoyable dans les médias et dans la population. La grogne se quantifie brutalement, quelques semaines plus tard : 77 % des Montréalais sont insatisfaits de cette hausse.

Réaction de Valérie Plante : « C’est clair, très clair. Ceci étant dit, je m’en tiens à ma décision. Avec la situation financière dont on a hérité, il fallait trouver des solutions, ça n’a pas été facile. On a décidé de ne pas couper dans les arrondissements, là où l’ancienne administration coupait… »

Je lui soumets qu’elle a joué sur les mots pour justifier cette promesse brisée, ce qu’elle n’a jamais admis…

« Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai haussé la taxe d’eau, réplique-t-elle. Je veux laisser une belle ville à mes enfants. Et quand j’ai vu comment on s’était si peu occupé des infrastructures d’eau, j’aurais pu pelleter en avant, mais j’ai décidé de ne pas le faire. »

C’était peut-être un mauvais choix politique, constate-t-elle, mais elle croit que c’était un choix responsable de hausser aussi la taxe d’eau… Ce qui a pulvérisé la promesse de campagne de Projet Montréal de limiter à l’inflation toute hausse de taxes.

« J’aurais dû le dire à l’époque comme je viens de vous le dire. J’aurais dû parler aux Montréalais comme je leur avais toujours parlé. Ce fut toute une leçon.

— Pourquoi, une leçon ?

— Je ne suis pas formatée, je n’ai pas tous les trucs pour m’en sortir de la façon la plus politiquement correcte. Je dois revenir à Valérie Plante, citoyenne, mairesse, qui prend des décisions impopulaires, mais qui les prend parce qu’il faut les prendre… »

Je m’attendais sincèrement à un mea culpa sur le fond, plus que sur la forme, ici, sur la question de la hausse des taxes qui a plombé le janvier politique de la nouvelle mairesse. Il n’y aura pas de mea culpa.

Ce mois de janvier a été pénible pour Valérie Plante et son parti. Il y a eu la question des taxes, mal reçue. Il y a eu Benoit Dorais, qui a justifié une hausse des tarifs des permis de construction de façon cavalière. Et il y a eu la saga des trottoirs glacés, après des décisions discutables en matière de déneigement…

Gouverner, c’est dur, dirait-on, Madame la Mairesse !

Elle m’obstine, refuse de dire que si ; je lui dis que la courbe d’apprentissage semble, en tout cas, plutôt abrupte…

« Il n’y a pas de cours pour devenir mairesse, répond-elle. On fait face à la musique. Oui, la courbe d’apprentissage est très abrupte, on peut dire ça comme ça. Mais honnêtement, malgré les défis, je me sens au bon endroit, au bon moment. On avance ! »

Et en disant « On avance ! », elle rit, encore…

Quand même, Madame la Mairesse, apprendre que si c’était à refaire, vous perdriez contre Denis Coderre, ça doit faire mal…

Réponse : « Non. Ça, “Pour qui voteriez-vous si c’était à refaire ?”, il y a un élément de coup de tête dans les réponses que les gens vont donner. Ce que je trouve le plus difficile, c’est le taux de satisfaction face à notre administration… »

Ce taux de satisfaction – ou plutôt d’insatisfaction – des Montréalais face à l’administration Plante est de 59,2 %. Montréalais satisfaits : 33,8 %.

« Ce n’est pas que ça me blesse, dit-elle. Ça me déçoit. Mais je suis très résiliente. Je prends ces chiffres-là et je me dis ceci : je vais montrer aux Montréalais que je mérite leur confiance… »

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