Adrénaline
La terre promise
La Presse
Le petit monde de la course automobile québécoise a déjà connu des heures plus glorieuses. D’accord, le Grand Prix de Trois-Rivières nous permet de voir nos préférés tous ensemble en même temps au moins une fois, mais force est d’admettre que le sport a déjà été en meilleure santé.
Mais il existe à l’ombre des grands centres une forme de course qui gagne en popularité, et en notoriété. L’an dernier, l’Autodrome Granby a attiré à lui seul pas moins de 80 000 spectateurs entre mai et septembre. À chacune des courses, tenues chaque vendredi quand Dame Nature le veut bien, c’est entre 3000 et 5000 personnes qui se déplacent pour voir à l’œuvre les Alain Bergeron, Steve Poirier, Dave Hébert, Kayle Robidoux et autres vedettes de la terre battue.
Les mêmes pilotes se retrouvent les samedis à l’Autodrome Drummond ou au circuit RPM de Saint-Marcel et parfois même le dimanche à Cornwall, en Ontario. Sans compter quelques épreuves à Saint-Guillaume.
Pourtant, le son des bolides et la clameur des amateurs semblent encore aujourd’hui coincés dans le cœur de la Montérégie et des Bois-Francs.
« C’est méconnu, reconnaît franchement Dominic Lussier, copropriétaire de l’Autodrome Granby. En 2012, on avait un kiosque dans la rue Crescent pendant la fin de semaine du Grand Prix de Formule 1. Les gens ont été impressionnés. On en a profité pour donner pas moins de 21 000 billets pendant la fin de semaine, mais seulement 300 personnes sont finalement venues aux courses… »
Pourtant, près de 500 000 $ ont été investis au cours des quatre dernières années à Granby seulement pour attirer une nouvelle clientèle.
« J’ai modernisé notre image, on a beaucoup investi pour notamment adapter notre produit aux familles, explique M. Lussier. Ainsi, l’entrée est désormais gratuite pour les moins de 18 ans accompagnés d’un adulte, on organise des concours pour les jeunes, on a de l’animation et des mascottes et nos prix sont raisonnables. »
On tente aussi de séduire les clients commerciaux. Une dizaine de loges ont été réservées pour les entreprises.
« Parmi la clientèle corporative, environ 10 % va revenir voir quelques courses alors que 2 à 3 % vont devenir des adeptes », soutient Dominic Lussier, lui-même un ancien coureur automobile qui a touché autant aux circuits routiers qu’aux ovales sur asphalte ou sur terre battue.
Mieux encore, les différents circuits travaillent fort pour ne pas nuire au sport. Dominic Lussier a même pris les rênes du circuit RPM de Saint-Marcel en s’associant à Yan Bussières, qui est responsable de l’Autodrome Drummond.
Les deux hommes s’assurent aussi d’accueillir en alternance les plus importantes séries de courses sur terre battue au monde, les World of Outlaws et Super DIRTcar, qui visitent annuellement Granby et Drummondville.
« Je ne pense pas pouvoir gagner davantage de crédibilité de mon côté, soutient Dominic Lussier. Pour percer les grands centres, ça va me prendre la notoriété de pilotes connus du grand public. »
Bertrand Godin collabore justement depuis quatre ans avec les gens de l’Autodrome Granby à titre d’analyste lors de la diffusion des courses en circuit fermé, et il participe à l’accueil de certains groupes corporatifs. Selon lui, il manque à la terre battue une épreuve phare qui attirerait l’attention des grands médias.
Néanmoins, Bertrand Godin a vu le sport se développer au cours des 20 dernières années, les pilotes et les écuries se hissant au rang des plus professionnels au Québec, toutes catégories confondues. Les meilleurs peuvent même espérer en vivre, modestement, mais tout de même.
« À Granby, on remet chaque année près de 750 000 $ en bourse, il n’y a pas beaucoup de séries de courses automobiles au Québec qui peuvent se targuer de donner autant, soutient l’ancien pilote. Tout ça surprend chaque fois ceux qui ne connaissent pas les courses de terre battue. Les gens lèvent souvent le nez là-dessus, mais c’est par ignorance. »