OPINION SYSTÈME DE SANTÉ

Pourquoi le prix des médicaments varie-t-il d’une pharmacie à l’autre ?

En début de semaine dernière, plusieurs médias ont rapporté les résultats de l’enquête effectuée par Protégez-Vous qui démontrait que le prix de certains médicaments pouvait, d’une pharmacie à l’autre, passer du simple au double.

Pourquoi ?

Il faut savoir qu’au Québec, le prix des médicaments est le même, peu importe la pharmacie. Ce qui varie n’est pas le prix du médicament, mais bien les honoraires des pharmaciens qui s’ajoutent à la facture de l’assuré.

Lorsqu’un pharmacien vend à un assuré du secteur public, les honoraires sont balisés par entente et sont, en moyenne, d’environ 8,45 $/prescription. Lorsqu’un pharmacien vend à un assuré du secteur privé, aucune entente ne balise les honoraires, ce qui explique leur variation d’une pharmacie à l’autre.

Il serait erroné d’associer les honoraires des pharmaciens à leurs profits. Les profits dépendent des coûts de fonctionnement d’une pharmacie, qui peuvent être multiples : nombre de salariés plus importants, services accrus à la clientèle, frais liés au fait d’être franchisé, etc.

Il faut conclure de l’enquête qu’il est pertinent de magasiner ses médicaments si notre objectif est de payer moins cher. Notre objectif peut toutefois être d’aller dans la pharmacie où les services d’accompagnement sont importants et gratuits, ou d’aller dans la même pharmacie lorsque nous consommons plus d’un médicament afin d’assurer un bon suivi de la posologie par le même pharmacien.

Si notre objectif est de payer moins cher, la bonne nouvelle est que, depuis le 15 septembre, l’assuré n’a plus à se soumettre à un calcul mental complexe afin de déterminer la somme des honoraires associée à sa prescription.

Cette nouvelle obligation imposée aux pharmaciens évitera-t-elle à l’assuré de se déplacer dans les différentes pharmacies de son quartier pour magasiner ses médicaments ? Ça dépend.

En effet, au mois de juillet, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires a déposé auprès de la Cour supérieure du Québec une demande de jugement déclaratoire à l’encontre de la RAMQ afin que la Cour déclare que la nouvelle disposition de la Loi sur l’assurance médicaments, qui prévoit que le « pharmacien doit remettre une facture détaillée à la personne à qui est réclamé le paiement d’un service pharmaceutique », n’est applicable qu’à une personne physique, excluant ainsi les assureurs et les administrateurs de régimes d’avantages sociaux.

Il faut comprendre que la connaissance, par les assureurs, des honoraires des pharmaciens, par pharmacie, leur permettrait de créer des sites internet où, d’un seul clic et après avoir indiqué leur code postal, les assurés seraient en mesure de vérifier les honoraires applicables dans les pharmacies près de chez eux. Ces sites internet sont communs dans plusieurs provinces du Canada.

Si la Cour donne raison aux pharmaciens et, à moins que les assurés transmettent l’information directement à leurs assureurs, il est fort probable que les assurés devront, comme présentement, se rendre dans chacune des pharmacies de leur quartier pour magasiner leurs médicaments. Or, nous savons que la majorité d’entre nous n’a pas le temps ou les capacités physiques de se soumettre à cet exercice…

Les pharmaciens se sont longtemps opposés à la transparence de leurs honoraires et tentent maintenant de la limiter par voie judiciaire.

Une réelle transparence des honoraires permettrait de forcer une meilleure compétitivité du marché quant au coût de la facture de médicaments. Toutefois, il faut être conscient qu’une plus grande compétitivité du marché pourrait forcer certaines pharmacies à diminuer leurs frais d’exploitation et, donc, à éliminer certains services actuellement offerts à leur clientèle. Souvent, ces services visent une meilleure consommation des médicaments par les assurés, des services qui sont probablement essentiels à l’optimisation de notre système de santé.

Ceci m’amène à me demander s’il n’est pas requis de revenir aux débats des années 60 portant sur la pertinence de revoir le mode de rémunération des pharmaciens qui devraient, au même titre que les médecins, être considérés comme des acteurs à part entière du système de santé…

Peut-être que le débat relatif à la transparence de la facture, qui s’ajoute à de récents et multiples débats fortement médiatisés entourant la rémunération des pharmaciens, n’est qu’un des autres symptômes d’un problème plus profond lié au statut hybride du pharmacien, à la fois professionnel de la santé et commerçant.

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