Questions pour un patron

Exceldor en attente de l’ALENA nouveau

La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d’entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. René Proulx, président-directeur général d’Exceldor, répond aujourd’hui aux questions de Sophie Boulanger, cofondatrice et PDG de BonLook.

La structure en mode coopératif semble un gage de longévité pour Exceldor. Quels en sont les avantages et les inconvénients ?

Le modèle a bien servi notre entreprise, puisqu’après 72 ans, nous sommes toujours là et nous n’avons jamais été dans une aussi bonne position. En coopérative, un membre égale un vote, alors personne ne peut prendre le contrôle. C’est rassurant pour les plus petits membres. Étant donné que nous sommes une coopérative de fournisseurs, c’est-à-dire que nos fournisseurs de volaille sont aussi nos propriétaires, c’est plus facile de les convaincre de nous donner les oiseaux dont on a besoin. On fait beaucoup d’éducation et de formation. Ils comprennent que s’ils nous donnent les bons produits, on va mieux répondre aux besoins de nos clients et en fin de compte, on augmentera nos parts de marché et nos fournisseurs auront une meilleure rentabilité.

Il n’y a pas vraiment d’inconvénients. Une coopérative ne peut pas se vendre par contre. Elle peut se démutualiser d’abord, puis se transformer en entreprise. Mais qu’on soit une coopérative ou une entreprise, on peut très bien se développer.

Comment entrevoyez-vous l’évolution de votre offre de produits face à la demande grandissante de produits alimentaires biologiques et comment ce type de produit affecte-t-il la rentabilité de vos membres éleveurs de volaille ?

Les produits évoluent. Les gens veulent des produits épurés en termes d’ingrédients. On travaille beaucoup là-dessus en réduisant le sodium et le gras de nos produits préparés. Les produits bios représentent encore une infime partie du marché. Oui, c’est en augmentation, mais les consommateurs ne sont pas disposés à payer beaucoup plus cher. Dans la volaille, les normes sont extrêmement sévères pour faire un produit bio, et c’est très coûteux. Cela étant dit, nous sommes à l’affût de ce qui se passe dans le marché. Nous n’en faisons pas pour l’instant, mais on en fera possiblement à l’avenir.

Vous travaillez dans un secteur d’activité où la croissance semble assez stable. Quels seront les principaux vecteurs de croissance pour Exceldor dans les 10 prochaines années ?

La consommation de poulet est encore en croissance. C’est la protéine de viande la plus vendue en termes de kilos par habitant au Canada. On a pris beaucoup de parts de marché. Au cours des 10 dernières années, notre chiffre d’affaires est d’ailleurs passé de 284 millions (2006) à 700 millions (2016). Dans le dindon, la consommation est stable, mais le potentiel est là avec la découpe de dindon, le dindon haché (qui fait d’excellents burgers) et les produits surtransformés. Notre croissance sera organique, elle passera par le développement de nouveaux produits, par des acquisitions ou des partenariats sur le marché canadien, un peu comme on l’a fait quand on a acheté l’entreprise qui détenait les droits sur la marque Butterball.

Vendez-vous vos produits aux États-Unis ? La renégociation possible de l’ALENA pourrait-elle avoir un impact négatif ou positif sur les ventes de volaille québécoise chez nos voisins du Sud ?

On fait un peu d’exportation de viande brune en Asie et en Amérique latine pour balancer la demande au Canada qui est plus forte pour la viande blanche. Les États-Unis sont, avec le Brésil, les plus gros exportateurs de poulet dans le monde. La production américaine est facilement 10 fois ce qu’elle est au Canada. On ne serait pas concurrentiel sur le marché américain.

L’ALENA pourrait avoir un impact si la gestion de l’offre fait partie des renégociations, parce que la volaille, les œufs et le lait sont protégés par la gestion de l’offre au Canada. Dans le cadre du Partenariat transpacifique (PTP), la gestion de l’offre était protégée, mais on augmentait un peu le pourcentage d’importation des produits étrangers. Dans le cas du poulet, ça passait de 7,5 à 9,6 %. Si c’est semblable, ça aura peu d’impact sur les ventes de volaille québécoise.

On a vu beaucoup de promotion autour de la campagne « Le poulet du Québec, de notre famille à la vôtre ». Est-ce avantageux pour une marque dans l’alimentaire de faire une campagne de communication aux côtés de ses compétiteurs versus pousser uniquement sa marque maison ?

Il faut comprendre que la campagne sert à encourager les Québécois à acheter du poulet local. Dans nos chaînes d’alimentation, il se vend du poulet du Québec, mais aussi de l’Ontario et des Maritimes. Faire la promotion du poulet du Québec, c’est bon pour les transformateurs comme nous et nos concurrents. Si le consommateur achète du poulet québécois, il y a une chance sur deux qu’il vienne d’Exceldor. Ça ne nous empêche pas de faire nos propres campagnes de publicité pour promouvoir le poulet Exceldor. C’est complémentaire.

La semaine prochaine, Simon Laroche, vice-président des ventes de Labatt, répondra aux questions de René Proulx.

Le parcours de René Proulx en bref

Âge : 60 ans

Études : René Proulx est bachelier en administration des affaires de l’Université de Sherbrooke. Il est aussi membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.

PDG depuis : mai 2006

Nombre d’employés : 2250

Avant d’être PDG : Il a notamment été directeur général de Roy & Breton, une division de Teknion (un important manufacturier de mobilier de bureau), et d’ExpoCité.

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