Indépendance américaine

Quand le Québec a failli devenir un État américain…

Les Américains ont déjà pris le contrôle de Montréal. Et la famille Molson, tout comme le chef des Patriotes, Louis-Joseph Papineau, ont jadis demandé l’annexion du Québec aux États-Unis. Le Québec n’est jamais devenu un État américain, mais il s’en est fallu de peu. Et plus d’une fois. À l’occasion du Jour de l’indépendance américaine, retour sur cinq tentatives infructueuses d’unir le Québec aux États-Unis.

1775-1776 : LA CAMPAGNE DE SÉDUCTION DE FRANKLIN

Pendant que les 13 colonies américaines discutent pour former leur futur pays, elles envoient à Montréal un de leurs délégués, Benjamin Franklin, en 1775. Sa mission : rencontrer les notables locaux pour les convaincre d’adhérer aux États-Unis. « Franklin est la seule vedette américaine à l’époque, puisqu’il est inventeur, explique Jason Opal, professeur d’histoire à l’Université McGill. En plus, il parle français. Il est bien reçu, mais son projet ne suscite pas d’enthousiasme. »

Après la visite infructueuse de Franklin, les Américains envahissent le Québec en 1775. Mais l’armée américaine est atteinte de variole durant l’hiver. Elle bat en retraite quand les Britanniques envoient des renforts, au printemps 1776. Les historiens sont partagés à savoir si les gens du Québec appuyaient une union avec les Américains. « Beaucoup de gens leur étaient sympathiques et avaient cessé de payer leurs droits à la Grande-Bretagne », dit Allan Greer, professeur d’histoire à l’Université McGill. « À cette époque, les gens au Massachusetts étaient presque tous protestants et ils étaient très intolérants envers les catholiques, souligne l’historien Jason Opal. Dans ce contexte, l’idée pour des catholiques québécois d’adhérer aux États-Unis pouvait paraître bizarre. »

1812 : UNE AUTRE GUERRE BRITANNO-AMÉRICAINE

Personne n’a gagné la guerre de 1812. Mais même en cas de victoire des Américains contre les Britanniques, le territoire du Québec (le Bas-Canada) aurait eu peu de chances de changer de camp. « Les Américains voulaient surtout intégrer l’Ontario [le Haut-Canada], où il y avait quelques loyalistes, mais surtout des Américains qui s’y étaient installés pour y cultiver la terre, dit l’historien Allan Greer. Le gouvernement américain pensait que ces gens seraient heureux de retrouver leur liberté, mais l’armée américaine a brûlé beaucoup de maisons et ne s’est pas attiré la sympathie des gens. »

1837-1838 : LE TEXAS DU NORD

Les Patriotes tentent à l’époque, sans succès, de se libérer du régime britannique. « La plupart des Patriotes préfèrent une république indépendante, mais plusieurs, dont leur chef Louis-Joseph Papineau, voient la logique de s’allier aux Américains. Ils tiennent un discours ambigu, mais certains voient qu’ils ne seront pas assez forts pour résister aux Britanniques sans une aide militaire des Américains », explique l’historien Allan Greer, qui trace un parallèle avec le Texas. Cet État a acquis son indépendance du Mexique en 1836. Il est demeuré une république indépendante durant une vingtaine d’années, avant de se joindre aux États-Unis en 1845.

1842 : LE BAS-SAINT-LAURENT SAUVÉ PAR DES NÉGOCIATIONS 

Si les Américains avaient eu le dernier mot dans les négociations sur les frontières, la majeure partie de la région du Bas-Saint-Laurent célébrerait sa fête nationale le 4 juillet. « Les Américains voulaient être plus près du fleuve Saint-Laurent et tracer la frontière à une vingtaine de kilomètres au sud de Rimouski, tandis que les Britanniques voulaient couper en deux ce qui est aujourd’hui le Maine », dit Frédéric Lasserre, professeur en géographie à l’Université Laval. En 1842, les deux parties concluent une entente écrite délimitant les frontières actuelles du Québec, du Maine et du Nouveau-Brunswick.

1849 : LES MOLSON ET PAPINEAU FAVORABLES À L'ANNEXION

Cette fois, ce sont les gens du Québec, principalement de la région de Montréal, qui veulent devenir Américains. En 1849, environ 2000 notables montréalais (sur 55 000 habitants à l’époque) signent le Manifeste annexionniste. Parmi les signataires, le chef patriote Louis-Joseph Papineau et les frères John Molson Jr. et William Molson. « C’était davantage pour des raisons économiques, indique Julien Mauduit, chargé de cours et étudiant au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal. Ils estimaient que le lien colonial empêchait le commerce de se développer. » Le Manifeste est toutefois ignoré par le gouvernement américain. « Celui-ci ne veut pas retourner en guerre contre les Britanniques, qu’il estime trop puissants », dit Julien Mauduit.

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