Opinion Relations Québec-Canada

Pour mieux
se connaître

Il faut relancer les relations entre le Québec et le reste du pays afin que notre fédération soit plus performante.

L’avènement d’un nouveau gouvernement fédéraliste au Québec, assorti de la perspective à court terme de nouveaux gouvernements en Ontario tout comme en Alberta, évoque une question critique à laquelle le Canada n’a pu répondre intelligemment depuis la rupture constitutionnelle de 1982 : comment re-solidariser et ré-énergiser – surtout sur le plan psychologique – les relations entre les Québécois et les Canadiens du reste du pays afin que la fédération soit parmi les plus performantes de ce nouveau siècle ?

En deçà de grandes réformes constitutionnelles, trois propositions concrètes se profilent. Je les mets dans trois catégories : l’expérience de l’autre, la connaissance des langues et le système de droit. Ces initiatives nécessitent l’énergie, l’audace et l’imagination de nouveaux premiers ministres provinciaux et, quoique la participation du fédéral les rendrait manifestement plus efficaces, les provinces pourraient elles-mêmes les élaborer et les mettre en œuvre le cas échéant.

Premièrement, il faut multiplier les échanges pancanadiens entre étudiants, jeunes professionnels et leaders dans tous les domaines de la vie canadienne et québécoise, comme le commerce, la fonction publique, les universités et les organisations non gouvernementales. Force est de constater qu’il faut mieux se connaître : en général, les Canadiens du Rest of Canada (ROC) connaissent mal ou bien superficiellement le Québec et jouissent de réseaux québécois très restreints (surtout parmi les Québécois francophones), tout comme il est possible que beaucoup de Québécois surestiment leur connaissance du reste du Canada. Ce n’est que par le biais de séjours prolongés et d’immersion soutenue sur le territoire et dans les circonstances des autres que l’on est susceptible d’obtenir cette connaissance.

Deuxièmement, il faut à remettre l’accent sur l’apprentissage des langues. Comment se peut-il, au XXIe siècle, dans un pays qui se veut bilingue, que si peu de Canadiens (surtout à l’extérieur du Québec) maîtrisent les deux langues officielles du pays ? Le Canada se trouve dans la situation paradoxale d’être officiellement bilingue sans que la majorité de sa population le soit. Sans maîtrise de la langue française, n’ayant pas accès à la littérature, aux médias et, plus généralement, aux grands débats politiques et culturels de cette société distincte, un Canadien d’une autre province ne peut sérieusement comprendre le Québec. En fin de compte, c’est une question de sérieux national : un pays sérieux qui désire être bilingue devrait se pencher avec plus de conviction sur ses politiques et programmes d’apprentissage des langues.

Troisièmement, il faut surmonter un blocage intellectuel dont souffrent les universités de notre pays. Alors que le Canada est un pays bijuridique, jouissant de deux systèmes de droit, la grande majorité de nos facultés de droit forment des juristes qui ne connaissent qu’un système de droit. Ainsi, les futurs ministres de la Justice du Canada et des provinces, les juges de la Cour suprême et des cours d’appel ainsi que les fonctionnaires, avocats et chercheurs qui élaborent et interprètent notre Constitution, nos lois et les valeurs qui les sous-tendent, ne saisissent qu’une partie du cadre global juridique qui régit le Canada.

Somme toute, les Canadiens et Canadiennes qui profiteraient de ces trois vecteurs de réforme connaîtraient mieux leurs pays dans sa totalité, seraient mieux branchés sur toute la population du pays, seraient parfaitement à l’aise dans les deux systèmes de droit, dialogueraient sans complexes en français et en anglais et, si Dieu le veut, dans n’importe quelle autre langue qui les inspire.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.