La forestière Résolu critiquée

Des certificats écologiques de l’entreprise suspendus

Les prétentions « vertes » du géant de la foresterie canadienne Produits forestiers Résolu accusent un dur coup, avec la perte de trois certificats du Forest Stewardship Council sur trois territoires de coupe stratégiques.

Deux certificats sont suspendus au Québec et un troisième en Ontario, indique François Dufresne, président de FSC Canada. À eux seuls, les deux certificats québécois couvrent 20 % de toutes les forêts exploitées par Résolu.

Dans les deux provinces, la protection du caribou forestier, une sous-espèce menacée, et la conservation de massifs forestiers anciens sont des enjeux qui ont causé la suspension des certificats.

En outre, le consentement des peuples autochtones aux opérations forestières fait défaut dans certains cas, ce qui viole aussi les normes FSC.

« Les suspensions, c’est des choses qui surviennent, mais c’est la première fois que ça prend une telle ampleur en termes de territoire », dit M. Dufresne.

Résolu détient 13 millions d’hectares de forêts certifiées FSC, mais 8 millions sont maintenant frappés d’une suspension d’un an, dit-il.

Résolu a placé la norme FSC au centre de sa stratégie de mise en marché, ces dernières années. Par exemple, le logo FSC est apposé sur sa nouvelle gamme de papiers Align.

Dans son dernier rapport annuel sur le développement durable, l’entreprise disait vouloir faire passer son approvisionnement en provenance de forêts certifiées FSC de 13 à 80 %.

Cet objectif est maintenu, selon le directeur principal, Affaires publiques et relations gouvernementales de Résolu, Karl Blackburn.

M. Blackburn affirme que la suspension des certificats résulte du blocage des négociations entre Québec et deux groupes autochtones ainsi que de retards et d’incohérences dans les plans de rétablissement du caribou forestier, l’un fédéral et l’autre provincial.

« Ce sont deux éléments sur lesquels on n’a aucune incidence, sauf de souhaiter que ça se règle le plus rapidement possible », dit-il.

En ce qui concerne la question autochtone, dans une certaine mesure, M. Dufresne donne raison à Résolu. « Une entreprise peut avoir une entente avec des communautés autochtones et Résolu elle-même en a, par exemple avec les Attikameks, dit-il. Mais dans certains dossiers, il peut y avoir des imbroglios qui échappent à Résolu. Dans le cas des Cris et des Innus pour le certificat Lac-Saint-Jean, le gouvernement est interpellé et a tout intérêt à trouver une solution. »

Caribous et vieilles forêts à protéger

En revanche, ajoute M. Dufresne, pour ce qui est de la protection du caribou forestier, il est tout à fait possible pour une compagnie forestière comme Résolu de respecter les normes FSC.

« La preuve sur le terrain le démontre, dit-il. Il y a des certifications qui ont été maintenues et il y en a de nouvelles qui s’en viennent où les enjeux sont les mêmes. Il y a de 25 à 30 millions d’hectares de forêt FSC au Québec, alors c’est possible. »

La norme FSC comprend plus de 200 critères qui doivent être évalués chaque année par un tiers. C’est l’organisme Rainforest Alliance qui a réalisé l’audit des certificats FSC de Résolu.

Une équipe composée de deux ingénieurs forestiers et d’un spécialiste des politiques forestières est allée sur le terrain en septembre au Lac-Saint-Jean, où Résolu détient deux certificats. Une autre équipe a réalisé l’audit d’un certificat que Résolu détient en Ontario.

Pour ce qui est du certificat « Lac-Saint-Jean », le document d’audit note que les plans de Résolu « permettent une diminution de la qualité/quantité de l’habitat pour le caribou, soit en permettant une augmentation du niveau de perturbation qui est déjà à un niveau critique, et une augmentation de quasiment 100 % de la densité du réseau routier ».

Dans l’autre certificat, pour le secteur « Mistassini-Péribonka », l’audit affirme qu’il « n’est pas possible de conclure que les stratégies d’aménagement retenues voient au maintien de la gamme complète des âges dans les vieilles forêts ».

Risques sur le marché

M. Blackburn assure que Résolu pourra continuer de fonctionner normalement « pendant quelques mois ». « Nous sommes capables d’approvisionner nos clients parce que nous avons des quantités considérables de crédits FSC en banque et nous avons des fournisseurs qui sont accrédités, dit-il. Mais si ça devient permanent, il y aura des conséquences importantes dans les communautés locales où nous avons des installations. »

Pour Nicolas Mainville, directeur de Greenpeace Québec, « la perte de ces certificats risque d’avoir des conséquences sévères sur les parts de marché de Résolu, dans un contexte où les grands acheteurs de bois et de papiers exigent la certification FSC dans leurs politiques d’approvisionnement ». Greenpeace est un membre fondateur de FSC.

Selon M. Mainville, Résolu ne peut s’en prendre qu’à elle-même pour la suspension des certificats. « Il est temps que Résolu prenne ses responsabilités et revoie son approche afin d’assurer la durabilité de ses opérations, dit-il. Nous espérons que l’attitude de cette multinationale ne compromettra pas l’économie des communautés du Lac-Saint-Jean, grandement dépendantes d’une gestion durable de nos forêts publiques. »

La forestière Résolu critiquée

Produits forestiers Résolu

Janvier 2007 : Fusion d’Abitibi-Consolidated et de Bowater.

Avril 2009 : AbitibiBowater se met à l’abri de ses créanciers. Plusieurs usines ferment.

18 mai 2010 : Signature de l’Entente sur la forêt boréale canadienne (EFBC) entre l’industrie et les groupes écologistes.

9 décembre 2010 : AbitibiBowater émerge de la procédure de protection contre les créanciers.

6 septembre 2011 : Première certification FSC, en Ontario.

Octobre 2011 : L’entreprise change de nom et devient Produits forestiers Résolu.

Mai 2013 : Certains membres de l’EFBC critiquent Résolu.

Juin 2013 : Résolu poursuit Greenpeace en diffamation.

Décembre 2013 : Suspension de la certification FSC sur 8 millions d’hectares.

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