Comportement

Le quotidien d'une famille

Victor* a toujours eu beaucoup d’initiative et beaucoup d’énergie, mais ses parents vivaient bien avec cela dans ses premières années de vie. « Je l’accompagnais dans ses idées et je trouvais ça génial, raconte sa maman, Julie. Jusqu’au jour où on l’a mis en garderie, à l’âge de 3 ans. »

Son éducatrice s’est plainte que Victor voulait toujours que ça se passe à sa façon, qu’il bougeait beaucoup. Et qu’il était impulsif. Ses parents aussi le trouvaient impulsif, mais c’était leur fils unique et ils avaient peu de références.

Ils se sont dit qu’ils avaient été trop permissifs avec lui et qu’ils devaient serrer la vis. « Et pendant un an, on s’en est pris plein la gueule », résume Julie, entrepreneure de 35 ans.

Le stress que vivait Victor amplifiait son impulsivité. À la garderie, il poussait les amis. À la maison, lorsqu’il était contrarié, il lançait ses voitures sur ses parents et sur les portes en verre (il en a même fracassé une). Un jour, parce qu’il était fâché de ne pas pouvoir emprunter l’escalier qui venait d’être ciré, Victor a décidé… d’uriner sur l’escalier.

Victor a aussi beaucoup de difficulté à attendre et à gérer l’ennui. Quand sa mère est au téléphone et qu’il veut lui parler, il crie, jusqu’à ce qu’elle change de pièce et qu’elle finisse par raccrocher.

GÉNÉTIQUE

D’où vient l’impulsivité ?

L’impulsivité est un trait de tempérament. Et on naît avec son tempérament, explique Natalie Castellanos Ryan, professeure adjointe à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.

La littérature scientifique montre que les enfants très impulsifs ont de la difficulté à accomplir des tâches associées aux fonctions cognitives liées au cortex préfrontal du cerveau. Soulignons que les lobes frontaux se développent jusqu’au milieu de la vingtaine.

« Nous avons trouvé que l’impulsivité, lorsqu’elle était mesurée avec ces tâches cognitives et un questionnaire de personnalité, prédit plusieurs problèmes : troubles de comportement, trouble d’opposition, abus de substances, symptômes de trouble de déficit d’attention et d’hyperactivité », énumère Natalie Castellanos Ryan.

Mais il y a de l’espoir. Beaucoup d’espoir, même. « Nous avons toujours pensé aux facteurs de risque négatifs, mais on découvre que les enfants impulsifs peuvent aller vraiment, vraiment bien s’ils grandissent dans un environnement favorable », rappelle-t-elle. Et les parents n’ont pas besoin d’être des parents parfaits : ils doivent simplement ne pas frapper et ne pas trop crier.

Pour aider Victor, Julie et son conjoint ont consulté une psychoéducatrice, puis une psychologue. Ils ont appris à s’accepter comme parents, à accepter Victor tel qu’il est et à choisir leurs batailles avec lui. Ils l’ont aussi changé de garderie pour un milieu plus adapté à lui.

Victor, quatre ans et demi, a de l’enthousiasme et des idées à revendre. « Je me suis toujours dit, dans les moments difficiles, que le but, ce n’est pas d’élever un enfant ; le but, c’est d’élever un enfant qui va devenir un adulte. Et là-dessus, je ne suis pas inquiète », conclut sa maman.

*Les prénoms ont été changés.

TYPES D’IMPULSIVITÉ

Il existe plusieurs sortes d’impulsivité et les enfants impulsifs peuvent avoir de la difficulté à accomplir les tâches liées à l’une ou plusieurs fonctions du cerveau. En voici trois : 

Fonctions exécutives : ce sont les capacités du cerveau impliquées dans toute action orientée vers un but. Ça comprend notamment la planification et la mémoire de travail.

Gratification différée : c’est la capacité d’attendre une récompense différée plus grande au lieu d’opter pour une gratification immédiate plus petite. Bref, c’est la capacité d’envisager des conséquences à long terme. Un déficit de cette fonction est particulièrement prédictif de troubles associés. Le test de la guimauve permettrait de mesurer cette capacité chez les enfants : on leur offre une guimauve et on leur dit que, s’ils ne la mangent pas d’ici cinq minutes, ils en recevront deux autres.

Inhibition des réponses : c’est la capacité à réprimer des réactions non voulues. « Quand on commence quelque chose, c’est très difficile d’arrêter le comportement », explique Natalie Castellanos Ryan, qui souligne que cette fonction, « très biologique », est probablement « la plus difficile à entraîner ».

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