Interdit de passage à la douane américaine

« Je n’irai plus jamais aux États-Unis »

Parti en train sur la ligne Montréal-New York, l’auteur néerlandais Niels Gerson Lohman s’est vu refuser l’entrée aux États-Unis par des douaniers qui n’aimaient pas les tampons des pays visités figurant dans son passeport. Son histoire est devenue virale sur l’internet.

Niels Gerson Lohman n’est pas en colère. Il n’élève pas la voix, pas plus qu’il n’affirme être une victime. N’empêche, sa décision est prise : il n’ira plus jamais aux États-Unis.

« Je ne suis pas antiaméricain, dit-il, assis dans un café de l’avenue du Mont-Royal. Plusieurs de mes meilleurs amis sont Américains et j’ai d’excellents souvenirs de New York, de la Floride, de la côte ouest… »

La liste des bons souvenirs s’arrête au poste frontalier de l’État de New York, dans un incident dont le récit a été partagé plus de 85 000 fois sur Facebook, après avoir été repris, la semaine dernière, sur le blogue du cinéaste Michael Moore, notamment.

Le 12 août dernier, Niels Gerson Lohman est parti de Montréal en train, en direction de New York, l’un des plus beaux trajets de train du monde, s’est-il laissé dire.

L’auteur de 28 ans, publié aux Pays-Bas, venait de passer un an à voyager. Il a notamment visité Singapour, la Malaisie, le Sri Lanka, l’île de Socotra, au large du Yémen, puis le Canada. Après un séjour à Montréal, il avait décidé d’aller en train jusqu’à La Nouvelle-Orléans, afin d’honorer la mémoire de son père, mort un an plus tôt.

« Mon père était trompettiste et il adorait La Nouvelle-Orléans. Pour moi, c’était un voyage symbolique. Une façon de clore mon année sur la route. »

Après avoir franchi la frontière, le train s’est arrêté et les douaniers américains sont montés à bord. En feuilletant les pages du passeport de Gerson Lohman, un agent a remarqué qu’il avait plusieurs étampes.

« Le Sri Lanka ?, a-t-il demandé. Qu’est-ce que tu allais faire là-bas ? »

« Je surfais. Je voyageais. Mon meilleur ami habite là. Il est architecte. »

Le douanier a ensuite vu les tampons de Singapour et de la Malaisie. « Qu’est-ce que tu faisais là ? Singapour et la Malaisie, ce sont des pays musulmans, non ? »

Gerson Lohman a répondu que la Malaisie était un pays musulman, mais pas Singapour. « En fait, je suis surtout allé à Singapour pour la nourriture. »

Ensuite, six agents ont ouvert ses sacs et ont consulté ses deux téléphones, son iPad, son ordinateur portable et son appareil photo.

« Dans mon portefeuille, ils ont trouvé une carte mémoire d’appareil photo que j’avais oubliée là. Ils n’ont pas eu l’air d’aimer ça. »

Les agents ont ensuite fait descendre Gerson Lohman du train, et l’ont fait monter avec ses bagages à bord d’une camionnette blanche. Au poste, il a été fouillé « au complet, comme dans les films ». Les agents ont parcouru ses photos dans son ordinateur portable et les textos dans ses téléphones, lui demandant ses mots de passe pour avoir accès à l’information. Ils ont pris ses empreintes digitales et ont monté une liste de toutes les personnes avec qui il a été en contact au cours des derniers mois.

« J’avais tous les documents qu’il fallait. J’avais mon billet de retour. J’aime passer à la douane, alors je m’étais préparé », dit-il.

Une expérience « humiliante »

Après une fouille de plus de cinq heures, le verdict est tombé.

« Nous avons l’impression que tu as plus de liens avec des pays avec lesquels nous ne sommes pas en aussi bons termes qu’avec ton pays d’origine, a lancé un agent. Nous avons décidé de te raccompagner à la frontière canadienne. »

L’expérience a été longue, épuisante et « étrangement humiliante », dit-il. « Je me sentais comme un moins que rien. J’étais sous le choc et j’étais surtout triste de ne pas pouvoir faire le voyage que j’avais préparé. »

Au poste frontalier canadien, la douanière l’a accueilli avec un sourire. « Elle a estampillé mon passeport et m’a même donné un café et une cigarette. Elle m’a fourni un billet d’autobus pour Montréal. J’ai eu l’impression que je n’étais pas le premier à qui ça arrivait. »

Selon Richard Misztal, responsable des communications pour la douane de Champlain, dans l’État de New York, plusieurs circonstances peuvent mener à un refus d’admission – une situation « courante » dont il ne pouvait pas immédiatement donner les statistiques.

« Il peut y avoir un document qui manque, une preuve de billet de départ, etc. Ce n’est pas exceptionnel qu’une personne soit renvoyée au Canada. Et ça arrive dans les deux sens, le Canada refuse des gens aussi. »

« La vie est trop courte »

À la demande d’un ami, Gerson Lohman a écrit le récit de son expérience en néerlandais. Diffusée sur un site aux Pays-Bas, son histoire a provoqué tellement d’attention que les serveurs ont flanché par deux fois. Il a ensuite traduit le récit en anglais. Facebook et Twitter l’ont popularisé. Le site américain The Huffington Post l’a contacté pour le diffuser, et Michael Moore a fait le reste.

Depuis une semaine, Gerson Lohman reçoit des centaines de courriels. « Des gens me décrivent leur histoire d’horreur avec la douane américaine. Si vous avez la peau foncée ou un nom étranger, c’est pire. Des gens m’ont dit que j’aurais dû voyager avec un passeport neuf. C’est peut-être vrai, mais mon passeport était valide et je ne m’étais pas posé la question. »

La majorité des gens qui lui écrivent sont des Américains, qui s’excusent du fait que les douaniers lui ont bloqué l’accès au pays.

« J’ai reçu des courriels en provenance de presque tous les États américains. Dans 99 % des cas, les gens sont gentils, et m’invitent à visiter leur région. Je suis invité dans tous les festivals et les foires agricoles imaginables. À peine 1 % des gens qui m’écrivent disent “Bon débarras”. »

M. Misztal, de la douane américaine, ne peut faire de commentaires sur ce qui s’est passé dans le cas précis de Gerson Lohman. Mais il tient à dire qu’un refus ne signifie pas qu’une personne aura du mal à entrer aux États-Unis à l’avenir.

« C’est administratif, ce n’est pas criminel. Les gens peuvent toujours revenir. Ça fait partie de notre travail. »

Pour Niels Gerson Lohman, le choix est fait. « La vie est trop courte pour que je risque de vivre cette expérience à nouveau. Le monde est trop vaste. Je vais voyager ailleurs. »

Les réactions de quelques Américains à cette histoire

Pas tous des idiots

C’est le titre de votre article qui a piqué ma curiosité. Vous dites que vous ne reviendrez jamais aux États-Unis. Je suis un officier de l’armée à la retraite, un conservateur pur et dur et un républicain. J’ai été outré par le traitement que vous avez reçu à la frontière américaine ! Si j’étais dans vos souliers, je ne voudrais certainement pas y retourner. S’il vous plaît, n’oubliez pas que tous les citoyens américains ne sont pas des idiots comme cela.

Les réactions de quelques Américains à cette histoire

J’ai bien aimé votre récit

J’habite l’État de New York depuis 40 ans. En 2009, je suis allé en Ontario. Quand je suis retourné chez moi, j’ai reçu le même traitement que vous à la frontière américaine. Un jeune douanier s’est mis à terroriser mon ami, un shérif à la retraite. La façon dont il lui parlait était incroyable. Mon ami avait les yeux gros comme des soucoupes. Il avait travaillé dans la police toute sa vie, mais n’avait jamais vu quelqu’un parler aux gens de cette façon. J’ai crié au douanier de nous arrêter ou de fermer sa gueule, de fouiller le camion d’un pare-chocs à l’autre s’il le voulait, de me faire une fouille à nu, mais je voulais qu’il me donne le nom de son superviseur, et je le voulais MAINTENANT ! Il m’a redonné mes documents et a tenté de s’excuser. Je lui ai dit de se la fermer et de se trouver une vie. J’ai bien aimé votre récit.

Les réactions de quelques Américains à cette histoire

Je vous offre une bière

J’ai vu votre histoire sur le Huffington Post. En tant qu’Américain, je suis désolé pour ce qui vous est arrivé. Je veux m’excuser pour le traitement inacceptable que vous avez reçu de la part d’agents frontaliers ignorants et mal entraînés. J’espère que vous changerez d’idée et déciderez de revenir nous visiter. Si vous venez à New York, je vous offre une bière.

Les réactions de quelques Américains à cette histoire

Vous êtes un idiot

J’ai lu votre article. Quelle est la traduction en hollandais pour l’expression « petit bébé pleurnichard » ? C’est ce que vous êtes. Vous êtes un idiot. S’il vous plaît, ne venez plus jamais aux États-Unis, nous avons déjà assez d’idiots ici.

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