MÉDIAS TUERIE DE MONCTON

ICI RDI a failli à sa mission

Au lendemain de la fusillade de Moncton qui a fait trois morts le 4 juin dernier, les critiques ont été nombreuses à l’endroit d’ICI RDI. Ce soir-là, le Réseau de l’information a poursuivi sa programmation habituelle comme si de rien n’était.

Les faits criaient pourtant « émission spéciale » : une fusillade, la mort de trois agents de la GRC, un tireur en liberté et des forces policières qui souhaitaient s’adresser régulièrement à la population.

Comme l’a écrit un des auditeurs qui s’est plaint à la société d’État : « Je suis à Moncton, ce soir, et je n’ai pas réussi à avoir une seule information en français sur les mesures à prendre pour se protéger de ce tireur. […] Si la même situation s’était produite à Montréal, je suis sûr que toutes les émissions francophones au niveau national auraient été suspendues pour une couverture spéciale. »

Le bureau de l’ombudsman de Radio-Canada, Pierre Tourangeau, a reçu environ 70 plaintes du même ordre. Il a rendu sa décision mardi dernier, décision dans laquelle il remonte le fil des événements ce soir-là.

À la lecture du document, on peut se demander s’il y avait un pilote dans l’avion à ICI RDI, le 4 juin. L’ombudsman parle d’un véritable cafouillage : un secrétaire de rédaction qui se contente d’envoyer un courriel, ses supérieurs qui ne réagissent pas, des responsables de la salle de nouvelles amorphes. On ne peut que constater un sérieux manque de leadership.

Cela est d’autant plus surprenant que le directeur de l’information, Michel Cormier, est lui-même originaire du Nouveau-Brunswick et qu’il a dirigé Radio-Canada Acadie en 2011. On aurait pu s’attendre à une sensibilité particulière de sa part pour un événement qui se déroulait dans la presque capitale de l’Acadie. Ce ne fut pas le cas. Pierre Tourangeau, lui, est formel.

« Dans ce cas particulier, plusieurs éléments me permettent de conclure qu’ICI RDI, ce soir-là, a mal servi l’intérêt public, surtout celui de la population de Moncton. »

— Pierre Tourangeau, ombudsman de Radio-Canada

Il poursuit : « Les citoyens ont dû se tourner vers les télévisions anglophones et les médias sociaux pour s’informer du déroulement des événements et des directives données par les autorités. »

ICI RDI a également failli à sa mission, selon M. Tourangeau, qui est de « refléter la diversité », puisque les informations livrées dans la soirée du 4 juin et la nuit qui a suivi étaient loin d’être « pertinentes aux yeux des citoyens » de Moncton.

Enfin, ICI RDI a également enfreint la valeur d’exactitude, car il n’a pas déployé « les efforts nécessaires pour recueillir les faits, les comprendre et les expliquer clairement à [son] auditoire ».

La directrice d’ICI RDI, Paule Genest, a quant à elle reconnu qu’elle aurait dû « à un certain moment décréter une émission spéciale ce soir-là ».

PLUS DE TRANSPARENCE

L’ombudsman de Radio-Canada a également publié son rapport annuel la semaine dernière. Dans ce document de 69 pages, Pierre Tourangeau note qu’en l’espace de 14 ans, le nombre de plaintes traitées chaque année par son bureau est passé de 241 à 1266.

Si le rapport précédent était monopolisé par le printemps érable, celui-ci aborde surtout la Charte et les élections. Mais c’est au chapitre de la transparence que les propos de Pierre Tourangeau sont les plus percutants.

Il écrit : « L’an dernier, je m’étais permis d’insister longuement dans mon rapport annuel sur la nécessité de faire preuve de plus de transparence dans l’admission des erreurs et la diffusion des mises au point, et de s’ouvrir à la discussion avec l’auditoire sur notre pratique journalistique. À mon avis, il s’agit non seulement d’une attitude saine pour un média public que ses propres règles incitent à la plus grande ouverture, mais d’un devoir quand on se donne comme mission première de servir l’intérêt public tout en ayant, en vertu de la liberté de presse, le privilège exclusif de le définir soi-même.

« J’ai souligné à cet égard des carences évidentes et formulé des recommandations précises. On ne peut pas dire qu’elles furent reçues avec un grand enthousiasme par la direction de l’Information qui les a peu ou pas suivies. » Est-ce que la gaffe de Moncton changera les façons de faire ? Est-ce que le contexte de compressions la forcera à être plus à l’écoute des commentaires de l’auditoire ? C’est à suivre.

RENVOI DU MORNING-MAN DE RADIO X

La radio parlée devait brasser la cage, mais jusqu’ici, c’est plutôt à l’interne que ça brasse. Après Stéphane Gendron, au tour de l’animateur de l’émission du matin, Carl Monette, de se faire montrer la porte. Parmi les « animateurs-vedettes » de la chaîne, il ne reste qu’Éric Duhaime, mais pour combien de temps encore ?

TALK-SHOW POUR NETFLIX

Comment une chaîne sans horaire peut-elle programmer un talk-show de fin de soirée ? C’est la question qu’on peut se poser dans la foulée de l’annonce de Netflix, qui programmera une émission de style Late Night avec Chelsea Handler, animatrice-vedette à E !, aux commandes. On pourra regarder l’émission à l’heure qui nous convient, mais pas en rafale, comme on le fait avec House of Cards. Début prévu : hiver 2016.

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