GRAND DOSSIER LE QUÉBEC MÉCONNU

Brassin de famille

FRAMPTON — On ne passe pas par le petit village de Frampton par hasard. Il faut s’éloigner de la Chaudière, emprunter une route de campagne qui serpente entre paysages forestiers et agricoles. Une fois qu’on y est, on se félicite d’avoir fait le chemin. Le paysage est magnifique, comme il l’est souvent en Beauce.

Malgré la beauté évidente du paysage, Justine Boucher a eu un doute lorsqu’elle a décidé d’installer un gîte – son rêve –  sur la terre agricole qu’elle et son mari avaient acquise quelques années auparavant.

« Je dois être bizarre. Je me disais : qui va venir coucher dans le rang 5 et 6 à Frampton ? », dit l’ancienne enseignante. Les touristes sont venus, souvent des gens de la ville qui n’ont pas l’occasion de s’évader dans la vraie campagne.

Les visiteurs ont aujourd’hui une autre occasion d’aller sur la terre des Boucher-Poulin à Frampton. « C’était presque péché d’avoir une terre et qu’il ne s’y passe rien. On se disait que ce n’était pas correct de ne rien faire. »

LA NAISSANCE D’UNE BRASSERIE

On ne passe pas par Frampton par hasard, mais dans ce cas-ci, il a bien fait les choses. Gilbert, le fils du couple, s’était découvert un goût pour la bière et avait demandé un kit de brassage pour Noël. Il avait 16 ans. « On va passer pour de mauvais parents, mais il s’est vraiment intéressé au goût dès le début », dit sa mère à la rigolade.

Les fins de semaine, le garçon s’installait dans le garage attenant à la maison pour brasser et améliorer ses recettes. « Je le voyais aller, de 7 heures du matin à 6 heures du soir. Je me disais : il va se tanner vite », se souvient Paul Poulin.

Malgré les températures glaciales dans le garage en hiver, Gilbert ne se tannait pas. « Quand quelqu’un a une passion, il n’a pas de limites. On s’est dit : tant qu’à faire, allons-y à fond », dit Justine Boucher.

Gilbert est devenu maître brasseur en allant perfectionner ses techniques en Allemagne. Lorsque Frampton Brasse a ouvert ses portes en 2011, elle est non seulement devenue la première microbrasserie beauceronne, mais elle est également devenue la troisième ferme brassicole au Québec, puisque l’orge et le houblon utilisés dans le brassage poussent sur les terres avoisinantes.

Nul n’est prophète en son pays :  découvertes en premier par les amateurs de Québec et Montréal, les bières de Frampton Brasse se fraient tranquillement un chemin en Beauce. « En fait de bière, la Beauce est encore conservatrice, beaucoup de produits de grandes brasseries sont encore très présents. Mais on est une brasserie régionale, on veut servir la région. C’est ça notre but », dit Paul Poulin, qui note que les choses ont commencé à changer.

Trois ans après son ouverture, la microbrasserie produit sept bières. Gilbert conçoit les recettes, Justine s’occupe du marketing et Paul, PDG de la brasserie, est aussi « l’homme à tout faire ». La plus jeune de la famille, Virginie, travaille l’été au salon de dégustation.

La passion de Gilbert s’est transformée en entreprise familiale. Les Poulin-Boucher sont-ils les parents rêvés ?

« Il y en a beaucoup qui disent à Gilbert qu’il est chanceux d’avoir des parents comme nous. Je pense qu’il le réalise », dit Justine.

« On travaille fort, mais on le fait pour lui, pour notre fille. C’est pour la relève. On ne fait pas ça pour nous autres », concluent presque d’une seule voix les parents.

Frampton Brasse

430, 5e Rang, Frampton

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