OPINION

Le hockey
et le « nous »

Ces jours-là ne sont pas comme les autres. Dès l’aurore, une fébrilité s’installe timidement, alors que les esprits se réveillent. La journée au travail s’amorce ensuite avec un brin de légèreté plutôt inhabituel à un matin de semaine. Pour certains, même, le café a meilleur goût. Ces jours-là, l’envie prend à plusieurs de dire bonjour et merci, sans retenue, à tous, au voisin d’en face, au chauffeur de taxi, à la dame dans l’ascenseur.

Les premiers chandails font leur apparition vers l’heure du lunch, et l’effet recherché est atteint à tout coup : à la vision du bleu blanc rouge, rares sont ceux qui n’esquissent un sourire en coin. Un petit salut de la tête et l’échange d’idées est accompli (nous vaincrons). Une complicité qui s’exprime sans mots.

Si l’après-midi est chargé, l’efficacité est le mot d’ordre. Puisqu’il faut avoir quitté, ou s’être libéré, au plus tard à l’approche du souper. Vers les six heures, la douce fébrilité du matin, attisée au fil des heures du jour, fait place à l’agitation. La sortie du travail se fait le cœur léger. La question fuse alors de tous côtés, dans l’autobus, au téléphone avec grand-père, par message texte à l’amie de longue date : « Où comptes-tu le regarder ? » (Telle question ne se formule généralement pas par « est-ce que », et ce « le » n’a guère besoin de plus formelle introduction.)

Ces jours-là, quand l’hymne national se fait finalement entendre, un silence solennel gagne la ville. Pendant quelques instants, les espoirs sont exacerbés et les souffles, coupés. Quand la rondelle gagne la glace, l’agitation atteint son comble et perdure, jusqu’à l’euphorie accompagnant une victoire des Glorieux.

Ces jours de hockey sont rassembleurs. Un lien fort se tisse naturellement entre des gens de tous âges, tous milieux et toutes origines. La division cède place à l’union. Dans les foyers, familles et amis se réunissent. Les partisans tremblent et s’exaltent au même rythme que leurs idoles. Les cris (de joie ou de désespoir, c’est selon) résonnent dans les restaurants, les rues, les universités.

Les klaxons retentissent alors que le commentateur radio rapporte les prouesses de la Sainte-Flanelle. Les cierges s’allument. Les autobus de la STM affichent fièrement leurs couleurs. Les réseaux sociaux sont pris d’assaut, et après un but tant espéré, quelques points d’exclamation transmis par le clavier d’un téléphone suffisent à susciter l’engouement d’un large auditoire. C’est l’effet olympique, mais d’année en année à l’arrivée de l’été.

Le hockey nous divertit. Mais aussi, et surtout, le hockey nous rappelle l’idée du « nous ».

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