Emploi

Il a beaucoup été question de l’immigration durant la campagne électorale jusqu’à présent. Mais les nouveaux arrivants ont une place importante sur le marché du travail.

Chronique

La mine d’or de l’immigration

Trop d’immigrants ? Ne dites surtout pas cela à Michel Goulet, qui passe sa vie à recruter des travailleurs à l’étranger pour Montréal International. De sa perspective, les immigrants sont une denrée rare que les entreprises s’arrachent.

Il se souvient d’une récente mission avec des entreprises du secteur aéronautique. Alors qu’il s’inquiétait du fait qu’un employeur n’avait déniché qu’un seul travailleur, celui-ci l’avait tout de suite rassuré : « Ça fait un an et demi que je cherche cette personne-là au Québec. J’avais embauché un chasseur de têtes. Ça n’avait rien donné. Je viens ici et je trouve ! Cette embauche-là vaut de l’or », s’était exclamé l’employeur.

Pourtant, l’immigration a mauvaise presse en cette campagne électorale. La Coalition avenir Québec (CAQ) veut réduire de 20 % le nombre d’immigrants accueillis chaque année. Le Parti québécois (PQ) a l’intention de confier à la vérificatrice générale du Québec le soin de déterminer le niveau d’immigration optimal, alors que le Parti libéral (PLQ) est le seul à vouloir laisser les seuils inchangés.

Le débat persiste. Émotif, comme toujours. Avec son lot de cafouillages. L’immigration pourrait bien être la question de l’urne, le sujet décisif à l’occasion du scrutin du 1er octobre.

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Je comprends que certains se préoccupent de la saine intégration des immigrants. Mais l’impact positif des nouveaux arrivants sur notre économie mérite d’être souligné à gros traits. Avec la pénurie de main-d’œuvre, il faut reconnaître que les travailleurs étrangers sont une véritable mine d’or.

Selon le Conseil du patronat du Québec, 70 % des entreprises éprouvent des difficultés de recrutement, ce qui en fait l’enjeu numéro un des employeurs.

D’ici 10 ans, le Québec aura un million et demi de postes à pourvoir. Et le quart de ces emplois devront être pourvus par des travailleurs étrangers.

Autrement dit, il nous faut des bras. Et des cerveaux.

Déjà, le nombre d’immigrants a grimpé au Québec, passant de moins de 30 000 par an à la fin des années 90 à plus de 50 000 aujourd’hui. Cela s’explique par une hausse substantielle de travailleurs qualifiés. Car on ne le réalise pas toujours, mais l’immigration économique représente près de 60 % de l’ensemble de l’immigration au Québec.

Depuis deux ans, le resserrement du marché du travail facilite considérablement l’intégration des immigrants, selon une étude diffusée aujourd’hui par l’Institut du Québec. Ainsi, le taux de chômage des immigrants permanents a fondu de 8,7 % en 2017 à 6,0 % en août dernier.

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Par ailleurs, la province accueille de plus en plus d’immigrants temporaires. En fait, leur nombre a bondi de 40 % en cinq ans, soit de 70 000 en 2011 à près de 100 000 en 2016.

Ce bond s’explique surtout par l’augmentation des étudiants étrangers qui sont aujourd’hui plus de 55 000 à fréquenter les universités du Québec.

Mais il y a aussi près de 45 000 travailleurs étrangers temporaires qui sont installés chez nous en vertu de programmes spéciaux. Et il ne s’agit pas que des travailleurs saisonniers qui s’échinent dans les champs.

Montréal International fait des pieds et des mains pour attirer des travailleurs spécialisés dont le salaire moyen atteint 76 000 $.

La semaine dernière, l’organisme était en mission à Mexico avec huit entreprises du domaine des effets visuels, des jeux vidéo et de l’animation. Bientôt, ce sera Toulouse pour l’aéronautique, Londres pour l’intelligence artificielle et Paris avec 53 entreprises de secteurs variés.

« Les places se sont envolées très vite. Il y a trois ans, on partait avec seulement une quinzaine d’entreprises », raconte Michel Goulet.

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Mais ce n’est pas tout d’attirer des immigrants. Encore faut-il les retenir. Quand on regarde le taux de rétention des immigrants, le Québec a fait des pas de géant depuis 15 ans.

Actuellement, la province retient cinq immigrants sur six après une période de cinq ans. Mais on pourrait faire mieux. Si le Québec gardait ses immigrants autant que l’Ontario, il y aurait 2500 immigrants de plus annuellement, calcule l’Institut du Québec.

Québec pourrait commencer par encourager les immigrants temporaires à s’installer pour de bon dans la province.

Les travailleurs spécialisés ont déjà un emploi, la clé de voûte de l’intégration. Pour les convaincre de rester, il faut souvent séduire le reste de la famille et aider les conjoints à se trouver du boulot, comme le fait Montréal International avec un programme de coaching.

L’organisme encourage aussi les étudiants étrangers à s’établir au Québec.

Les étudiants étrangers qui ont fait leurs études ici n’ont pas de problème de reconnaissance de diplôme. « Ils sont ici depuis trois ou quatre ans. Ils connaissent la ville, ils ont des amis. L’intégration à la société est très facile », indique M. Goulet.

Bref, ce sont des candidats de choix. Le lancement du programme « Je choisis Montréal » à l’automne 2016 a déjà permis de doubler le nombre d’étudiants qui sont restés au Québec. Parfait.

Quoi d’autre ? Que peut-on faire de plus pour aider les immigrants à s’intégrer ?

Offrir plus de stages pour leur permettre d’obtenir une première expérience sur le marché du travail. Vaincre le protectionnisme des ordres professionnels. Lutter contre le racisme latent qui fait que le CV d’un Mustafa est systématiquement rejeté.

Bref, trouver des façons d’aplanir les obstacles au lieu d’imposer des quotas plus serrés.

Immigration

Employeurs recherchent demandeurs d’asile

Selon un récent sondage Ipsos-La Presse, près d’un Québécois sur deux pense qu’il y a trop d’immigrants au Québec. Ce n’est pas l’avis de plusieurs employeurs, qui voient dans la récente vague de demandeurs d’asile un cadeau du ciel.

Monica Anyia a le sourire aux lèvres. En moins de 30 minutes, la réfugiée nigériane a rencontré une demi-douzaine d’employeurs de l’ouest de Montréal qui cherchent désespérément des travailleurs à embaucher.

Les entrevues éclair ont lieu dans les bureaux de Pointe-Claire de PME-MTL. L’organisation, qui vient en aide aux entreprises du secteur, a eu l’idée d’organiser une foire d’emplois pour les demandeurs d’asile après avoir remarqué que plusieurs CV d’hommes et de femmes originaires du Nigeria atterrissaient sur ses bureaux. La plupart sont arrivés au Canada à partir des États-Unis dans la dernière année, en empruntant le chemin Roxham pour entrer au pays.

Au même moment, des entreprises dans les domaines de la fabrication, de l’entreposage et de la production alimentaire se plaignaient d’avoir de la difficulté à recruter des employés et souffraient de la pénurie de main-d’œuvre.

« En cinq secondes, on a eu l’idée d’organiser un événement. En cinq heures, on avait rempli toutes les tables que nous avions pour les employeurs. Nous avons reçu 40 CV », dit Terry Pampena, conseillère en gestion de carrière à PME-MTL. « Il y a des besoins, il y a une occasion. Il nous restait à faire la connexion  », ajoute sa collègue Andrea Lane.

Chaussure à son pied

Et le courant semble passer. Monica Anyia, à qui le Canada a accordé sa protection en août, a eu le coup de foudre pour un poste de nuit dans une usine qui fabrique du polystyrène expansé.

« Je ne dors pas la nuit, c’est donc idéal pour moi », dit-elle, tout en brandissant la carte professionnelle de l’entreprise. Elle a déjà rendez-vous pour une deuxième rencontre dans l’usine de Pointe-Claire. Elle jubile.

Les employeurs sont eux aussi enthousiastes après la première heure de la foire d’emplois. « Aujourd’hui, on a vu au moins deux candidats vraiment intéressants », dit Christian Séguin, chef d’usine de Légerlight. Son entreprise cherche à pourvoir près de 10 % de ses 80 postes.

« La rareté des employés se fait vraiment sentir. On a dû augmenter les salaires au-dessus du salaire minimum pour recruter. »

— Christian Séguin

Il a aussi eu affaire à des agences fournissant des employés d’appoint, mais la facture est salée, dit-il. Il n’a pas toujours eu des expériences heureuses dans le passé lorsqu’il a tenté d’embaucher de nouveaux arrivants – « certains ne se pointent jamais au rendez-vous qu’on leur donne ou restent seulement quelques jours » –, mais il note que ceux qui persistent finissent par grimper les échelons.

Pénurie

Selon une nouvelle étude de la Banque de développement du Canada (BDC), publiée le 5 septembre, 37 % des PME du Québec sont actuellement à la recherche de nouveaux employés. La pénurie de main-d’œuvre, plus évidente depuis deux ans partout au pays, les inquiète : un manque d’employés cause une chute de la productivité et peut même mener à la fermeture d’entreprises.

La BDC recommande aux employeurs de se tourner vers des segments sous-utilisés de la main-d’œuvre : les jeunes retraités, les autochtones et les immigrants en font tous partie. Les deux derniers groupes ont un taux de chômage deux fois supérieur à celui du reste de la population, selon Statistique Canada. Au sein d’une population en plein emploi, ils représentent un rare espoir.

Cependant, la BDC a noté avec surprise que la plupart des employeurs canadiens ne sont pas aussi ouverts à l’idée d’embaucher des nouveaux arrivants que ceux de l’Ouest-de-l’Île. Selon son sondage, seulement 18 % des employeurs canadiens considèrent que le recrutement d’immigrants constitue une solution viable à la pénurie, un constat qui a choqué les experts de la BDC.

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