Enlèvement du président de Cora

Pourquoi le 9-1-1 a été incapable de localiser le président de Cora

Le service 9-1-1 a peut-être connu des ratés lorsque le président de la chaîne de restaurants Cora, Nicholas Tsouflidis, l’a appelé pour dire qu’il venait d’être enlevé. Mais même si l’appel a duré plus de 20 minutes, il n’est pas nécessairement facile de suivre et de repérer un téléphone cellulaire dans le secteur où a eu lieu la séquestration.

D’un service de police à l’autre

Alors qu’il était confiné dans le coffre arrière d’une berline bleue, possiblement de marque Volvo, Nicholas Tsouflidis a appelé le 9-1-1. L’appel a automatiquement été transféré au service de police de Mirabel, où a eu lieu l’enlèvement. Mais pour une raison inexpliquée, l’appel a par la suite été transmis à un autre service de police de la région, selon une source. Cette confusion, qui aurait contribué à retarder les recherches, pourrait s’expliquer par le fait que Mirabel possède sa propre centrale d’appel 9-1-1, mais que certains secteurs situés au nord-ouest sont limitrophes avec la MRC d’Argenteuil, qui administre elle aussi sa propre centrale. « Dans la région nord, il y a plusieurs zones d’enchevêtrement. Il n’est pas impossible que le téléphone ait changé de territoire en cours d’appel », indique une personne bien au courant du fonctionnement du système d’urgence 9-1-1.

Mauvais repérage GPS en milieu rural

Comme c’est le cas pour la majorité des appels faits au Canada avec un téléphone mobile, les répondants du 9-1-1 ont été capables de connaître la position approximative de M. Tsouflidis en triangulant la position de son téléphone grâce aux antennes cellulaires. La précision est cependant beaucoup plus faible en milieu rural, comme celui où a eu lieu l’enlèvement, puisque les antennes y sont moins nombreuses. « L’objectif réaliste, en milieu rural, c’est d’avoir 500 mètres de précision », indique Bill Elliott, spécialiste de la sécurité téléphonique à l’Association nationale des numéros d’urgence. Les écarts plus importants ne sont cependant pas rares. « Dans plus de 20 % des appels ruraux, l’incertitude ou l’imprécision transmise au centre d’urgence dépasse 1000 mètres », a écrit le coroner Gilles Saindon, dans un rapport publié en 2013 après la mort d’un homme à Potton, dans les Cantons-de-l’Est. Dans ce cas précis, l’imprécision de la triangulation effectuée par le 9-1-1 était de plus de 5 kilomètres.

Encore pire Dans le coffre d’une voiture

Le fait que M. Tsouflidis se trouvait dans le coffre d’une berline a pu jouer un rôle aggravant qui a considérablement miné la précision du positionnement, croit Bill Elliott. « Le mécanisme de triangulation fonctionne en calculant la distance à laquelle l’appareil se trouve des antennes en comptant des microsecondes. S’il y a une structure de métal qui fait rebondir les ondes radio, ça peut avoir un impact très important », dit-il.

Voiture en mouvement 

En plus de la mauvaise précision du positionnement par triangulation, les services de secours ont dû composer avec le fait que la voiture des ravisseurs était probablement en mouvement. Puisque le système de triangulation du 9-1-1 permet seulement de mettre à jour la position environ une fois par minute, il est impossible de s’en servir pour suivre un déplacement. Les policiers ont donc dû ratisser à tâtons un territoire d’environ 20 kilomètres carrés, délimité par l’autoroute 440 au nord, l’autoroute 13 à l’est, le boulevard Samson au sud et la rue Principale à l’ouest. « L’activation du système de repérage peut drainer la batterie du téléphone de la personne en détresse. Ça peut représenter un problème supplémentaire quand on cherche une personne », indique une source.

Technologie vieille de 40 ans

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) étudie actuellement la possibilité de moderniser la technologie utilisée par les centrales 9-1-1 du pays. « C’est un système qui a été créé il y a plus de 40 ans, à une époque où les téléphones fixes étaient la norme », rappelle Bill Elliott. La nouvelle technologie, appelée NG911 (Next Generation 911), permettrait aux téléphones portables d’envoyer une position beaucoup plus précise aux centrales, en se servant entre autres de la puce GPS de chaque appareil. « Il n’y a aucune limite technologique qui empêche d’avoir un meilleur système de localisation. C’est vraiment une question de politiques publiques et d’argent. Changer de système coûterait plusieurs millions de dollars », affirme M. Elliott.

Demande de rançon à la famille

Selon nos sources, c’est à la famille de M. Tsouflidis et non pas au PDG des restaurants Cora lui-même que ses ravisseurs ont demandé une rançon, ce qui expliquerait la confusion au sujet du mobile du crime qui a existé durant les 24 heures qui ont suivi l’enlèvement. On ignore le montant de la rançon demandée, mais celle-ci n’aurait pas été versée. La police a toutes les raisons de croire que la victime a bel et bien été enlevée et que les ravisseurs étaient au moins deux. Il semble également que M. Tsouflidis ne soit pas resté dans la voiture durant les huit heures de sa séquestration. Il a été retrouvé à environ 16 kilomètres de chez lui, ce qui est relativement proche. On ne sait pas s’il a conservé son téléphone cellulaire jusqu’à ce qu’il soit retrouvé.

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