Le cas Max Pacioretty

Aucun joueur du Tricolore n’alimente autant les discussions que Max Pacioretty par les temps qui courent. Restera-t-il le capitaine de l’équipe ? Doit-on lui offrir un nouveau contrat ? Ou l’échanger ? Et quand ? Tentatives de réponses.

OUI

Pas besoin d’une autre controverse

On va se le dire, enlever le C du capitaine à quelqu’un, peu importe la ligue, c’est rarement une bonne idée. Ça peut provoquer des conflits. Du ressentiment.

Ça peut virer à la chicane, comme à San Jose il y a trois ans, quand les Sharks avaient déchiré le C du chandail de Joe Thornton. Peu après, Jumbo Joe avait suggéré au directeur général Doug Wilson, qui passait beaucoup de temps à justifier cette décision sur la place publique, de se la fermer.

Pensez-vous que le Canadien, déjà en position précaire, a besoin de ce genre de grenouillage ?

Non.

Alors le C doit rester là où il se trouve en cet instant précis : sur la poitrine de Max Pacioretty.

C’est pour le bien de l’équipe, à court terme, en tout cas. Si jamais Pacioretty est échangé d’ici à la date limite des transactions, le C ira sur un autre chandail, bien sûr, mais en attendant, le Canadien ferait mieux de ne pas créer une autre controverse inutile.

Pour tout dire, le Canadien ferait mieux de se réconcilier avec son capitaine devant tout le monde, et puis ça tombe bien, puisque le tournoi de golf de Pacioretty aura lieu dans moins d’une semaine.

C’est déjà entendu, tout le monde sera là – Geoff Molson, Marc Bergevin, Claude Julien, jusqu’aux préposés du vestiaire. L’occasion sera idéale pour les franches poignées de main, pour les tapes dans le dos, pour les messages d’unité avec grands sourires en prime. Le moment sera idéal pour souligner à quel point Pacioretty est un membre important de l’organisation.

Tant qu’à y être, pourquoi ne pas en profiter pour y annoncer une prolongation de contrat et jeter tout le monde par terre ? Il sera toujours possible de l’échanger plus tard avec son consentement. Ce qu’il y a de pire pour une équipe fragile comme celle-ci, ce sont les distractions. Un capitaine qui amorce une saison sans un nouveau contrat, c’est une source de distraction. Une très grosse source de distraction, surtout par ici.

Avec tout ça, qui sait ? Pacioretty, un joueur sensible qui prend les choses très à cœur – parfois trop –, serait sans doute galvanisé par un immense appui public de la part de ses patrons. Un Pacioretty dans de telles dispositions serait très bien capable de redevenir le marqueur de presque 40 buts que l’on a déjà connu, tout en faisant oublier le marqueur de 17 buts que l’on a connu la saison dernière.

Et puis, ne sous-estimons pas son importance dans ce vestiaire. Le 67 en mène large, autant que le gardien. S’il amorce la saison en étant insatisfait de son sort, c’est tout le reste du club qui va en souffrir. Marc Bergevin lui-même n’a-t-il pas expliqué qu’il y avait trop de mécontentement dans ce groupe la saison dernière ?

Alors qu’on lui laisse le C. De toute façon, le Canadien a des problèmes pas mal plus urgents à régler.

NON

Il faut changer la culture dès maintenant

Le Canadien a une « patate chaude » dans les mains.

Le rôle d’un capitaine transcende les performances sur la glace. Il sert de courroie de transmission entre les joueurs et la direction. Il doit entraîner ses coéquipiers dans son sillage en usant de son leadership et il est le porte-parole principal de l’organisation.

Or, non seulement le lien entre Max Pacioretty et le directeur général Marc Bergevin semble fragile (on a fait état d’une prise de bec entre les deux hommes dans l’avion l’hiver dernier), mais on cherche activement à l’échanger depuis au moins huit mois.

Une première tentative aurait avorté à la date limite des échanges entre les Penguins de Pittsburgh et le Canadien. Une deuxième lors du week-end du repêchage en juin, lorsque Pacioretty a refusé une prolongation de contrat des Kings de Los Angeles.

Dans les circonstances, on voit mal comment cet attaquant de 29 ans peut remplir la première des trois conditions de ses tâches principales.

Son leadership a parfois été remis en question. À l’observer depuis quelques années sur la patinoire, on a relevé certaines carences à ce chapitre.

Est-il toujours prêt à se sacrifier pour la cause de l’équipe ? Prêt à se rompre les os pour récupérer une rondelle dans les coins ? Est-il un rassembleur ?

Difficile pour un seul joueur de sauver un club. Par contre, un leader doit mener par l’exemple. Quand un capitaine ralentit dans le coin pour laisser la recrue récupérer une rondelle libre à sa place, les coéquipiers le notent. Quand un capitaine joue en périphérie depuis deux ans, les coéquipiers le notent.

Saku Koivu avait bien des défauts. Mais pas celui-là. Brian Gionta non plus. Encore moins, évidemment, Guy Carbonneau, Bob Gainey et les autres grands.

Le Canadien aura une équipe très jeune cette année. Il faut changer la culture dès maintenant. Le CH doit avoir un capitaine qui inspirera ces jeunes, pas un capitaine amer et à couteaux tirés avec la direction.

L’équipe ne parvient pas à l’échanger ? Soit. Le garder ne constituerait pas un drame. Pacioretty demeure l’un des meilleurs buteurs de la LNH lorsqu’il est dans de bonnes dispositions. Le soustraire à une responsabilité lourde sur ses épaules lui permettrait peut-être en outre de retrouver l’élan des beaux jours.

Inutile d’échanger Pacioretty si on n’obtient pas des éléments intéressants en retour. Mieux vaut vivre avec et tirer le maximum de ses qualités premières.

Mais ne le laissons pas dans une position où il pourrait contribuer à alourdir l’atmosphère. Laissons-le suivre la trace de ses coéquipiers, pas la marquer.

Il ne serait pas le seul capitaine à perdre son titre tout en demeurant avec le club. Joe Thornton et Patrick Marleau l’ont vécu à San Jose et ils ont connu de belles années par la suite. Les Sharks ont atteint la finale de la Coupe Stanley pour la première fois de leur histoire un an après la rétrogradation de Thornton.

Dustin Brown a cédé son titre il y a un an chez les Kings. Il vient de connaître sa meilleure saison offensive en carrière.

Il y en a eu plusieurs autres. Il ne s’agirait pas ici d’une première ni d’une décision scandaleuse, mais au contraire d’un geste essentiel.

Des capitaines qui ont perdu leur titre

Joe Sakic, Québec, 1991

Remplaçant : Mike Hough

Brett Hull, St. Louis, 1995

Remplaçant : Shayne Corson

Shayne Corson, St. Louis, 1996

Remplaçant : Wayne Gretzky

Scott Mellanby, Floride, 1997

Remplaçant : Pavel Bure

Theoren Fleury, Calgary, 1997

Remplaçant : Todd Simpson

Eric Lindros, Philadelphie, 2000

Remplaçant : Éric Desjardins

Brian Leetch, New York, 2000

Remplaçant : Mark Messier

Vincent Lecavalier, Tampa, 2001

Remplaçant : Dave Andreychuk

Chris Pronger, St. Louis, 2002

Remplaçant : Al MacInnis

Patrik Elias, New Jersey, 2006

Remplaçant : Jamie Langenbrunner

Mike Modano, Dallas, 2006

Remplaçant : Brenden Morrow

Scott Niedermayer, Anaheim, 2007

Remplaçant : Chris Pronger

Patrick Marleau, San Jose, 2009

Remplaçant : Rob Blake

Joe Thornton, San Jose, 2014

Remplaçant : Joe Pavelski

Dustin Brown, Los Angeles, 2017

Remplaçant : Anze Kopitar

Que vaut Max Pacioretty ?

Le clan Pacioretty s’est fort probablement réjoui de l’entente signée entre Evander Kane et les Sharks de San Jose, fin mai.

Kane touchera en moyenne 7 millions par année pour les sept prochaines saisons.

Le nouvel attaquant des Sharks a 27 ans, deux de moins que Pacioretty, et son jeu comporte un élément de robustesse absent dans celui du capitaine du Canadien, mais il a atteint la marque des 30 buts une seule fois en carrière, il y a déjà sept ans.

Kane a en outre connu seulement deux saisons de plus de 45 points en neuf années de carrière à Atlanta, Winnipeg et Buffalo.

Pacioretty, en revanche, a cinq saisons de plus de 30 buts à son actif, dont trois de 35 buts ou plus. Il a obtenu 60 points ou plus à cinq reprises.

Kane avait droit à l’autonomie complète à compter du 1er juillet. Pacioretty sera joueur autonome sans compensation à son tour en juillet 2019.

Si le Canadien, ou un autre club, négocie une prolongation de contrat avec Max Pacioretty, il pourra difficilement s’en tirer avec un salaire annuel inférieur à celui d’Evander Kane.

D’ailleurs, un joueur comparable à Pacioretty, James Van Riemsdyk, vient de signer lui aussi un contrat à un salaire annuel de 7 millions, pour cinq ans, avec les Flyers de Philadelphie.

Van Riemsdyk a 29 ans lui aussi. Il a marqué 36 buts l’an dernier avec les Maple Leafs, mais il s’agissait seulement de sa deuxième saison de 30 buts ou plus en carrière. Il avait marqué 29 buts et obtenu 62 points l’année précédente.

Constance

Parmi ses arguments, le nouvel agent de Pacioretty, le féroce Allan Walsh, pourra évoquer la constance de son client, et une production impressionnante malgré l’absence d’un centre numéro un digne de ce nom chez le Canadien depuis de nombreuses années.

Un arbitre vient par ailleurs d’accorder un salaire de 7,3 millions à Mark Stone, des Sénateurs d’Ottawa, mais pour une seule année. Stone n’a jamais marqué plus de 26 buts en une saison, mais il a amassé plus d’un point par match l’an dernier, 62 en 58 rencontres.

Le club désireux d’épargner quelques dollars dans ce dossier pourra toujours rappeler le salaire annuel de 6 millions de Joe Pavelski, lui aussi l’un des buteurs les plus prolifiques des cinq dernières années. Mais Pavelski a signé cette entente il y a cinq ans déjà. Les prix ont gonflé depuis. Faible outil de persuasion, donc.

Il serait étonnant que Pacioretty puisse atteindre la barre des 8 millions, des salaires annuels consentis à Claude Giroux, Ryan Getzlaf, Jakub Voracek, Phil Kessel, Ryan Johansen, Leon Draisaitl ou Steven Stamkos, des joueurs plus jeunes, plus productifs dans l’ensemble ou encore occupant des postes plus névralgiques que Pacioretty.

Sept millions par saison pour cinq, six ou sept ans semblent constituer la valeur du marché. Pacioretty signera-t-il ce contrat à Montréal ou ailleurs ? Voilà la question.

Quatre questions pour mieux comprendre

Est-que le Canadien devrait échanger Max Pacioretty tout de suite ou attendre la date limite des transactions ?

Attendre à la date limite des transactions. Rien ne presse, et comme on l’a récemment vu dans le cas de la transaction impliquant Jeff Skinner, le moment n’est pas propice à la vente de joueurs d’impact. Le marché pour ces joueurs est loin d’être à la hausse et en plus, toute la ligue sait très bien que le Canadien a déjà cherché à l’échanger. Marc Bergevin n’est donc pas en position de force. Mieux vaut attendre à la date limite des transactions, quand quelques équipes désespérées pourraient contribuer à créer une forme de surenchère.

Quelles équipes seraient susceptibles de transiger avec le Canadien pour  Max Pacioretty ?

Difficile de le savoir maintenant, puisque personne n’a encore joué. Le lien facile à faire, et les sites de rumeurs l’ont déjà fait, c’est avec les Islanders de New York, puisque Pacioretty a grandi dans l’ombre de la grande banlieue new-yorkaise. Mais on peut penser à des destinations plus logiques, notamment les Penguins de Pittsburgh, jamais opposés à l’idée d’ajouter des marqueurs et de dépenser des sous, et peut-être aussi les Panthers de la Floride, qui pourraient bien avoir besoin de vétérans à la date limite si l’équipe est en bonne position au mois de février.

Est-ce que le Canadien devrait plutôt négocier tout de suite un nouveau contrat avec lui ?

Ce serait une excellente idée de le faire… quitte à l’échanger dans six mois. C’est toujours plus facile d’échanger un joueur avec un contrat qu’un joueur sans contrat. Et puis, surtout, un nouveau contrat au capitaine forcerait bien des gens à passer à autre chose, ce qui ne serait pas une mauvaise idée.

À qui se compare Max Pacioretty ?

Financièrement, on peut penser que l’agent de Pacioretty va comparer son client à Evander Kane, que les Sharks de San Jose ont embauché pour sept ans et 49 millions de dollars au mois de mai. Bien sûr qu’il y a des différences entre les deux joueurs, mais un agent cherchera toujours à faire des comparaisons avantageuses pour son client, et il est évident que le contrat de Kane va faire partie des prochaines discussions dans le cas de Pacioretty. Le capitaine du Canadien va fort probablement toucher quelque chose comme 7 millions de dollars par saison à son prochain contrat. C’est un peu élevé ? Sans doute, mais c’est la valeur marchande des marqueurs de 30 buts.

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