ÉDITORIAL

Le bonheur brut

Tout le monde n’est pas malheureux tout le temps, contrairement à ce que suggère l’entraînante ritournelle de Gilles Vigneault ! En fait, le niveau de bonheur est en hausse sur la planète, bien qu’il y ait de grandes disparités entre les nations. Les Canadiens se classent sixièmes à ce palmarès, supplantés seulement par les citoyens des trois pays scandinaves (évidemment…) ainsi que les Néerlandais et les Suisses.

Ces constats se trouvent dans le Rapport sur le bonheur dans le monde 2013, commandité par l’ONU, s’intéressant à 150 pays et rendu public il y a quelques jours.

Le premier rapport du genre avait été publié en 2012. Or, il existe déjà un mouvement qui prône l’adoption de cet « indice du bonheur » comme une donnée importante pour décider des grandes orientations étatiques, un peu comme le Produit intérieur brut (PIB). L’ONU appuie cette démarche, de même que les chefs de gouvernement de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la Corée du Sud ainsi que du Bhoutan, petite monarchie d’Asie du Sud pionnière en la matière.

Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée, même si l’appréciation de ce que les Bouthanais appellent le Bonheur national brut (BNB) relève par définition d’une assez grande subjectivité.

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Cependant, il y a des circonstances où la réalité parfaitement objective est incontournable. La réalité du Printemps arabe, par exemple, ou de la crise de l’euro.

Le cas de l’Égypte, secouée par de violentes manifestations ayant fait nombre de victimes et ensuite par un houleux changement de régime, est le plus flagrant. L’indice du bonheur y a reculé de 11,5 %, ce qui est énorme, entre 2005 et 2012. Globalement, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont les régions du monde où le bonheur s’est le plus effiloché (de 6,3 %). En Europe, les Grecs, les Espagnols, les Italiens et les Portugais, particulièrement touchés par la crise financière, ont connu un recul variant entre 8,9 et 3 %.

Bref, il est clair que des réalités mesurables comme la prospérité générale, l’espérance de vie, le niveau de violence (ou de sécurité) dans une société influent grandement sur le BNB.

Cependant, selon les auteurs du rapport, certaines considérations qu’il est plus difficile de quantifier sont au moins aussi importantes. La perception que chacun a de la liberté dont il dispose dans ses choix de vie en est une. La qualité des relations interpersonnelles dans une société en est une autre, tant en rapport avec le niveau général de confiance et de générosité qu’avec la garantie personnelle de pouvoir compter sur autrui. Les auteurs du rapport ont aussi étudié divers sondages explorant des émotions presque intimes : joie et tristesse, anxiété et colère.

L’une des questions posées : « Avez-vous souri et même ri beaucoup, hier ? » Sinon, il faut faire un effort, ne serait que par conscience sociale : cela contribuera au Bonheur national brut.

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