La banalisation de la maladie mentale

La banalisation de la maladie mentale, surtout de la maniaco-dépression !

Combien de fois ai-je entendu ces paroles débordantes d’empathie !

– « Bon, un autre maniaco !

– Coudonc, c’est une mode ! C’est toutes des maniacos, les artistes ! Y ont besoin de ça pour faire mousser leur carrière !

– Bon, on l’voit pus, y doit être « down » encore. J’te dis qu’y est pas drôle quand y est en dépression.

– Bon, y est high, y fait chier, y prend toute la place. Eille, prends tes pilules pis écœure-nous pas ! »

J’ai entendu pire, je me retiens.

Terrible souffrance que cette maladie et le combat quotidien pour arriver à vivre, à respirer, à essayer de passer pour « quelqu’un de normal » aux yeux des autres et de leurs terribles jugements. La différence dérange même chez ceux qui se croient au-dessus de tout préjugé.

De plus, il y a le courage inouï des malades qui ne trouvent pas toujours la bonne médication, les années de consultation, du manque de ressources, la peur de ne pouvoir continuer à travailler, la crainte du rejet, de l’abandon.

Et des années recroquevillé en position de fœtus, avec ce monstre qui prend toute la place au creux du plexus solaire. La câlisse de dépression…

Quand mon frère a mis sur pied la fondation Revivre pour venir en aide aux maniacos, comme lui, j’ai entendu plus d’une fois en coulisses : 

« Y veut redorer sa carrière avec sa maladie, y veut s’faire pardonner des affaires ! »

Il a consacré sa vie à aider, à faire connaître la maladie tout en menant une brillante carrière. Il répondait à tous les appels de détresse qu’il recevait chaque jour et qui venaient de partout. Le dévouement de cet homme pour aider les autres à ne pas mourir ! Oui, parce qu’on en meurt. Mon père en est mort, mon mari aussi, à 36 ans.

Presque toute ma famille est atteinte.

Je suis toujours chez le psy, après 25 ans de loyaux rendez-vous, pour m’aider à mettre de l’ordre dans ma tête et demeurer sereine. J’ai perdu des amis parce qu’autour de moi, il y avait de la houle.

Quand une personne souffre d’un cancer, il faut voir avec quel empressement on se rue pour l’aider, l’encourager à passer au travers de cette terrible épreuve.

Quand une personne souffre d’une maladie mentale – la dépression en fait partie –, le vide se fait autour d’elle. On ne veut pas s’approcher de peur d’en être atteint.

« J’peux pas le voir, y m’déprime, ou y m’énarve ! »

Tandis que le cancer, on est certain de ne pas l’attraper. Alors on est bon aidant. On n’est ni menacé ni trop dérangé.

Et tout à coup, un être de lumière s’éteint et la planète se réveille. Lui aussi a caché sa maladie pendant des années et s’est enfermé dans sa chambre avec sa douleur jusqu’à en mourir. Il a cherché par tous les moyens possibles d’atténuer son mal. L’alcool et les drogues font partie de ces remèdes artificiels qui finissaient par aggraver son état. Ensuite, les cures, les médicaments, les hôpitaux et le terrible silence pour continuer à travailler dans un monde où l’on n’accepte que la perfection.

Une maladie honteuse dont personne ne veut entendre parler, dont personne ne veut s’approcher.

Robin Williams n’avait pas le droit de trop parler de sa détresse, au début. Pas lui, le plus grand comique de Hollywood ! Il ne pouvait inquiéter outre mesure ses producteurs et, surtout, décevoir son public.

La peine qu’il infligeait à sa famille devait lui être insupportable. Alors, comme une bête blessée, traquée, il s’est caché pour mourir.

Tous les silencieux, les anonymes qui se retrouvent aux urgences parce qu’ils sont en crise, tous ceux qui sont enfermés chez eux avec le cœur noué de barbelés et qui cherchent juste un peu d’air pour respirer, ceux que l’ont met à la rue parce qu’ils sont trop dérangeants… J’aimerais vous rappeler que c’est une maladie, et qu’elle est très douloureuse. Ils ont tous besoin d’aide. Et il y en a bien peu !

Nous aurions besoin d’une révolution dans notre système de santé pour leur venir en aide.

Je continuerai de m’impliquer, jusqu’à la fin de ma vie, dans toutes les causes qui touchent à la maladie mentale.

Je garde le cœur et les yeux ouverts !