Dans son projet de loi 20, le ministre Gaétan Barrette entend interdire la fécondation in vitro aux femmes de plus de 42 ans. Il s’agirait, selon le , de la première législation au monde à imposer une limite d’âge absolue pour ce traitement. Le ministre soutient vouloir protéger la santé de la mère et de l’enfant. Quels sont les risques de la FIV après 42 ans ? fait le point.
Les statistiques le disent : une femme de 40 ans et plus court trois fois plus de risques de mourir pendant sa grossesse ou son accouchement qu’une femme de 30 ans. Ces chiffres doivent toutefois être mis en contexte, selon les obstétriciens-gynécologues à qui nous avons parlé.
Neal Mahutte, président de la Société canadienne de fertilité et d’andrologie et directeur médical du Centre de fertilité de Montréal, souligne que les taux de mortalité maternelle après 40 ans demeurent très faibles (23 cas sur 100 000 accouchements).
« Il existe toutes sortes de procédures médicales qui ont des taux de mortalité plus élevés, comme le remplacement de la hanche ou du genou, dit le D Mahutte. Et pour toutes ces procédures, le taux de mortalité augmente avec l’âge. Va-t-on pour autant établir une limite ? »
Les statistiques de mortalité maternelle incluent les femmes qui n’ont pas eu recours aux traitements de fertilité, souligne pour sa part Jacques Kadoch, directeur médical de la Clinique de procréation assistée du CHUM.
« Il y a probablement plus de complications chez les patientes qui ont eu une grossesse spontanée, parce qu’elles n’ont pas eu d’évaluation avant de concevoir », dit-il.
Les patientes en clinique de fertilité sont toutes évaluées. « On ne fait jamais de traitement sans avoir le feu vert d’un interniste ou d’un obstétricien spécialisé dans les grossesses à risque, indique le D Kadoch. On peut ainsi minimiser les complications liées à l’âge maternel avancé. »
En vieillissant, les femmes sont aussi plus sujettes à toutes sortes de complications pendant la grossesse et lors de l’accouchement : diabète, hypertension, pré-éclampsie, décollement du placenta, césarienne…
« De manière générale, lorsqu’il s’agit d’un premier enfant, plus l’âge maternel augmente, plus les risques sont grands, tant pour la mère que l’enfant à naître », indique Anick Bérard, professeure à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.
Il est toutefois important de considérer la condition de santé générale de la femme avant la conception. À 42 ans, souligne Anick Bérard, plusieurs femmes demeurent en forme et en santé. « Ces femmes [qui vont en clinique de fertilité en âge avancé] sont souvent très éduquées et ont un mode de vie sain », dit-elle.
« Pour la très vaste majorité des femmes de 43 ou 44 ans en santé, qui n’ont pas d’hypertension, de diabète ou d’antécédent cardiaque, la grossesse va bien aller », assure le D Mahutte.
Les critères de risque varient d’une clinique à l’autre, ce qui incite des patientes à « magasiner ».
Par exemple, à sa clinique, le D Neal Mahutte accepte de faire la FIV à des femmes obèses en santé, tandis que d’autres refusent automatiquement de traiter des femmes ayant un indice de masse corporelle (IMC) au-delà de 35, invoquant les risques statistiques associés au poids.
La prévalence d’anomalies génétiques et de malformations augmente avec l’âge de la mère.
« À 42 ans, la femme double son risque d’avoir un enfant avec une malformation congénitale », indique Anick Bérard. Il est de 6 %, contre 3 % dans la population générale. Le grand responsable : les ovules. Leur qualité et leur quantité décroissent rapidement au tournant de la quarantaine.
Or, souligne le D Kadoch, la vaste majorité des femmes de plus de 43 ans ont recours au don d’ovules. Le risque de malformation correspond alors à celui de la donneuse, et non à celui de la mère.
Autre risque : la prématurité. Après 40 ans, les risques de donner naissance avant terme sont de 15 %, alors qu’ils sont de 7,8 % dans la population générale, indique Annie Janvier, pédiatre à l’hôpital Sainte-Justine.
Cela dit, les risques de prématurité associés à une grossesse gémellaire sont beaucoup plus élevés (50 %), nuance la D Janvier. En imposant des balises sur le nombre d’embryons à implanter, le programme québécois de procréation assistée a permis de réduire le taux de jumeaux issus de la FIV de 30 % à 5 %.
Enfin, la littérature scientifique montre que les risques de pré-éclampsie (une affection grave qui augmente le risque d’accoucher d’un bébé de faible poids) augmentent aussi avec l’âge, même chez les femmes qui ont eu recours au don d’ovules.
À la clinique du CHUM, les patientes qui ont recours au don d’ovules prennent de faibles doses d’aspirine pendant leur grossesse pour réduire le risque de pré-éclampsie et de retard de croissance.
Le taux de succès de la procédure de FIV décroît rapidement au tournant de la quarantaine. La qualité des embryons (liée à la qualité des ovules) en est la cause principale.
Proportion des femmes qui donnent naissance à un enfant vivant à la suite d’un cycle de FIV au Canada:
25 à 32 ans : 40 %
35 ans : 33 %
37-38 ans : 25 %
40 ans : 18 %
41 ans : 12 %
42 ans : 8 %
43 ans : 4 %
Les taux de succès chez les femmes qui ont un don d’ovules sont plutôt stables tout au long de la quarantaine (environ 40 %), selon le D Mahutte. D’ailleurs, dit-il, il existe un consensus en vertu duquel on cesse, à partir de 43 ou 44 ans, d’offrir aux femmes des traitements de FIV avec leurs propres ovules. À Montréal, une clinique (OriginELLE) acceptait tout de même de le faire en dépit des faibles chances de succès.
Les femmes plus âgées sont aussi plus sujettes à faire des fausses couches, toujours en raison de la qualité des embryons.
Taux de fausses couches après une FIV sans don d’ovules:
Moins de 35 ans : 13 %
35 à 39 ans : 20,3 %
40 ans et plus : 34,5 %