Joël, pourquoi avoir choisi Alex Burrows ?
Joël Bouchard : Pourquoi pas ? Est-ce qu’il y a beaucoup de gars qui ont eu son cheminement, ne pas être repêché puis gravir les échelons de la ECHL à la Ligue américaine puis à la LNH ? Il a eu un rôle offensif, un rôle défensif, un rôle d’énergie. C’est un passionné, un travaillant. Les joueurs vont pouvoir s’associer à lui comme joueur et comme gars qui vient de prendre sa retraite. C’est ce que je recherchais.
On a pris notre temps parce que je voulais voir la situation d’Alex avec les Sénateurs d’Ottawa. Ça fait longtemps qu’on se connaît. On a toujours eu une bonne relation. Alex m’a toujours démontré beaucoup de passion pour le hockey junior et pour le développement des jeunes. Même son agent m’avait déjà dit qu’un jour ça lui tenterait de devenir entraîneur.
Tu voyais qu’il voulait faire du coaching. Il ne voulait pas être assis chez lui à ne rien faire. Il voulait rester dans le hockey après sa carrière. Sachant que c’était une possibilité qu’il se fasse racheter, c’était déjà dans sa tête. Quand c’est arrivé, on s’est assis, on a mis cartes sur table. Je lui ai expliqué ça sans mettre de gants blancs. Il devait y mettre les heures nécessaires. Il voulait vraiment le faire, et il voulait le faire avec le Rocket. Il a été courtisé par d’autres organisations, mais c’était son choix de rester ici et d’embarquer dans notre philosophie. Alex, c’est beaucoup de passion, mais pas juste de la passion. C’était aussi un bon joueur. Il a déjà marqué 35 buts. C’est un plombier de luxe, travaillant, qui complétait bien les duos et qui faisait sa job.
Il va y avoir une période d’adaptation normale. Mais les ordinateurs, les vidéos, tout ça, c’est facile à apprendre. Ce qu’Alex a vécu comme joueur, il n’y a pas d’université pour ça. Il n’y a pas de Harvard du hockey.
Pourquoi Daniel Jacob, deux fois plutôt qu’une [Joël l’a embauché avec l’Armada de Blainville-Boisbriand, puis maintenant avec le Rocket] ?
Joël Bouchard : Daniel a quitté un emploi universitaire stable et sécuritaire [à l’école de hockey Redmen]. Il voulait essayer autre chose. Il voulait avancer dans le hockey. Il a embarqué avec nous à l’Armada, ça a pris cinq minutes et on était confortables. Il a aussi embarqué dans le programme d’excellence de Hockey Canada.
L’adaptation est facile. Il sait comment je travaille et je ne suis pas toujours évident sur certaines choses pour certaines personnes. Il va le comprendre. Il va savoir ce que je veux. Des fois, je suis un peu dernière minute. Il est travaillant et dédié. Son expérience avec Hockey Canada a été enrichissante pour lui, mais il a aussi connu du succès. Il s’adapte, c’est un joueur d’équipe. Il est capable de faire un peu de tout. Il est polyvalent et il comprend son travail d’adjoint. Il sait qu’il doit protéger l’entraîneur-chef sur les balles qui peuvent tomber.
Quand j’ai parlé avec Marc Bergevin, je lui ai dit que je voulais vraiment emmener Daniel avec moi. Il a compris. Encore une fois, on va dire les vraies choses, une autre équipe de la ligue a appelé pour jaser avec Dan. Je ne l’ai pas laissé lui parler. Son travail avec Hockey Canada avait été reconnu ailleurs dans la LNH.
Alex, pourquoi avoir dit oui ?
Alex Burrows : J’y ai toujours pensé. Quand tu joues, on te dit toujours que c’est important de penser à ton après-carrière. Le hockey, c’est une passion, et j’ai toujours su que je voulais rester impliqué dans le hockey. Avec de jeunes enfants, tu dois aussi commencer à penser à eux, à revenir au Québec. Être à la maison, près de la famille et des amis, c’est intéressant.
Je connais Joël depuis longtemps. On parle le même langage. Il a été un de mes mentors quand j’ai commencé dans la LNH. Je le regardais s’entraîner, lui, Ian Laperrière et les autres. Je voulais rester dans le hockey après ma carrière, et quand l’opportunité s’est présentée, ça avait beaucoup de sens pour moi et pour ma famille. J’étais heureux de pouvoir tout de suite sauter au calibre de la Ligue américaine et de pouvoir apprendre de Joël et de Daniel.
Daniel, as-tu hésité longtemps ?
Daniel Jacob : Ça a dû me prendre 17 bonnes secondes. Pour trois raisons. Un, Joël, on travaillait déjà bien ensemble. J’aime sa façon de fonctionner, sa manière de voir le hockey. Il n’a pas peur non plus de challenger. Dans la vie, tu ne peux pas te contenter du statu quo, surtout au hockey. Deux, le Canadien de Montréal, c’est un rêve de ti-cul. Et trois, personnellement, on veut toujours avancer et c’était une belle occasion de le faire en terrain connu avec une belle organisation.
Comment est Joël comme patron ?
Daniel Jacob : On parle de passion. C’est un gars passionné qui fait les choses pour les bonnes raisons. Quand il dit que c’est blanc, c’est blanc. Quand il dit que c’est noir, c’est noir. C’est quelque chose que tu retrouves de moins en moins dans la vie. Il va être exigeant, mais si c’est bien fait, il va te le dire aussi. C’est quelque chose que j’apprécie. Il va nous challenger, et ce sera pareil pour les joueurs. Les zones grises, c’est trop compliqué. Il y a tellement de pertes de temps à cause de ça. Tout a du sens, et on y va à 100 %. On prend des décisions, puis on fonce et on vit avec les conséquences. Il est là 24 heures sur 24, pas seulement pour ses joueurs, mais pour son staff aussi.
Joël, tu as vécu beaucoup de choses dans ta carrière. Tu dis que tu comprends tout ce que les joueurs peuvent vivre. Raconte-moi une épreuve qui t’a changé ?
Joël Bouchard : Ma méningite, en 2000, a changé beaucoup de choses. Avant, comme plusieurs, je vivais dans le passé ou dans le futur. C’est dur, des fois, de vivre dans le moment présent. L’être humain vit beaucoup avec le regret : je n’ai pas eu ça, j’aurais voulu avoir ça, je me suis fait avoir ici, lui ne m’aimait pas. J’aurais, j’aurais, j’aurais… Je devrais, je devrais, je devrais… Mais être dans le présent, dire je dois, ce n’est pas toujours naturel pour l’être humain.
Ce moment-là m’a convaincu de m’occuper de mes affaires, dans le moment présent. On est chanceux de faire ce qu’on fait. On le dit parfois à la blague, mais je le crois : c’est « Game 7 Every Day ». On peut bien faire des plans 15 ans d’avance, tu peux bien me demander comment ça va aller à Noël. Noël, c’est comme si c’était dans 10 ans pour moi. On a un travail à faire, là, maintenant.
Alex, as-tu été soulagé que ton contrat soit racheté par les Sénateurs ?
Alex Burrows : Oui. Je ne ferai pas de cachettes. J’avais des discussions avec ma femme. On se disait que ce ne serait pas la fin du monde. Certains disent que c’est la catastrophe que ta carrière se termine ainsi. Je ne voyais pas ça comme ça. Il était temps de passer à autre chose.
Joël Bouchard : Quand il a eu la nouvelle [que son contrat était racheté], on s’est rencontrés le soir même. On n’a pas eu besoin de se parler longtemps.
Alex, comment vis-tu le fait d’être rendu de l’autre côté du mur ? C’est spécial, tu jouais avec Michael Chaput il y a deux ans, maintenant tu es son entraîneur.
Alex Burrows : Je me sens bien là-dedans. En même temps, ils vont savoir qu’ils doivent être prêts. On va les pousser, mais on va aussi les aider. On va les faire travailler et ils vont s’améliorer. Si on peut les faire monter à la LNH, tant mieux, et s’ils restent avec nous, on va essayer de vivre une belle expérience cette saison. La dernière saison à Ottawa, je suis resté sur la quatrième ligne toute l’année. J’ai eu une panoplie de jeunes qui sont passés sur mon trio. J’ai bien pris ce rôle-là, de les aider à se sentir confortables.
Ici avec le Rocket, Joël va les fouetter plus que moi. Si le message passe moins avec Joël, je vais essayer de les prendre d’un autre angle et essayer de faire passer le même message avec un ton différent. Tout en gardant la vision commune qu’on a les trois ensemble.
Daniel, tu as un parcours fascinant comme joueur. Un seul match dans la Ligue américaine, puis départ pour la Serbie. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?
Joël Bouchard : Il a fait l’émission Making the Cut [une téléréalité de hockey diffusée à CBC en 2004] ! Il a été repêché par les Panthers de la Floride.
Daniel Jacob : J’étais un très mauvais joueur de hockey. J’ai arrêté pour faire d’autres sports. Puis, à un moment donné, j’ai recommencé et ça a fonctionné. C’est là que l’émission m’a mis sur la carte. De mon expérience comme joueur, je retire une grande capacité d’adaptation. Il n’y a plus grand-chose qui va me mettre à terre ou faire en sorte que je sois à bout de ressources. C’est ce qui fait ma force. Je n’ai pas peur de me lancer dans des situations difficiles.
Joël, comment résumer ta philosophie comme coach ?
Joël Bouchard : C’est simple. Quand on a la rondelle, on est offensifs. Quand on n’a pas la rondelle, on est défensifs. Il y a une ligne mince entre les deux pour la transition. Travail acharné, investissement, passion. C’est noir ou c’est blanc. Aucun joueur ne va partir en se demandant ce que je pense. Ils savent ce que je pense. Des fois, les gens me regardent derrière le banc et disent : « Tu étais intense, tu n’étais pas content. » Au contraire, j’étais content. Intense, mais content. La zone grise, conter des menteries, je ne suis pas assez intelligent pour ça de toute façon.