Avant 2 ans, c’est non !
Avant 2 ans, la garde partagée, ce n’est pas une bonne idée.
Au risque d’être critiquée de toutes parts, Francine Cyr, psychologue clinicienne et professeure à l’Université de Montréal, se lance. « Je pense qu’avant l’âge de 2 ans, l’enfant n’a pas la maturité affective et cognitive pour bien vivre tous les allers-retours que suppose la garde partagée. »
Pour l’affirmer, Francine Cyr se base sur les connaissances les plus solides que l’on a sur le sujet, affirme-t-elle, à savoir celles qui ont trait à la psychologie du développement.
Elle évoque, par exemple, le fait que les bébés mettent un certain temps à comprendre le principe de la permanence de l’objet, à réaliser que même si quelque chose ou quelqu’un n’est plus dans son champ de vision, il continue néanmoins d’exister.
Le bébé a donc besoin d’un port d’attache principal, sa figure principale d’attachement, qui peut aussi bien être le père que la mère. De ce port d’attache, « le bébé ne doit pas être éloigné trop longtemps. Sinon, il panique ».
Cela ne signifie pas pour autant que M Cyr, qui travaille depuis plus de 30 ans sur les questions de séparation, soit opposée à des nuits occasionnelles chez celui ou celle qui n’a pas la garde. Les pédopsychiatres et les experts les plus orthodoxes le déconseillent, note-t-elle, « mais moi, je pense que cela peut très bien se faire, d’autant qu’il faut s’assurer que les deux parents maintiennent des liens forts avec l’enfant ».
À 1 an, elle croit aux bienfaits d’une nuit par semaine chez le parent qui n’a pas la garde régulière. À 2 ans ? Deux nuits non consécutives – une nuit un soir de semaine, une autre la fin de semaine – peuvent très bien se vivre.
Il existe bien une poignée d’études qui portent sur la garde partagée chez les tout-petits, mais malheureusement, signale M Cyr, elles sont souvent contradictoires et comportent d’importantes failles méthodologiques. Parfois, les échantillons seront trop petits. D’autres fois, seul le point de vue de la mère aura été sollicité.
Ces études sont pourtant citées régulièrement, devant les tribunaux ou ailleurs, où elles sont utilisées à des fins idéologiques ou partisanes, se désole M Cyr.
« Il faut remettre en cause tous ces experts qui les font passer pour des certitudes et des vérités. »
Pour les moins de 2 ans, donc, M Cyr croit qu’on doit vraiment se fier plutôt aux connaissances les plus solides dont on dispose sur le développement de l’enfant plutôt que sur les rares études plus ou moins fiables trop largement citées.
Pour les enfants plus vieux, par contre, la question est nettement mieux documentée et on navigue en eau beaucoup moins trouble.
Avec son étudiante Gessica Di Stefano, M Cyr vient d’ailleurs de terminer une enquête menée auprès de 2000 enfants québécois qui démontre qu’à l’âge de 8 ans, le bien-être des enfants vivant en garde partagée est le même que celui d’enfants vivant au sein de familles unies. Ceux qui connaîtraient plus de difficultés d’adaptation ? Les enfants vivant exclusivement avec leur mère.
De façon générale, Denyse Côté, professeure au département de sciences sociales à l’Université du Québec en Outaouais, croit pour sa part que l’important est d’éviter d’adopter une pensée rigide. Garde partagée ou exclusive, l’important, c’est que l’enfant y trouve son compte et que l’arrangement final ne soit pas invivable pour qui que ce soit. « C’est pour cela que je suis très favorable à la garde partagée quand elle est choisie et beaucoup moins quand elle est imposée. Au final, ce que l’on constate, c’est que ce qui est le plus terrible, c’est de voir deux parents se détester toute leur vie. »