Cigarette électronique

Un tabacologue en guerre

Médecin et tabacologue français, Philippe Presles sortira le 22 janvier au Québec son livre La cigarette électronique, enfin la méthode pour arrêter de fumer facilement. En novembre dernier, il faisait partie des 100 médecins, cardiologues et pneumologues à lancer un appel en faveur de la cigarette électronique à la une du quotidien français Le Parisien. Pour La Presse, il explique pourquoi, selon lui, il est urgent que le gouvernement canadien, qui l’interdit toujours, autorise ce produit qui « pourrait être l’invention qui sauvera le plus de vies au XIXe siècle ».

Q : Pourquoi avoir écrit ce livre ? Vu l’essor qu’elle connaît dans les pays où elle est en vente légalement, la cigarette électronique a-t-elle besoin d’être défendue ? 

R : La cigarette électronique doit être défendue, car il y a encore beaucoup de pays où elle est interdite ou contestée, comme au Canada. Selon moi, nous sommes dans une période de transition, qui nous fera bien rire dans deux ans. Je pense que, d’ici là, on commencera à penser à interdire la vraie cigarette et qu’on généralisera l’e-cigarette.

Q : Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que cette invention doit être mise sur le marché ? 

R : Parce que c’est tout simplement l’outil idéal pour répondre aux problèmes liés au tabac. La question que les autorités doivent se poser aujourd’hui, c’est : « Quel est le meilleur substitut à la cigarette ? » Et la réponse est sans appel.

Q : Vous basez cela sur quel constat ? 

R : Celui que je fais chaque jour en tant que tabacologue avec mes patients. Jusqu’ici, les résultats avec les substituts nicotiniques, comme les patchs ou les gommes, étaient d’environ 5 % de réussite. On peut parler d’échec quasi total. Pour la cigarette électronique, c’est pas moins de 75 % de réussite au bout d’un mois. Les 25 % restants avouent avoir sensiblement baissé leur consommation de cigarettes. C’est du jamais vu.

Q : Mais le produit est-il sans risque ? 

R : Totalement ! Il faut encore des études sérieuses pour le valider, parce que, jusqu’à maintenant, celles qui ont été menées étaient biaisées. Il suffit de se pencher un instant sur ce que contient la cigarette électronique. Tout d’abord, la nicotine, qui crée une forte dépendance, mais qui n’est pas nocive en elle-même. Ensuite, on sait que ce qui tue dans la cigarette vient de la combustion du tabac : les goudrons, les particules fines et le monoxyde de carbone. Il n’y a rien de ça dans la cigarette électronique puisqu’il n’y a aucune combustion. Il s’agit simplement de propylène glycol et de glycérol, lequel, une fois chauffé à environ 60 degrés par l’atomiseur de la cigarette, produit de la très fine vapeur d’eau.

Q : Une cigarette sans danger ? N’y a-t-il pas un danger de conduire les plus jeunes vers une dépendance à la nicotine, puis vers le tabac ? 

R : Beaucoup d’interdictions ou de réticence viennent de cette question, mais il y a là beaucoup de fantasmes. À cette période de la vie, on veut tout essayer. Parmi les jeunes qui essaieront la cigarette, il y aura ceux qui iront vers le tabac et ceux qui iront vers l’e-cigarette. Je ne pense pas que les seconds rejoindront les premiers. 

Q : Entre interdiction, autorisation sous condition et vente libre, selon vous, quelle position devrait adopter le Canada concernant la législation sur la cigarette électronique ? 

R : Il faut un marché libre, qui est le seul moyen d’améliorer encore les produits. Plus il y aura d’acteurs, plus l’innovation sera de mise. Si on place ce produit sous le même régime que les médicaments, seuls les grands groupes industriels risquent de pouvoir répondre aux contraintes de mise en marché, notamment les sociétés du tabac qui sont en train de proposer leurs propres produits. Depuis maintenant quatre ans que dure cette interdiction, combien de personnes auraient pu avoir la chance d’arrêter de fumer ?

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