Opinions Énergie

Exporter les surplus à profit

Depuis que le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques a été rendu public, il y a eu plusieurs sorties médiatiques sur la question des surplus d’électricité. Des coûts de plusieurs milliards de dollars ont été évoqués et on a remis en question le projet de La Romaine et plusieurs parcs éoliens. Toutes ces discussions reposent sur une hypothèse : que le prix d’exportation de l’électricité soit de 3 ¢/kWh de maintenant à 2022, en évoquant la révolution des gaz de schiste pour justifier ce bas prix quasi éternel.

Malheureusement pour cette analyse, et heureusement pour Hydro-Québec et les Québécois, ce qui se profile dans les années à venir est de bien meilleur augure. Tout d’abord, le 3 ¢/kWh évoqué correspond à une réalité de 2012 qui n’était vraie que pour le marché new-yorkais. Pour les exportations en Nouvelle-Angleterre, en 2012, le prix a été légèrement meilleur : 3,5 ¢/kWh. Et dès 2013, le prix a remonté à New York à 3,5 ¢/kWh et aussi, beaucoup plus, en Nouvelle-Angleterre : 5,5 ¢/kWh.

Cela a permis d’exporter du Québec vers ces régions encore plus d’électricité en 2013 qu’en 2012, qui était elle-même une année record. Les résultats financiers d’Hydro-Québec pour 2013 s’annoncent donc excellents, d’autant plus que le taux de change a été favorable pour les exportations québécoises.

L’année 2014 s’annonce encore meilleure : le prix pour les exportations québécoises de janvier et de février a dépassé les 15 ¢/kWh (en moyenne) en Nouvelle-Angleterre, et 9 ¢/kWh à New York. Évidemment, on ne peut pas compter sur de tels prix élevés pour toute l’année 2014. Mais croire que les prix vont redescendre à 3 ¢/kWh n’est absolument pas réaliste, pour une série de raisons.

Tout d’abord, les producteurs de gaz de schiste sont les premiers à souffrir du bas prix du gaz. Ils vont donc limiter la production. Aussi, les problèmes liés à l’extraction du gaz de schiste sont de plus en plus reconnus, et y remédier va augmenter les coûts de production. La Environmental Protection Agency des États-Unis va ainsi revoir cette année ses règles encadrant le traitement des eaux dans l’industrie pétrolière et gazière.

Du côté de la demande, on assiste à une forte progression : production d’électricité, industrie et transport, la demande de gaz est croissante dans ces secteurs. Même avec des prix plus élevés, la demande restera forte, parce que les alternatives (charbon et pétrole) sont plus problématiques. En Nouvelle-Angleterre, qui est le principal marché d’exportation de l’électricité québécoise, la production d’électricité repose à plus de 50 % sur le gaz naturel… alors que cette proportion n’était que de 10 % au début des années 2000. Cela favorise doublement les exportations québécoises. D’une part, le prix est élevé. D’autre part, notre électricité, plus verte, n’alourdit pas leur bilan carbone. Si ce bienfait environnemental n’est pas encore monnayé, c’est indéniablement un atout pour le Québec.

Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là. Trois lignes supplémentaires de 1000 MW ou plus sont actuellement étudiées : une allant directement au cœur de la ville de New York (où les prix sont plus élevés), une vers le New Hampshire et une troisième au Vermont, pour remplacer la centrale nucléaire de 600 MW qui ferme cette année. Chacune de ces lignes pourrait facilement transporter de 5 à 8 TWh d’électricité dès 2017 ou 2018… de quoi rendre nos surplus chose du passée.

La Romaine ne sera pas encore terminée, et on pourrait se demander comment produire davantage d’électricité verte pour nos voisins ! Évidemment, il faut rester prudent dans nos prévisions, mais l’alarmisme actuel prend des proportions largement exagérées.

Précision

NDLR : Ce texte a été publié dans La Presse+ dimanche dernier. Malheureusement, une erreur a été commise au moment de la mise en page. Les prix de l’électricité et du gaz naturel, qui étaient à l’origine en ¢/kWh, ont été convertis en $/kWh. Tous les prix mentionnés se sont trouvés être 10 fois trop élevés. Nous reproduisons donc le texte avec, cette fois-ci, les prix corrects. Nos excuses à l’auteur et à nos lecteurs.

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