Camillien Houde, le p’tit gars de Sainte-Marie

« Monsieur Montréal »

Dans le cadre du 375anniversaire de Montréal, Espace Libre et le Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) proposent une fresque théâtrale et historique sur Camillien Houde. Rencontre avec Alexis Martin et Pierre Lebeau pour parler de l’ancien maire de la métropole, figure importante de la politique québécoise.

« L’histoire est un perpétuel recommencement », dit la chanson. Parfois, il faut rappeler une évidence : Camillien Houde n’est pas seulement une voie traversant le mont Royal, prisée par les cyclistes de haut niveau. Il a d’abord été maire, populaire et controversé, de Montréal. À une époque où la ville est « transformée en agence de l’aide sociale », Houde est un des rares hommes de pouvoir issus du milieu populaire au Québec. 

Camillien Houde est élu pour la première fois en 1928, un an avant le krach boursier. Il règne à l’hôtel de ville au début de la Grande Dépression. Contrairement à Taschereau et aux élus de l’époque, il n’est pas né dans une famille de notables ni de bourgeois. Il est « un p’tit gars de Sainte-Marie », du Faubourg à m’lasse ; il s’instruira puis se construira sans argent.

D’ailleurs, plus tard, quand il en aura, de l’argent, il le dépensera. Pour fêter ses élections, « Monsieur Montréal », comme on le surnommait, aime organiser des banquets pour 5000 personnes au stade De Lorimier ! « Toute sa vie, il paniquait à l’idée de retomber dans la misère et de manquer d’argent », dit Alexis Martin, l’auteur de la pièce qui est publiée aux éditions Hamac et sera créée mardi prochain au théâtre de la rue Fullum.

L’ami du peuple

Outre le pain et les jeux, le maire et député (à l’époque, on cumule les mandats à tous les ordres de gouvernement !) prend à cœur le sort du peuple. « Il représente la première génération de politiciens issue des classes laborieuses qui a réussi à se hisser aux plus hautes magistratures. Il apportera une sensibilité à la politique québécoise qui sera déterminante pour la suite des choses », avance Martin. Le codirecteur du NTE estime qu’avec Houde, désormais, « la joute ne peut plus et ne doit plus se dérouler dans des cénacles restreints ». 

« C’est un maillon intercalaire entre la vieille mentalité canadienne-française et celle plus moderne, technocrate, avec l’arrivée des Lesage, Lévesque, Parizeau en politique au Québec. »

— Alexis Martin, auteur de la pièce 

Tragique et fanfaron 

Houde était aussi un personnage plus grand que nature, « tour à tour fanfaron et tragique, qui a laissé une marque indélébile sur la métropole ». Pour défendre ce personnage haut en couleur, doublé d’un grand orateur, Pierre Lebeau a été le premier choix de Martin et des metteurs en scène (Daniel Brière et Geoffroy Gaguère). « On vit une ère un peu drabe, terne, estime Lebeau. On a peur des excès. On veut des personnages lisses, polis. Moi, je veux rendre compte du caractère tonitruant de Houde. Dans la vie, des êtres excessifs, ça existe », croit l’interprète du tout aussi coloré Méo des Boys.

Un spectacle en trois temps

Alexis Martin et Daniel Brière (codirecteurs du NTE) s’unissent à la direction d’Espace Libre pour proposer un événement typiquement montréalais, proche des citoyens de Sainte-Marie, où Houde est né et où Espace Libre est situé depuis 40 ans. Le spectacle se déroulera en trois temps avec un déambulatoire mené par des acteurs non professionnels résidants du quartier qui jouent aussi dans la pièce. Le rendez-vous est donné dans un petit parc, près de la rue Poupart. Après la représentation à Espace Libre, le public est invité à un banquet au parc des Faubourgs, tout près du théâtre. 

« Pour célébrer ses victoires électorales, Houde organisait au stade De Lorimier de gros banquets populaires, explique Lebeau. On a retrouvé des listes de bouffe : 2000 lb de bacon, 50 galons de mayonnaise, 4000 lb de jambon et de fèves au lard, etc. »

Parce que nous sommes en 2017, c’est le restaurant Au Petit Extra qui fournira la bouffe aux détenteurs de billets.

Montréal, ville ouverte

Corrompu, Camillien Houde ? Le maire avait « un œil ouvert et l’autre fermé », selon Alexis Martin. « Mais à cette époque, l’argent sale finançait presque toutes les caisses électorales. C’était incontournable. Et Houde était une girouette, un politicien opportuniste qui suivait le sens du vent parce qu’il voulait rester au pouvoir. »

Par contre, Houde était aussi un homme de conviction, comme lors du débat autour de la conscription avec le gouvernement King, lors de l’entrée en guerre du Canada, en 1940 (voir autre texte). « Il fonçait toujours et n’avait pas froid aux yeux », explique Lebeau. « Fonce, Camillien, fonce ! », répétait sa femme, Georgette (qui sera défendue par Josée Deschênes). 

Un conseil qui pourrait aussi bien s’appliquer à la carrière de Pierre Lebeau.

À Espace Libre, du 22 août au 2 septembre 

Un maire en cinq dates

2 avril 1928

Camillien Houde est élu maire de Montréal pour la première fois. Il sera réélu maire de la métropole à 7 reprises en 24 ans.

1930-1932 

Durant la Grande Dépression, Camillien Houde lancera plusieurs grands travaux municipaux, dont la création du Jardin botanique, afin de donner du travail aux chômeurs. Le maire est aussi derrière la construction des vespasiennes (urinoirs publics pour hommes), rebaptisées « camilliennes » en son honneur.

2 août 1940 

Houde convoque les journalistes et tient un discours pour s’opposer à l’enregistrement national des soldats par Ottawa. Trois jours plus tard, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, le maire est arrêté par la Gendarmerie royale à sa sortie de l’hôtel de ville. Après son interrogatoire, Houde est amené au camp de Petawawa, en Ontario. Il a toujours refusé de désavouer ses propos anti-conscription ; il est resté détenu presque jusqu’à la fin de la guerre.

14 août 1944 

À sa libération, Houde est accueilli en héros à la gare Windsor par des dizaines de milliers de Montréalais. Il est réélu l’automne suivant, puis sans interruption jusqu’en 1954. Il remporte en 1949 l’élection fédérale dans la circonscription de Montréal-Papineau comme candidat indépendant.

11 septembre 1958 

Il meurt à Montréal, à 69 ans, seulement quatre ans après son retrait de la vie politique.

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