Sexualité
Les femmes moins monogames que les hommes ?
COLLABORATION SPÉCIALE
Que veulent les femmes ? C’est la question bien complexe à laquelle le journaliste et auteur américain Daniel Bergner s’est attaqué dans son nouveau livre
en vente depuis mardi dernier, et déjà encensé par la critique. Durant des années, Bergner, qui écrit aussi pour le a interviewé une panoplie d’experts, fouillé une multitude d’études, parlé à un grand nombre de femmes, remettant en question tout ce que l’on croit savoir sur leur sexualité. Entre deux plateaux télé et une lecture publique de son livre, il a répondu aux questions de .L’éros [NDLR : le désir sexuel] est la base de notre psyché. C’est le cœur de ce que nous sommes en tant qu’être humain.
Pendant très longtemps, on a nourri l’idée que les hommes, dans l’évolution, sont programmés à se reproduire et sont enclins à la promiscuité. Alors que les femmes seraient génétiquement programmées à rechercher un seul bon gars. Elles seraient donc censées être plus monogames que les hommes. Or, la science nous donne maintenant une tout autre version. Et si ça se trouve, ce sont les femmes qui sont les moins monogames.
ENCADRÉ
Selon Kim Wallen, psychologue américain cité dans le livre
la monogamie pour la femme est une cage culturelle qui nuit à sa libido. Non seulement la monogamie ne stimulerait pas la sexualité féminine, mais aussi, elle serait pire pour la femme que pour l’homme, croit-il. Même si les études sur ce constat sont rares, l’idée fait tranquillement son chemin dans la communauté scientifique.La psychologue américaine Marta Meana soulève le côté narcissique qui pousse les femmes à mal vivre la monogamie. Selon son hypothèse, plus la femme est en couple avec le même homme depuis longtemps, plus le sentiment de vouloir se faire désirer est fort. Pas seulement parce que son partenaire démontre souvent moins de désir envers elle, mais parce que la femme a l’impression que l’homme est « pris » avec elle. Qu’il ne fait plus le choix de la désirer parmi tant d’autres! C’est ce sentiment d’être choisie et désirée parmi toutes les autres que les femmes rechercheraient.
Lori Brotto, psychologue canadienne également interviewée dans le livre, a constaté de son côté que les femmes qui sont en relation depuis longtemps n’éprouvent pas moins de désir sexuel. Mais c’est le désir envers leur partenaire qui tend à disparaître.
Il y a une intensité dans le désir sexuel féminin qu’on reconnaît à peine. L’étude de la psychologue canadienne Meredith Chivers ouvre les yeux. Elle a comparé ce qui excite réellement les femmes avec ce qu’elles disent qui les excite. J’espère que les femmes seront fascinées par les résultats de sa recherche. Les hommes devraient aussi y prêter attention.
ENCADRÉ
Pour son étude, Meredith Chivers a fait regarder des vidéos érotiques à des femmes. Elle leur a montré des femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes, des hommes avec des hommes, des femmes avec des hommes, des vidéos de masturbation féminine et masculine et même des images de singes ayant des relations sexuelles. La chercheuse a analysé l’excitation sexuelle du corps des femmes grâce à un pléthysmographe, appareil sophistiqué. Les femmes devaient aussi noter par écrit leur excitation devant les images montrées. Résultat : le corps des femmes s’est révélé sexuellement stimulé par absolument toutes les images. Par contre, ce n’est pas du tout ce qu’elles ont écrit, ce qui démontre une contradiction entre la tête et le corps.
Dans notre culture, nous ne regardons pas en face la réalité du désir féminin. Ça nous fait peur, alors on le minimise. Messieurs, ayez une bonne conversation avec votre conjointe. Dites-lui qu’elle n’a pas besoin de vous dire que vous êtes la seule personne à qui elle pense tout le temps. Et vous pourrez découvrir des choses qui enflammeront votre vie sexuelle.
Je lui dirais qu’elle est loin d’être la seule dans son cas. On a enseigné aux femmes qu’elles devaient bien vivre avec la monogamie. C’est un terrible poids à porter.
Même à notre époque, on se méfie de la sexualité des femmes, on la craint et on la contraint. Mon livre est rempli de témoignages de femmes, mais un de mes personnages préférés reste Deidrah, une guenon. Dans de nombreuses espèces primates, les femelles sont les agresseurs sexuels. Dans le monde de Deidrah, c’est elle qui mène. Au sein de l’évolution humaine, ces espèces sont nos très proches ancêtres…
Il ne faut pas essayer de complètement fusionner sa vie avec celle de son partenaire. Et ne visez pas l’amour inconditionnel. Car cela veut souvent dire que l’autre devient acquis. On met tellement d’énergie au début de nos relations amoureuses. On a tellement peur, à ce moment-là, de perdre l’objet de notre désir. Gardez en tête que vous pouvez perdre votre partenaire en ce moment même et qu’il n’y a aucune garantie.
Un des chercheurs parle du désir d’être désiré, d’être désiré de façon incontrôlable. C’est un bon point de départ pour comprendre ce type de fantasme. Mais aussi, il faut savoir que le fantasme du viol libère les femmes des tabous sociaux.
Ce serait une horrible erreur que de penser cela.
Harper Collins Publishers, 25,95 $.