Le Québec dans l’œil du monde

En 2017, de la peur à l’intolérance

C’est fascinant de constater qu’au-delà du caractère accidentel des nouvelles, l’actualité s’inspire beaucoup de tendances et de mouvances. L’intérêt des citoyens teinte le travail des médias et le fruit de ceux-ci devient souvent la préoccupation publique. C’est aussi ce qu’on appelle la saveur du jour, du mois, de l’année.

En 2016, la peur était la valeur dominante de notre actualité. La peur du terrorisme, du Zika, des étrangers, de la criminalité ou même de Donald Trump. Elle était le principal vecteur d’intérêt au Québec. Si le phénomène n’est pas nouveau, il a connu une croissance qui frôle les 300 % entre 2001 et 2016. La peur est universelle. Elle n’a pas de couleur, de genre ou de religion. Il n’est pas nécessaire de l’expliquer. Il suffit de vous la faire sentir. Les réseaux sociaux ont joué un rôle d’amplificateur important dans ce phénomène.

Certes, la peur est encore omniprésente dans le narratif médiatique, mais elle a été supplantée par une valeur insidieuse qui prend différentes formes : l’intolérance.

L’affaiblissement du discours intellectuel dans les médias et la montée de l’opinion constituent un terreau fertile pour la croissance du populisme. Des idées-chocs, basées sur un raisonnement ténu, qui visent avant tout à répondre à des préoccupations citoyennes en favorisant l’antagonisme. Voilà les bases parfaites pour encourager l’intolérance, quelle qu’elle soit.

L’attentat à la grande mosquée de Québec, qui a été la nouvelle la plus médiatisée au Québec en 2017 et depuis le début des années 2000, a donné le ton à l’actualité.

De son côté, Donald Trump a généré plus de couverture à lui seul que Justin Trudeau et Philippe Couillard réunis. Plus de 85 % de notre propos à son sujet était du bruit ou du commentaire sans lien avec une nouvelle précise, un peu à l’instar de ce qu’on constate autour du Canadien de Montréal. On cite des excès de Trump ou on aime déclarer notre irritation face à certains de ses propos.

Le poids médias des groupes d’extrême droite a bondi quant à lui de 588 % en 12 mois. On leur a donné une forme, un visage, une voix… Non seulement nous les entendons, mais nous les écoutons plus que jamais. Par ailleurs, on s’insurge de moins en moins contre les gestes malheureux des manifestants d’extrême gauche.

La crise entourant les demandeurs d’asile et les relations avec les communautés culturelles ont aussi été au centre de nos préoccupations.

On ne se surprend même plus d’entendre ou de lire des propos qui remettent en question le bien-fondé de l’immigration au Québec. Après 10 ans d’accommodements raisonnables et de charte des valeurs, le discours populiste a trouvé des alliés dans tous les types de médias.

Les réseaux sociaux et les médias d’opinion nous servent de plus en plus un discours qu’encore tout récemment on croyait étranger à nos valeurs. Il est maintenant de bon ton de ne plus croire nos politiciens, nos institutions, notre police et même nos médias.

Et les femmes ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il y a un aspect plus positif à cette vague de fond qui nous transporte depuis des mois. L’intolérance prise au sens large n’aura pas eu que du mauvais.

En 2017, le harcèlement et l’intimidation n’ont jamais été aussi condamnés dans l’histoire contemporaine de nos médias. Il est enfin devenu normal de ne plus tolérer et même de décrier des gestes déplacés.

Si l’affaire Weintein a eu des échos partout dans le monde, elle a pris des proportions très importantes au Québec.

On pourrait croire ici que c’est un geste important dans l’avancement de la cause des femmes dans notre société. En général, les thèmes liés au tissu social ne sont pas des valeurs haussières. Laissez-moi vous rappeler qu’en 2016, seulement huit femmes composaient le top 50 des gens les plus médiatisés au Québec. En 2017, seules Hilary Clinton et Valérie Plante se sont glissées dans le top 50. Seulement deux femmes parmi les gens les plus médiatisés, mais 30 joueurs ou entraîneurs de hockey !

La sous-représentation des femmes dans l’actualité devrait être une valeur pour laquelle il serait temps d’être plus intolérant…

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