À VOTRE TOUR

Je m’appelle Andrée-Anne, je suis enseignante et j’adore ça

Je vois régulièrement circuler dans divers médias sociaux des articles qui parlent du monde de l’enseignement. On y déplore souvent la lourdeur de la tâche, la paperasse du suivi pour les élèves en difficulté qui est fastidieuse, les troubles d’apprentissage, l’application de mesures adaptatives, des programmes qui ne cessent d’abaisser les exigences, etc.

Ces articles me gonflent à bloc et me rappellent toutes les failles de notre système d’éducation qui est, selon moi, très malade. Il est vrai que je m’inquiète de l’avenir des enseignants et des jeunes de notre Québec. Je pourrais vous en écrire long sur ce que je souhaiterais qui change, sur la précarité d’emploi qui nous laisse vaciller longtemps sur un bateau instable et vous détailler mon rêve le plus fou de voir, un jour, un enseignant à la tête du ministère de l’Éducation.

À la place, je vais vous expliquer à quel point je suis bien lorsque je suis dans ma classe, puisque j’ai vraiment, selon moi, le plus beau métier du monde.

Je m’appelle Andrée-Anne.

D’abord, j’ai la chance de travailler dans une école de 425 élèves en milieu rural dans le Centre du Québec. Dans mes classes, on compte respectivement 16, 20, 20 et 25 élèves. J’ai ainsi plus de temps pour m’occuper de ces élèves que l’on voudrait parfaits. Je fais référence ici aux élèves qui présentent des déficits d’attention, de la dyslexie, de la dyspraxie, des troubles anxieux et j’en passe. Moi, je les aime, les imparfaits. Ils sont complexes et me poussent à relever le défi de les comprendre.

Enseigner, c’est avoir la chance d’avoir un espace où l’on peut être seul avec tous ces jeunes pendant 75 minutes, afin de créer un lien d’appartenance qui leur ouvre beaucoup de possibilités, dont celle de développer leur connaissance de soi. J’aime croire que ce temps est précieux et que nous pouvons faire une différence. Combien de fois ai-je vu une Julie nous arriver en première secondaire recroquevillée sur elle-même et gagner de l’assurance, au fil des ans, grâce à une troupe de théâtre, un cours d’art plastique, un club de course ou un club d’improvisation ? Combien de fois un beau Nathan a commencé l’année en me disant qu’il n’avait jamais été bon en maths, et finalement a réussi à obtenir 80 % à force de vivre des réussites et ainsi parvenir à gagner un peu d’assurance ?

Lorsque mes élèves entrent en classe, croyez-le ou non, ils ont l’air contents d’y être. Je l’aime, moi, cette génération. Je mets l’accent sur leurs bons côtés et je construis à partir de ça. C’est un peu observer une œuvre d’art ; si l’on se concentre sur le petit défaut au centre de la toile, on va passer à côté du chef-d’œuvre dans son ensemble.

Mes journées de travail passent vite. J’aime enseigner et j’ai le sentiment profond de contribuer au développement de notre société. Tout cela, malgré les petits irritants. En somme, j’en retiens le positif. Je suis fière d’être enseignante et je ne ferais aucun autre métier au monde.

Je m’appelle Andrée-Anne, je suis enseignante et j’adore ça.

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