Légalisation du cannabis

Légaliser pour mieux consommer ?

« Il y a énormément de parallèles à faire » avec la consommation d’alcool, dit Jean-Sébastien Fallu au sujet du cannabis. Chaque substance est unique, précise le professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et directeur de la revue Drogues, santé et société, mais le geste de fumer un joint en rentrant du boulot, même quotidiennement, ressemble beaucoup à celui de déboucher une bière ou de se servir un verre de vin dans des circonstances semblables.

Une portion « non négligeable » d’utilisateurs de cannabis l’intègrent dans leur quotidien sans en consommer de grandes quantités, selon lui. Comme pour l’alcool. « Les motifs de consommation sont tout à fait semblables », dit le psychologue, tout en soulignant que chez certains, boire ou fumer peut devenir une nécessité, voire une forme d’automédication pour gérer des émotions négatives.

Aucun des fumeurs réguliers de cannabis interrogés par La Presse+ n’a évoqué de problèmes de fonctionnement liés à sa consommation. Certaines personnes peuvent en consommer tous les jours, toute leur vie, sans avoir de conséquences, convient Jean-Sébastien Fallu. Une consommation qui ne cause pas de problèmes pour l’un n’est pas forcément indiquée pour l’autre, toutefois.

« Ce qu’il faut regarder, c’est l’interaction entre la substance, l’individu et son contexte. »

— Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et directeur de la revue Drogues, santé et société

L’âge du début de la consommation régulière de cannabis semble avoir un impact sur la relation qu’on entretient avec la substance. « Ce qu’on voit, c’est que les gens qui fument tous les jours et qui demeurent hautement fonctionnels n’ont probablement pas commencé à fumer du cannabis tôt à l’adolescence », dit Nathalie Castellano Ryan, aussi de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Après l’âge de 16 ans, les risques d’en faire une habitude néfaste diminuent, selon elle.

Tracer la ligne

Où tracer la ligne entre une consommation inoffensive et problématique ? « Le critère numéro un, c’est de voir s’il y a des conséquences significatives sur le comportement psychosocial. Est-ce que la consommation commence à faire souffrir la personne elle-même ou son entourage ? C’est ça qui devrait allumer certaines lumières. »

Jean-Sébastien Fallu préfère d’ailleurs parler d’habitude que de dépendance lorsqu’il est question de cannabis. Le terme « dépendance » réfère à un diagnostic psychiatrique qui ne correspond pas à la majorité des usagers, selon lui. « Même dans le cas des drogues les plus addictives comme la cocaïne et les méta amphétamines, même pour l’héroïne, ce n’est même pas 50 % des gens qui sont considérés comme dépendants au sens psychiatrique du terme », ajoute-t-il.

Légaliser le cannabis pourrait avoir des répercussions positives pour le consommateur, croit le chercheur. En ce moment, le fumeur de pot ne connaît pas la puissance de la drogue qu’il a en main avant de l’essayer. Un buveur de bière, par contre, peut facilement doser sa consommation s’il sait que sa bière compte 9,5 % d’alcool et non seulement 5 %. L’étiquetage, prévu dans le projet de loi sur la légalisation du cannabis, pourrait ainsi s’avérer très utile.

« Le marché noir encourage des produits toujours plus puissants. Un marché légal pourrait peut-être répondre à une demande de produits moins forts, estime Jean-Sébastien Fallu. Il y a des gens qui aiment fumer une fois de temps en temps pour avoir un petit feeling, mais pas être intoxiqués. » Afficher la teneur en THC sur les produits vendus légalement « pourrait permettre aux gens de mieux choisir leurs produits et de mieux consommer ».

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