Médias

Peut-on critiquer Israël ?

La récente visite en Israël du premier ministre canadien, Stephen Harper, a donné lieu à une abondante couverture de presse. Elle a également suscité de nombreuses critiques.

Les mots qu’il a prononcés à la Knesset ont été soupesés, analysés, décortiqués dans les médias, parfois avec beaucoup de véhémence.

Dans The Gazette, le caricaturiste Aislin a dessiné le drapeau israélien imprimé sur le visage du premier ministre Harper pour illustrer l’idée que la politique étrangère canadienne était influencée par le gouvernement israélien. Cette interprétation n’a pas eu l’heur de plaire aux représentants du lobby pro-israélien au Canada : l’organisme B’nai Brith a condamné le dessin du caricaturiste, et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a exprimé son désaccord dans une lettre publiée dans les pages du quotidien anglophone.

Dans la foulée de ces événements, une question s’impose : existe-t-il un espace dans les médias pour critiquer Israël ?

Pour Jean-François Lépine, longtemps journaliste à Radio-Canada et aujourd’hui analyste politique, il est clair que « le climat de harcèlement de la part du lobby pro-israélien fait en sorte qu’il est plus difficile qu’avant de faire son travail de journaliste ».

« Dans les années 1980, poursuit-il, je n’avais jamais de feed-back à propos de mes reportages. Il faut dire qu’il n’y avait pas d’ombudsman à l’époque. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde de relations publiques, et les organisations se sont donné des outils. Le lobby pro-israélien a la gâchette rapide. Quand le journaliste Charles Enderlin est venu à Montréal, récemment, il s’est fait dire par la recherchiste d’une émission d‘information radio que la direction ne voulait pas qu’on aborde ce sujet délicat [le conflit israélo-palestinien] avec lui. À la longue, le harcèlement a un effet dissuasif. »

Le journaliste Luc Chartrand  – qui est l’auteur d’un reportage sur le lobby pro-israélien diffusé en 2010 à l’émission Une heure sur Terre – estime pour sa part qu’il est possible de faire de l’analyse critique même si le contexte n’est pas facile. « Lorsque j’ai présenté mon reportage, j’ai joui du soutien de mes patrons, mais il est certain que le sujet crée un climat de peur dans certaines rédactions. On crée une pression qui n’a pas d’équivalent dans le monde médiatique. »

Du côté pro-israélien, toutefois, on voit les choses d’un autre œil. Le représentant de B’nai Brith a Montréal a décliné notre demande d’entrevue. Quant à David Ouellette, directeur associé affaires publiques du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, il renvoie la question : « Quel espace existe-t-il pour défendre Israël ? demande-t-il. Quand on consulte les médias québécois, on en conclut toujours que c’est la faute d’Israël s’il n’y a pas d’accord de paix au Moyen-Orient. La presse québécoise connaît mal ce conflit et manque de nuances quand elle en parle, ajoute-t-il. Les journalistes sont très collés au récit palestinien. »

M. Ouellette estime que les propos de M. Harper ont été mal rapportés dans la presse québécoise, ce qui rompt avec ce qui s’est écrit dans le reste du Canada. « Depuis quatre ou cinq ans, je surveille ce qui s’écrit et se dit et je relève souvent de graves erreurs factuelles. »

Surveillance assidue

Dans son plus récent rapport, l’ombudsman de Radio-Canada, Pierre Tourangeau, consacre un chapitre au conflit israélo-palestinien, dans lequel il souligne que sur 75 plaintes touchant différents sujets, au cours de la dernière année, 26 émanent des lobbys pro-Israël. « Est-ce parce que la couverture de Radio-Canada fait l’objet d’une attention, je dirais même d’une surveillance, toute particulière par les organismes qui défendent les intérêts et le point de vue d’Israël et de la communauté juive ? écrit-il. C’est certainement un facteur important, puisque je n’ai pas constaté l’existence d’organismes équivalents du côté palestinien. »

M. Tourangeau précise que les 12 demandes de révision qui lui ont été adressées provenaient toutes d’organismes pro-israéliens. « Cette situation n’est pas banale, commente-t-il. Aucun autre des sujets ou dossiers couverts par Radio-Canada ne suscite l’intervention d’organismes entièrement dédiés à la surveillance des médias. »

L’ombudsman prend toutefois soin de préciser qu’il a donné raison aux plaignants cinq fois sur 12 et qu’en réponse à ces plaintes, il a informé la direction de l’information de Radio-Canada que certains aspects de la couverture du conflit pouvaient être améliorés.

Pour Joseph Rosen, professeur de philosophie au collège Dawson et auteur du texte « The Israel Taboo » paru dans la dernière édition du magazine The Walrus, les jeunes de la communauté juive sont plus ouverts au débat que leurs aînés. « Des gens comme mon oncle se souviennent d’avoir été expulsés de bars à Montréal à une époque où on disait : “Pas de chiens, pas de Juifs.” Or les plus jeunes n’ont pas connu ça. »

Selon M. Rosen, les organisations actuelles, qui présentent un front pro-sioniste plutôt unifié, n’auront bientôt plus le choix de s’ouvrir au dialogue s’ils veulent que les jeunes leur prêtent l’oreille.

« Il existe des organismes plus à gauche, comme Independent Jewish Voices, par exemple, qui sont plus critiques et ne sont pas satisfaits de ce qui se dit dans les organisations traditionnelles », explique Joseph Rosen, qui est lui-même impliqué dans le groupe communautaire alternatif Chavurah, organisation basée dans le Mile End regroupant une centaine de familles qui se rencontrent pour échanger et débattre. Chavurah organise d’ailleurs un débat aujourd’hui même. Son thème : comment discuter d’Israël ?

Reste maintenant à faire entendre leur voix dans les médias.

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Le canal Stephen Harper

Les journalistes se plaignent que l’accès au premier ministre Harper et aux membres de son gouvernement est difficile. La création du canal 24 sept sur le site du premier ministre n’améliorera pas les choses. On a en effet trouvé une façon de s’adresser aux Canadiens sans passer par les journalistes avec la création de ce canal web qui présente un résumé des activités, annonces et événements auxquels le PM et les membres de son gouvernement ont participé durant la semaine. Pour en savoir plus : 

http : //pm.gc.ca/fra/24sept

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Facebook innove

Dès demain, une nouvelle application permettra aux utilisateurs américains de Facebook sur iPhone de partager des informations et de raconter des histoires de manière beaucoup plus conviviale. Paper (c’est son nom) est une riposte de Facebook aux nombreuses applications comme Flipboard et Zite qui permettent de créer un journal ou un magazine personnalisé. On pourra aussi faire des liens avec des contenus du New York Times, de Time et du Huffington Post. L’application ne sera disponible qu’aux États-Unis ; aucune date de lancement n’est encore prévue pour le Canada.

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