Place du marché

« Voyageons, soyons généreux »

« Certaines personnes considèrent que ça équivaut à profiter de la misère des autres, mais je ne suis pas d’accord », répond Paul Arseneault, titulaire de la Chaire en tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

« Le tourisme est l’un des principaux facteurs qui aident l’économie d’un pays à se développer ou se relever. Quand des voyageurs ont choisi d’éviter Cuba en prétextant qu’il s’agissait d’un pays communiste sous le joug d’un dictateur, ils ont créé une forme d’embargo économique. Mais ça n’a rien changé au régime.

« C’est la même chose avec un pays en crise financière, ajoute-t-il. Si on évite une destination pour ce genre de préoccupations éthiques, on ne l’aide pas. On accroît ses difficultés économiques. Moi, je dis : voyageons, soyons généreux sur les pourboires et n’oublions pas que les hôteliers sont des adultes consentants. S’ils offrent des rabais, c’est qu’ils préfèrent louer leurs chambres à bas prix plutôt que de les voir vides. »

Le risque d’offrir trop de rabais

Même s’il n’a aucun scrupule à voyager dans un pays à l’économie fragile, le professeur de l’UQAM est d’avis que les aubaines excessives auraient un effet négatif sur la cote de certains établissements. « En période de crise économique, la pire chose que les hôteliers peuvent faire, c’est de trop baisser leurs prix. Ça risque d’amoindrir la qualité de leur marque. Lorsque les touristes voient que les prix remontent, ils se disent que c’est une arnaque. »

Au-delà des nombreux rabais généralement annoncés sur l’internet, les voyageurs peuvent également tenter de marchander. « Une stratégie valable si la personne à la réception a le pouvoir de diminuer les prix, explique Paul Arseneault. Dans plusieurs grandes villes, l’employé à l’accueil ne peut rien faire. Mais dans certaines régions, en période de grande crise, quelques établissements sont ouverts au marchandage. Évidemment, la transaction sera comptabilisée au noir. »

Un tel procédé peut s’avérer risqué en haute saison touristique. « Il faut avoir une bonne tolérance au risque. En basse saison, il y a moins de chance de passer la nuit sur un banc de parc. Des aubaines apparaissent à la dernière minute. Un hôtel 5 étoiles peut offrir ses chambres à moitié prix à 48 heures d’avis. »

L’impact de la crise

Quand on lui parle des effets de la crise économique actuelle sur le tourisme, M. Arseneault met les choses en perspective. « Plusieurs pays européens sont en difficulté, mais l’euro ne s’est pas effondré. Au cours des dernières années, les prix ont un peu diminué, mais la devise est encore très forte. Si un pays comme la Grèce quittait l’Union européenne, on trouverait les deals du millénaire. On est loin de ce que j’ai déjà vu en Tchécoslovaquie, avant la chute du mur de Berlin. À l’époque, à Prague, on pouvait être 10 personnes à manger au restaurant et faire couler le champagne à flots pour seulement 100 $. C’était une autre époque. »

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